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ORL et Stomatologie

Publié le 25 avr 2024Lecture 5 min

Rhinopharyngites automno-hivernales : ne pas négliger le rôle de l’allergie

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

La rhinite allergique (RA) chez l’enfant fait partie de la trajectoire atopique. Elle peut se mêler (ou se confondre) aux rhinopharyngites automno-hivernales. Pas suffisamment prise en compte, elle a cependant un impact sur la qualité de vie et l’avenir de l’enfant. Indiquée en seconde intention après les mesures d’éviction et les médicaments symptomatiques, l’immunothérapie allergénique présente de nombreux avantages.

• Vue par l’ORL Obstruction nasale, pesanteur faciale, rhinorrhée antérieure ou postérieure, autant de symptômes non spécifiques d’une pathologie précise, seuls le prurit et les éternuements orientent vers une rhinite allergique(1). Le nez est en contact direct avec une multitude d’agents présents dans son environnement auxquels il devra faire face (bactéries, virus, pollution, tabac, acariens, pollens, expositions professionnelles et médicamenteuses) et qui selon les individus déclencheront des symptômes, tels que le nez bouché, la rhinorrhée ou la perte d’odorat. Sans compter que 70 % de la population présente des anomalies morphologiques endonasales, responsables des mêmes symptômes (obstruction nasale 99 %, céphalées frontales 49 %, rhinorrhée postérieure 38 %, infections à répétition 36 % et bruit nocturne 16 %)(2). De plus, syndrome morphologique et rhinite allergique (RA) interagissent négativement l’un sur l’autre, avec une moins bonne réponse au traitement(3). De même, l’exposition professionnelle à des allergènes ou des irritants, ainsi qu’une rhinite préexistante aggravent la RA(4).   Rôle conjoint des virus et des allergènes   • Vue par l’allergologue La théorie hygiéniste supportant le rôle protecteur des virus vis-à-vis de l’allergie fait l’objet de discussions. En sa faveur, une exposition cumulative plus importante à la fratrie avant l’âge de 2 ans est inversement corrélée au risque de RA précoce ; ce risque diminue avec l’augmentation des infections virales(5). À l’inverse, une métaanalyse récente est en faveur d’une corrélation positive entre l’infection des voies respiratoires supérieures avant l’âge de 2 ans et l’apparition d’une RA chez l’enfant (OR = 1,32)(6). De même, la garde en crèche est associée à une augmentation des RA comparée à la garde à domicile(7). Enfin, les nourrissons qui n’ont pas été infectés par le virus respiratoire syncitial (VRS) durant leur première année de vie, ont un risque diminué d’avoir un asthme à l’âge de 5 ans (RR : 0,74 ; p = 0,01)(8). En outre, le rôle délétère d’une polysensibilisation est aujourd’hui bien identifié. La moitié des patients avec une RA sévère aux acariens (avec ou sans asthme) présente une polysensibilisation et 50 % d’entre eux font une ou plusieurs exacerbations des symptômes de rhinite par an (qui durent 15 à 20 jours en moyenne). Bien que perannuelles, les RA aux acariens ont une saisonnalité avec une recrudescence à l’automne puis au printemps. Dans cette étude observationnelle , le pic était observé en août/septembre(9)  Les infections hivernales, la pollution, le stress, le tabac sont des facteurs aggravants. Une polysensibilisation, une forme sévère et persistante et un score d’obstruction nasale élevé sont des facteurs prédictifs d’exacerbation de rhinite(10,3).   La RA, une pathologie à ne pas négliger   Il est important d’avoir ces données en tête pour ne pas passer à côté d’une RA, pathologie estimée bénigne et pas suffisamment prise en compte, notamment par les patients eux-mêmes. En effet, 2 sur 3 patients ne se considèrent pas malades, alors que l’impact sur la qualité de vie est semblable à celle de l’asthmatique(11,12). Quoi qu’il en soit, les maladies allergiques respiratoires sont intriquées(13) : la RA multiplie par un facteur de 2 à 7 le risque de développer un asthme, 10 à 40 % des patients avec une RA ont un asthme associé et 80 % des patients asthmatiques présentent une symptomatologie nasale(14). Le traitement de la RA dépend de sa gravité. Dans tous les cas, l’éviction allergénique est importante, mais pas toujours possible et rarement suffisante(15,16). Un anti-H1 oral ou local est proposé en première intention dans les formes légères et intermittentes. Dans les RA légères et persistantes, en première intention ce sera un anti-H1 et des corticostéroïdes par voie nasale (ou cromones par voie nasale) et, en 2e intention, on a recours à une immunothérapie allergénique (ITA) si le traitement symptomatique est insuffisant ou mal toléré, en particulier quand la qualité de vie est altérée. Cette même stratégie vaut pour les RA modérées à sévères, qu’elles soient intermittentes ou persistantes(15,17). « Le traitement symptomatique a uniquement un effet suspensif, il doit être pris tous les jours (dans les formes persistantes) avec les problèmes d’observance que cela suppose, a insisté Pierrick Cros (Brest). Toute une vie de traitement, c’est long. En tant que pédiatre, on pense à l’avenir de l’enfant. »   L’action pléiotrope de l’ITA   • Vue par le pneumopédiatre « L’ITA est indiquée (en seconde intention) chez l’enfant à partir de 5 ans, une fois le diagnostic de rhinite ou/et de conjonctivite allergiques confirmé, a ajouté P. Cros. Un test positif ne suffit pas. L’allergie est l’association d’une sensibilisation (prick-tests positifs, IgE spécifiques positives), d’une exposition aux allergènes (acariens, chat, graminées, etc.) et de symptômes cliniques. » L’ITA est un traitement sublingual qui existe sous forme de comprimés pour certains allergènes (graminées, acariens et bientôt d’autres), ou sous forme liquide (avec de plus nombreux allergènes disponibles). La forme liquide ainsi que les comprimés graminées sont possibles dès 5 ans. L’ITA présente de nombreux avantages. Elle agit à la fois sur les symptômes et sur la réduction des médicaments symptomatiques(17). Elle a un effet rémanent. La baisse des prescriptions des médicaments symptomatiques pour RA se prolonge longtemps après la fin de l’ITA (de 3 à 9 ans dans certaines études en vie réelle)(18). En outre, l’action de l’ITA dépasse celle produite sur la RA seule. Dans des études sur base de données de prescriptions, elle diminue les exacerbations sévères d’asthme (p < 0,05) et de pneumonies (p < 0,05)(18). Une autre étude similaire rapporte qu’une ITA-SL aux graminées chez des enfants allergiques, diminue l’incidence d’apparition d’asthme (- 40 % avec ITA vs + 20 % groupe contrôle)(19). Elle réduit le risque de nouvelles sensibilisations : une étude en conditions de vie réelle rapporte + 6 % après 3 ans dans le groupe ITA + traitement symptomatique vs + 38 % dans le groupe traitement symptomatique seul(20). Au total, l’ITA n’est pas un médicament symptomatique de la RA, c’est véritablement un traitement étiologique avec un effet persistant, susceptible de modifier l’histoire naturelle de l’allergie et de changer l’avenir de l’enfant. D’après le symposium « Les rhinopharyngites automno-hivernales : tout n’est pas viral » organisé avec le soutien du laboratoire ALK, avec la participation du Pr Lisa Chami-Giovannini (Nice) modératrice, du Pr Jacques Brouard (Caen), du Pr Ludovic de Gabory (ORL pédiatre, Bordeaux) et du Dr Pierrick Cros (Brest), lors des Rencontres de Pédiatrie Pratique (janvier 2024)

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