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Environnement

Publié le 25 mar 2024Lecture 9 min

Coup de projecteur sur trois études récentes

Benjamin AZÉMAR et Grégoire BENOIST, Coordinateurs scientifiques des Rencontres de Pédiatrie Pratique

Le thème de la communication confiée à Élise Launay (Nantes) était en lui-même une gageure : présenter les trois articles thérapeutiques de l’année 2023. Aussi a-t-elle tenu à préciser d’emblée que sa lecture des publications n’avait bien sûr pas pu être exhaustive et que face à la multiplicité des critères possibles de choix, elle avait opté pour des travaux tentant de répondre à des questions de la pratique quotidienne des pédiatres.

La première étude choisie par E. Launay portait sur la durée de l’antibiothérapie en cas de pyélonéphrite aiguë de l’enfant. En effet, la durée idéale de traitement de telle ou telle infection est une interrogation qui est périodiquement remise en question. Et même si, 10 jours d’antibiotiques sont recommandés par la SPILF et le GPIP en cas de pyélonéphrite aiguë non compliquée de l’enfant(1), Theoklis Zaoutis et son équipe ont cherché à savoir si on pouvait limiter cette durée à 5 jours(2). L’étude a porté sur des enfants, âgés de 2 mois à 10 ans avec une infection urinaire (UI), vus aux urgences, en consultation externe ou hospitalisés, entre 2012 et 2019, dans les deux centres participants. L’objectif était d’évaluer si un traitement court (TC) de 5 jours était aussi efficace que le traitementstandard (TS) de 10 jours. Il s’agissait d’une étude de non-infériorité. L’UI était définie par la présence d’un ou plusieurs signes cliniques (parmi les suivants : fièvre, douleur suprapubienne ou abdominale ou fosse lombaire, signes fonctionnels urinaires, symptômes généraux), associé(s) à une pyurie (> 10/mm3 non centrifugé ou > 5/mm3 centrifugé) ou une leucocyturie (> traces à la BU) et à une culture positive (> 5 x 104 UFC/mL, norme nord-américaine). Les motifs d’exclusion étaient une bactériémie, une uropathie, une chirurgie urologique récente, une admission en soins intensifs, des germes résistants, une intolérance digestive, une immunodépression, une allergie à un des médicaments de l’étude, et la participation à une autre étude. Tous les patients recevaient 5 jours d’antibiotique – amoxicilline/acide clavulanique, céfixime, cefdinir (non disponible en France), céfalexine ou triméthoprime/sulfaméthoxazole – puis les 5 jours suivants, la moitié poursuivait le même traitement et l’autre moitié recevait un placebo. L’amélioration clinique à J5 correspondait à l’absence de fièvre, de signe fonctionnel urinaire et de signes généraux. Le critère principal était le taux d’échec du traitement, c’est-à-dire la persistance d’une IU entre J6 et J11-14. C’était une étude de non-infériorité avec une marge de 5 % entre le taux d’échec du groupe intervention versus le groupe contrôle (valeur supérieure de l’intervalle de confiance). Les critères secondaires étaient la présence d’une IU après J11-14 (jusqu’à J38-44), une bactériurie asymptomatique à J11-14, la colonisation par une bactérie résistante à J24-30, des symptômes cliniques d’IU entre J6 et J11-14, et une culture positive entre J6 et J11-14. Parmi les 1 679 patients éligibles, il y a eu 986 refus et 693 enfants randomisés: 348 TS (328 car 20 exclusions pour données manquantes), 345 TC (336 car 9 exclusions). Les caractéristiques de la population étaient les suivantes : âge médian 4 ans (58 % entre 2 et 6 ans), 96 % de filles, 62 % non fébriles à l’admission (par conséquent une majorité de cystites). Le taux d’échecs entre J6 et J11- 14 était de 0,6 % dans le groupe TS (2/328) et de 4,2 % dans le groupe TC (14/336), différence de 3,6 % avec IC 95% (< 5,5 %) ; la non-infériorité du TC n’a donc pas pu être démontrée. Les auteurs n’ont pas retrouvé d’association entre échec et fièvre, ni de lien avec l’antibiotique utilisé. Dans le groupe UI fébrile, il y a eu 0,3 % d’échec avec le TS et 1,8 % avec le TC. Concernant les critères secondaires, le taux de bactériurie asymptomatique à J11-14 était de 3,4 % avec TS vs 8,6 % avec TC (p < 0,01), celui des cultures positives à J6 ou J11-14 de 1,8 % TS vs 12,2 % TC (p < 0,01). Il n’y avait pas de différence concernant les autres critères. Or de façon très surprenante les auteurs concluent que même si la marge de non-infériorité n’est pas dépassée, le faible taux d’échecs du TC permet d’estimer qu’il s’agit d’une option raisonnable. « Outre une conclusion hâtive, cette étude a plusieurs biais : l’amalgame entre cystites et IU fébriles avec une majorité de cystites et la mise en avant du résultat d’un critère non défini – l’absence de différence significative J9 après la fin de l’antibiotique dans les deux groupes (4,2 % vs 2, 7%) –, a conclu E. Launay. Quoi qu’il en soit, le traitement court de la cystite n’est pas remis en cause, et celui de la pyélonéphrite nécessite des études complémentaires portant sur des enfants plus jeunes et ayant tous une pyélonéphrite. Il serait également utile de comparer un traitement 3 jours d’antibiotiques IV à longue demi-vie vs traitement IV puis traitement oral. Une telle étude est en cours en France. Il faut aussi prévoir une scintigraphie pour évaluer les cicatrices rénales afin de juger des conséquences pour le rein. »   Quel risque infectieux lié aux IPP ?   Autre préoccupation des pédiatres, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) très prescrits chez les jeunes enfants, sont-ils susceptibles d’augmenter le risque d’infections sévères ? Une étude française a tenté de répondre à cette question(3). Ce travail s’est fondé sur le registre EPI-MERES qui, à partir des données nationales de soins (SNDS), couple les données des femmes enceintes avec celles de leur enfant. L’étude a porté sur les enfants nés entre le 1er janvier 2010 et le 21 décembre 2018 ayant reçu un IPP, un alginate ou un anti-H2 entre la naissance et le 31 décembre 2019. La date index était celle de la première dispensation d’un de ces traitements. Étaient exclus les enfants pour lesquels on n’avait pas les données de soins, les infections périnatales et les infections sévères avant la mise sous traitement. L’exposition ou non à un IPP, une exposition au moment de l’infection ou avant celle-ci et la durée du traitement IPP (0, < 6 mois, 7-12 mois, > 12 mois) étaient consignées. Un délai de 30 jours au moins entre l’exposition et l’infection était respecté pour éviter les biais protopathiques (c’est-à-dire que la prescription d’IPP soit liée à l’infection). Le critère d’évaluation principal était le premier épisode d’infection (on repérait le codage correspondant à une infection chez des enfants hospitalisés). Les épisodes suivants chez le même enfant n’étaient pas pris en compte. L’analyse était ajustée sur les données sociodémographiques (âge, sexe, déprivation sociale), les données relatives à la grossesse, les comorbidités de la mère et de l’enfant, et la saison. Ainsi, parmi les 6 349 003 enfants du registre EPI-MERES nés entre 2010 et 2018, 1 497 773 avaient reçu un traitement pour RGO durant l’étude (fin du suivi 31 décembre 2019) ; 38 561 ont été exclus faute de données de soin ; et parmi les 1 459 212 enfants restant, 196 788 ont été exclus en raison d’une infection avant exposition aux traitements étudiés. En définitive, l’étude a porté sur 1 262 424 enfants, dont 606 645 ayant eu une prescription d’IPP et 655 779 n’en ayant pas eu. Au moment de la première dispensation d’un traitement RGO, les enfants étaient âgés en moyenne de 84 jours. Ceux du groupe IPP avaient plus de comorbidités, notamment respiratoires (8,1 % vs 3,6 %) et avaient eu plus de prescriptions de corticoïdes (6,6 % vs 2,9 %) susceptibles de favoriser une infection sévère. La durée médiane de la prescription d’IPP était de 118 jours. Le risque d’infection sévère était plus élevé chez les enfants exposés aux IPP au moment de l’hospitalisation (HR = 1,34, augmentation du risque de 34 %). Et si on ne tient pas compte du moment de l’exposition par rapport à la survenue de l’infection, le risque infectieux lié aux IPP était multiplié par 4 (comparé aux enfants n’ayant jamais pris ce traitement). Plus l’exposition aux IPP était prolongée, plus le risque d’infection était élevé. Le risque relatif chez les enfants avec un antécédent de prématurité ou de maladie chronique était de 1,36 versus 1,32 en l’absence de comorbidité. Enfin, le risque relatif variait en fonction du site de l’infection, à savoir : 1,52 pour la sphère digestive (risque augmenté de 50 %), 1,47 pour l’ORL, 1,32 pour le SNC, 1,22 pour les infections respiratoires basses, 1,20 pour les infections urinaires, 1,17 pour celles musculo squelettiques et 1,08 pour la peau (NS). Le risque relatif d’infections bactériennes était de 1,56 et celui d’infections virales de 1,30. « Cette étude, comme d’autres publications précédemment, montre clairement l’augmentation du risque d’infection sévère chez les enfants exposés aux IPP, a noté E. Launay. Ces médicaments sont trop largement prescrits,souvent sans véritable diagnostic de RGO. La mise en évidence des effets secondaires peut être utilisée comme levier de non-prescription ou d’arrêt de traitement, notamment chez les tout-petits (chez lesquels les IPP n’ont pas d’AMM). »   Un traitement non médicamenteux comme objet d’étude   Concernant le dernier article de thérapeutique, Élise Launay a choisi de présenter un travail portant sur un traitement non médicamenteux. Il s’agissait d’évaluer l’intérêt d’un séjour à l’air frais comparé à un séjour dans une salle d’attente chauffée, pour améliorer l’efficacité d’une corticothérapie inhalée chez des enfants avec une laryngite aiguë(4) . L’étude portait sur des enfants de 3 mois à 10 ans admis aux de Genève pour une laryngite avec score de Wesley ≥ 2* . Après avoir reçu 0,6 mg/kg de dexaméthasone, la moitié des enfants sortait dehors où la température était < 10°C (avec leurs parents et une couverture) pendant 30 minutes (au moins 15 minutes pour être inclus dans l’essai) et l’autre moitié restait 30 minutes dans une salle d’attente chauffée à 24 ou 25°C. Le critère principal d’évaluation était le pourcentage d’enfants, avec une diminution d’au moins 2 points du score de Wesley 30 minutes après les corticoïdes (c’est-à-dire avant que l’effet des corticoïdes se manifeste). Les critères d’évaluation secondaires étaient : la modification du score de Wesley à 60 minutes, la différence de saturation en O2, de fréquence respiratoire et cardiaque, les effets secondaires observés, une réadmission et l’évolution des symptômes à domicile. Parmi les 3 602 enfants avec une laryngite aiguë vus aux urgences, seuls 118 ont été randomisés (3 484 ont été exclus principalement du fait du refus des parents, de la surcharge de travail aux urgences ou des conditions météo). Les enfants étaient âgés de 32 mois en moyenne, la moitié avait une laryngite légère et la moitié une laryngite modérée. La température moyenne extérieure était de 5,3°C, l’hygrométrie de 68 %. À l’issue de l’étude, les auteurs ont observé une diminution du score de Wesley > 2 chez 49,2 % des enfants dans le groupe « exposition au froid » vs chez 23,7 % dans le groupe « salle chauffée », soit HR = 3,1 et la différence de risque absolu de 25,4 %. Le bénéfice était plus net pour les formes modérées avec un HR = 8,3 (vs HR = 1,2 pour les formes légères). À 60 minutes, la différence entre les deux groupes n’était plus significative (diminution du score Wesley > 2 chez 62,7 % du groupe « dehors » vs 66,1 % du groupe « dedans »). Tousl es critères secondaires étaient négatifs : absence de différence concernant la saturation en O2, la fréquence cardiaque, respiratoire, le taux de réadmissions et les effets indésirables rapportés. Les auteurs ont conclu à l’efficacité de l’exposition à l’air frais. Toutefois, l’absence de différence entre les deux groupes à 60 minutes semble indiquer que l’exposition au froid ne fait qu’accélérer l’amélioration due au médicament. L’hypothèse émise pour expliquer ce phénomène est que les récepteurs au froid des voies respiratoires hautes engendrent une relaxation musculaire, favorable au passage de l’air. Il est également possible que la vasoconstriction consécutive au froid diminue l’œdème. L’humidité ne joue probablement pas de rôle. D’après la communication d’Élise Launay (Nantes) Modérateur : Pierre Foucaud lors des Rencontres de Pédiatrie Pratique 2024

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