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Dermatologie

Publié le 31 oct 2023Lecture 6 min

Particularité de la brûlure pédiatrique et problématique de la prise en charge

Elvira CONTI, Service de chirurgie plastique, reconstructrice et brûlés, hôpital Armand Trousseau (AP-HP) ; Sorbonne Université, Paris

La prise en charge de l’enfant brûlé présente des particularités qui sont liées aux caractéristiques physiques, physiologiques, psychologiques, environnementales de l’enfant mais aussi à la spécificité de la brûlure. Cela demande une expertise dans ces deux domaines, ainsi que des structures adéquates pour prodiguer ces soins.

Peu d’études permettent d’obtenir des données épidémiologiques concernant la brûlure pédiatrique du fait de l’absence de recueil systématique d’information, de la diversité des secteurs prenant en charge les enfants brûlés, et d’une disparité de prise en charge spécialisée. Cependant, les données de l’InVS de 2014 montrent qu’en France métropolitaine, plus d’un quart des patients hospitalisés pour brûlures sont des enfants âgés de 0 à 4 ans, avec un pic de fréquence entre 0 et 2 ans.   Pourquoi la brûlure est une pathologie grave ?   La brûlure n’est pas une plaie comme les autres en raison du caractère très inflammatoire et des séquelles fonctionnelles, esthétiques et psychologiques qu’elle entraîne, avec des conséquences socio-économiques lourdes. C’est pour ces raisons que la qualité de la prise en charge initiale conditionne le résultat final et l’importance des séquelles. La brûlure pédiatrique est une pathologie sociale : la précarité augmente les facteurs de risque, les deux tiers des enfants brûlés dans le monde viennent d’un milieu défavorisé. Les causes de brûlure Il s’agit dans 85 % des cas d’accidents domestiques : les plus dangereuses sont la salle de bain et la cuisine. Ces accidents suscitent un impact psychologique fort sur la famille. Les brûlures par liquide (eau, thé, café, soupe, huile, etc.) sont les plus fréquentes, suivies par celles de contact avec fer à repasser, porte de four, insert de cheminée, et autres. En général, les mains sont les localisations les plus fréquentes, en particulier les paumes des mains qui sont atteintes profondément (les enfants n’ont pas le réflexe de retirer la main de la source de chaleur). La troisième cause de brûlure sont les flammes (incendie, retour de flamme, etc.) qui provoquent en général des brûlures profondes. Les brûlures électriques et chimiques chez l’enfant sont plus rares, mais il faut retenir qu’il s’agit de lésions profondes et, même si elles sont que ponctiformes, il ne faut pas les négliger.   Conduite à tenir devant un enfant brûlé   Il est très important de prendre en compte les critères de gravité (figure 1) : – l’agent causal (la température, la durée de l’exposition et la nature de l’agent causal) ; – la localisation (les mains et les pieds sont très douloureux, le visage entraîne un œdème et il faut suspecter des éventuelles brûlures des cornées, l’atteinte périnéale est à l’origine d’un œdème important avec nécessité de sondage vésical) ; – la surface (la paume de la main de l’enfant correspond à 1 % de la sur face corporelle totale) ; on utilise l’application E-Burn ; – la profondeur (1er, 2e et 3e degré), mais l’estimation de la profondeur est souvent difficile car l’aspect initial d’une brûlure va changer dans les 24 à 36 heures : c’est pour cela qu’il ne faut pas faire un diagnostic immédiat, attendre quelques jours pour être sûr qu’il s’agit d’une brûlure profonde ou superficielle, la brûlure étant une lésion dynamique ; – l’âge plus l’enfant est petit, plus la brûlure est grave. Figure 1. Évaluer les critères de gravité de la brûlure : âge de l'enfant, agent causal, surface, localisation et profondeur.   Quoi faire aux urgences ?   • Nettoyer la brûlure avec un antiseptique non alcoolique et incolore. • Percer les phlyctènes (figure 2), évacuer l’exsudat et laisser la peau en place. • Prélèvement bactériologique si brûlure > 24 heures par écouvillonnage. • Pansement non adhésif : interface (type Urgo Tul®) et chlorhexidine aqueuse (Flammazine® en première intention n’est pas conseillée, car l’évaluation clinique est de rigueur). • Prévention antitétanique. • Adresser à la consultation des brûlés dans le 24-48 heures. • Brûlure du visage : laisser à l’air et tamponner à la chlorhexidine aqueuse (toutes les 4 heures). • Traitement de la douleur : paracétamol et utilisation du MEOPA. Figure 2. Les phlyctènes doivent être percées, l'exsudat évacué et la peau laissée en place.   Critères d’hospitalisation : • > 5 % de la surface corporelle totale (SCT) chez un enfant de moins de 1 an et > 10 % chez un enfant de plus de 1 an (grands brûlés), avis du réanimateur ; • localisations à risque ; • causes de la brûlure et circonstance de l’accident (risque de maltraitance ou négligences) ; • brûlure circulaire (risque d’ischémie) ; • inhalation de fumée (en cas d’incendie) : intoxication au CO, traumatisme associé ; • Contexte familial défavorable. La qualité de la prise en charge initiale conditionne le résultat fonctionnel et esthétique. Tous les brûlés doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge conduite par des spécialistes ou par des professionnels formés au traitement initial de la brûlure. Un corps brûlé est souvent une vie brûlée (figure 3). Figure 3. Un corps brûlé est souvent une vie brûlée.   De quelle manière soigne-t-on une brûlure ?   Une brûlure superficielle cicatrise spontanément, une brûlure profonde doit être traitée avec une greffe dermo-épidermique. Le temps d’une cicatrisation « spontanée » est de 10-15 jours, au-delà de ces délais nous rentrons dans une procédure de cicatrisation « dirigée ». La première est une cicatrisation qui se fait de la profondeur à la surface en suivant les règles d’une cicatrisation naturelle (résultat esthétique satisfaisant). La seconde s’obtient avec une cicatrisation de la périphérie vers le centre (cicatrice hyperémique et hyper trophique). Il faut éviter une cicatrisation de mauvaise qualité et pour cela il ne faut pas hésiter à effectuer une greffe de peau si une absence d’épithélialisation dans les temps est constatée. Un autre risque en cas d’absence de cicatrisation est l’infection, complication fréquente chez les brûlés.   En quoi l’enfant est-il diffèrent de l’adulte ?   Les petits enfants ont un pouvoir de cicatrisation plus important que l’adulte et c’est pour cela que le traitement chirurgical d’excision/greffe n’est jamais précoce, on attend entre 12-15 jours en vue d’une cicatrisation spontanée. Les cicatrices sont en général plus inflammatoires, avec parfois un caractère hypertrophique, voire chéloïde. L’évolution est anarchique à cause d’une hyperproduction de fibroblastes et de fibrocytes qui se disposent en palissade. Le temps de maturation des cicatrices est plus long que chez l’adulte. De plus, les cicatrices ne grandissent pas de la même façon que l’enfant et peuvent être la cause de placards cicatriciels et de brides à l’origine de déficits fonctionnels et esthétiques.   Traitement des cicatrices   Une fois obtenue la cicatrisation, il faut mettre en route le traitement des cicatrices : le résultat initial ne sera pas le résultat final. Le but de ce traitement est d’obtenir une cicatrice de bonne qualité : plane, souple, indolore sans prurit et de la même couleur que le reste de la peau. Les massages pluriquotidiens, le port de vêtements de compression (figure 4), les orthèses, les séances de kinésithérapie, les cures thermales permettent de contrôler l’apparition de cicatrices anarchiques, hypertrophiques, voire chéloïdes. La durée des traitements est très variable, et dépend du temps de maturation de la cicatrice, entre 9 mois et 2 ans. Figure 4. Le port de vêtements de compression contribue au traitement visant à obtenir des cicatrices de bonne qualité.   Conclusion   Quand vous recevez un enfant brûlé, il est important de prendre en compte les critères de gravité, de ne pas faire un diagnostic immédiat sur la gravité de la brûlure. Ensuite, une fois la cicatrisation acquise, traiter les cicatrices en préventif et suivre l’enfant jusqu’à la fin de la croissance ; informer les parents que le traitement sera long et imparfait. Tous les enfants brûlés doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge conduite par des spécialistes ou par des professionnels formés au traitement initial de la brûlure. La création des réseaux et des filières de soins est donc importante pour une prise en charge initiale optimale.

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