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Gastro-entérologie

Publié le 28 sep 2023Lecture 7 min

Encoprésie : le biofeedback peut aider

Florence CAMPEOTTO, service de gastroentérologie et nutrition pédiatrique, hôpital Necker (AP-HP), Université de Paris Cité, Faculté de pharmacie de Paris, Inserm UMR-S 1139

L’encoprésie ou l’incontinence fécale (IF) est une pathologie fréquemment rencontrée en pédiatrie et plus particulièrement en gastro-pédiatrie. Elle touche entre 0,8 % et 4,1 % de la population pédiatrique dans les pays occidentaux(1) et les garçons sont plus souvent atteints avec un sex ratio allant de 3 à 6(1). Nous ne traiterons, ici, que l’IF d’origine fonctionnelle qui regroupe l’incontinence fécale rétentionnelle et non rétentionnelle.

L’IF non rétentionnelle   Elle est très rare, c’est un trouble du comportement qui relève de la prise en charge psychiatrique. En effet, l’enfant peut émettre volontairement ses selles dans des endroits inappropriés. Cela peut aussi être en lien avec un phénotype dit « négligé » décrit par Michel Fain(2) : il s’agit d’un enfant indifférent à son problème d’encoprésie. Les fuites de selles, les odeurs et les moqueries ne le gênent pas. Celui-ci se présente comme très passif, laissant filer ses matières sans même une rétention active. L’encoprésie peut apparaître comme une forme de transgression sur le type « délinquant ». Nous sommes confrontés à un enfant qui utilise de façon aggressive sa défécation sur un mode perverse.   L’IF rétentionnelle   Elle est définie par une perte involontaire de selles par débordement chez un enfant de plus de 4 ans. Elle est due le plus souvent à une constipation chronique (fécalome) et elle est 4 à 5 fois plus fréquente que celle sans rétention(3). À noter qu’il peut aussi exister une autre cause de rétention qui est active de la part de certains enfants et qui témoigne d’un profil psychologique particulier. On peut aussi observer cela chez des enfants trop occupés avec leurs écrans, par exemple, et qui se retiennent par « manque de temps ». L’IF rétentionnelle induit un remodelage du rectum, ce qui entraîne une augmentation de la sensation de besoin (que nous appellerons volume de besoin [VB]) et perturbe l’envie d’aller à la selle. L’âge moyen de la première consultation est de 7 à 8 ans, ce qui témoigne d’une prise en charge tardive dont les conséquences psychosociales peuvent toucher gravement l’enfant et sa famille. En effet, l’encoprésie est un problème psychologiquement dévastateur de l’enfance. Elle expose les enfants à la stigmatisation, au rejet par les autres et au harcèlement.   La clinique   L’interrogatoire de l’enfant et des parents va évaluer : – la fréquence des fuites, la chronicité, la gêne occasionnée avec le retentissement psychologique et social (port de couches ou de protection, odeurs, rejet à l’école, moqueries, etc.) ; – l’histoire de l’encoprésie avec souvent initialement une constipation plus ou moins passée inaperçue ou banalisée, la présence d’un facteur déclenchant (divorce des parents, déménagement, harcèlement scolaire, etc.) ; – les douleurs abdominales ; – l’énurésie éventuelle ; – les troubles du sommeil ; – le retentissement sur l’appétit ; – la recherche d’éléments en faveur d’une rétention active ; – et le temps passé sur les écrans. L’examen clinique doit être complet avec appréciation de la croissance. L’examen du périnée se fera après avoir rassuré l’enfant et lui avoir expliqué au préalable ce geste. Ce dernier examen consiste à inspecter la marge anale (souillures, fissure anale, malformation anorectale) et les organes génitaux externes, ainsi que de tester la sensibilité. Le toucher rectal n’est pas fait systématiquement.   Explorations   L’examen complémentaire de référence est la manométrie anorectale (AR) afin d’une part de se rassurer sur l’absence d’anomalies au niveau des sphincters et d’apprécier la sensation de besoin ou volume de besoin (VB), et le volume maximal tolérable (VMT), ainsi que les efforts de poussées (figure). Cet examen peut être réalisé à partir de 7 ou 8 ans et pas avant en raison de la difficulté de l’enfant à exprimer sa sensation de besoin. L’ASP (abdomen sans préparation) est rarement nécessaire, il est utile parfois en cas d’échec de la prise en charge afin de faire la différence entre encoprésie rétentionnelle ou non. En effet, on recherche la présence d’un fécalome qui signe l’encoprésie secondaire sur rétention. Le lavement baryté est utile aussi en cas d’échec de la prise en charge. Figure. Outils utilisés pour la prise en charge de l’oncoprésie.   Prise en charge   Au préalable, il faut rassurer et expliquer ce qu’est l’encoprésie et son mécanisme rétentionnel. On s’aidera d’une image simple telle une poubelle trop pleine qui déborde par trop-plein. La prise en charge de l’encoprésie est d’abord la même que pour la constipation(4) et commence par la prescription de laxatifs, de lavements évacuateurs et de règles hygiéno-diététiques. Ce traitement doit être poursuivi pendant la rééducation par biofeedback et à l’arrêt de celle-ci pour permettre une évacuation facile et non douloureuse des selles. En pratique, comme laxatif, on utilise le macrogol sachet de 4 g ou 10 g à la dose de 0,5 g à 2 g/kg/j. Les doses de laxatif sont à adapter et l’objectif est d’avoir des selles molles et surtout non douloureuses pour ne pas favoriser la rétention active. Les lavements évacuateurs sont utilisés au début de la prise en charge en cas de fécalome important en plus des laxatifs. On utilise le Normacol® enfant à partir de l’âge de 3 ans et le Microlax® pour les plus jeunes enfants à raison de 1 à 2 par semaine au début lors du premier mois, puis après la prescription est adaptée en fonction de l’évolution. La diététique n’est plus la première étape du traitement mais les règles de bons sens sont rappelées lors des consultations comme avoir une alimentation diversifiée, une bonne hydratation, une activité physique et d’éviter les temps infinis devant les écrans, etc. La présentation aux toilettes quotidienne est recommandée et on explique bien aux enfants d’aller aux toilettes tous les jours même sans la sensation d’envie, afin d’évacuer le plus possible et d’éviter ainsi l’encombrement du rectum. Les parents sont incités à surveiller ce rituel. Un cahier de suivi est aussi demandé à l’enfant et à ses parents sur lequel sera noté le nombre de fuites, les passages aux toilettes et la prise des médicaments. Ce cahier est rapporté à chaque consultation. Une psychothérapie ou une thérapie comportementale est souvent associée en fonction du contexte psychologique, sociale et des facteurs déclenchants en lien avec l’IF.   Le biofeedback   Lorsque cette prise en charge initiale ne suffit pas, une rééducation par biofeedback (BFB) peut être proposé. Il existe deux techniques différentes et probablement complémentaires : – redonner la sensation de besoin avec une sonde intra-rectale et un ballonnet gonflé à différents volumes (figure) afin d’améliorer la capacité à détecter la distension du rectum et ainsi redonner la sensation de besoin d’aller à la selle (évaluée avec une échelle analogique) ; – améliorer les efforts de poussée. Le BFB est largement utilisé chez l’adulte mais son efficacité clinique reste à démontrer chez l’enfant. En effet, peu d’articles de synthèse existent sur son efficacité en pédiatrie et le biofeedback n’est pas encore systématiquement recommandé dans la prise en charge de l’enfant encoprétique en échec du traitement médical(5). Nous avons montré dans une étude pilote(6) des résultats encourageants du BFB en sensation de besoin, avec un taux de réussite clinique de 52 % à l’issue du BFB (0 fuite ou 50 % des fuites initiales) et manométriques (baisse des volumes de besoin) qui persistait chez 83 % d’entre eux à 1 an. À notre connaissance, il n’y a pas d’autres études dans la littérature utilisant des outils simples (échelle analogique pour le score d’envie et ballons de différentes tailles pour les VB) pour soutenir la technique de biofeedback et faire comprendre à l’enfant son ressenti et la compréhension de l’encoprésie. Les résultats d’une seconde étude rétrospective (soumission) sur notre cohorte de patients encoprétiques et pris en charge par ce type de BFB confirment ces résultats (en cours de soumission). Sur un total de 44 patients (40 G/4F) d’âge médian de 9 ans (5-17 ans), nous montrons à moyen terme (à 6 mois) une efficacité clinique chez 32 patients (72,7 %), dont 18 guérisons complètes (40,9 %) ; à court terme, dès l’arrêt des séances, le BFB était cliniquement efficace chez 37 patients (84 %). Parmi ceux-ci, 22 d’entre eux étaient guéris (50 %). La durée médiane de suivi était de 14,7 mois (4,9-37). Ces données cliniques sont accompagnées parallèlement d’une amélioration des données manométriques. Il exis te une baisse significative du volume de besoin et des scores d’envie tout au long des séances de BFB. Ces séances permettent d’installer une relation de confiance entre l’équipe (composée d’un médecin, d’un interne et d’une infirmière), l’enfant et le parent. Cette prise en charge motivationnelle sous forme de coaching, qui n’a pas pu être évaluée, a sans doute permis une meilleure adhérence au traitement et donc son efficacité.   Conclusion   La prise en charge de l’encoprésie de l’enfant est longue et souvent mise en échec. Le biofeedback est à proposer en complément du traitement laxatif et de la psychothérapie car il semble efficace dans notre expérience.

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