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Adolescence

Publié le 10 mai 2023Lecture 8 min

Le RJPA, un réseau pour les jeunes professionnels de santé de l’adolescent

Nour IBRAHIM*, Mariana MARIN**, France HIROT*,***, Sylvie CLIQUET****, Guillaume GROFFE*****

Malgré un besoin important de professionnels formés à la prise en charge des adolescents, s’engager dans cette discipline n’est en pratique pas aisé selon les jeunes professionnels. Ainsi, pour se soutenir entre pairs et échanger des informations pertinentes dans le domaine de la santé des adolescents, un réseau français voit le jour, inspiré par une initiative internationale.

Du contexte de la santé de l’adolescent à la naissance du RJPA Les besoins de santé et d’offres de soins spécifiques aux adolescents et jeunes adultes n’ont été consensuellement admis dans la littérature internationale qu’au début des années 2000. En 2007, The Lancet a publié sa première série sur la santé des adolescents défendant l’intérêt d’une prise en charge spécifique à cette tranche d’âge(1) et, en 2016, une deuxième série plus engagée soulignait le lien évident entre la santé à l’adolescence et la santé à l’âge adulte, ainsi que l’impact sur celle de la génération suivante(2). Selon l’Unicef, les investissements réalisés en santé pour le développement des adolescents auront des répercussions certaines sur la santé des populations futures(3). La crise sanitaire du Covid-19 a montré combien nous n’avions pas assez investi dans la santé, en particulier celle des adolescents. À ce sujet, Sir Michael Marmot, professeur en épidémiologie et en santé publique à l’University College de Londres, affirmait lors du dernier congrès européen de l’IAAH (International Association for Adolescent Health) en octobre 2022, que « les crises mettent en exergue les lacunes de la société ». Dans ce contexte, l’engagement des professionnels de santé auprès de cette population vulnérable que sont les adolescents devrait en théorie être facilité. En pratique, ce n’est pas si simple. « Cette discipline est mal connue des internes en pédiatrie » Cette discipline est, par exemple, mal connue des internes en pédiatrie, en partie parce que la spécificité de la santé de l’adolescent est peu abordée durant les études de médecine et que l’approche holistique qu’elle suppose n’est pas toujours valorisée. Les internes qui décident de devenir médecin d’adolescent peuvent alors faire face à certaines difficultés, par exemple peu de terrains de stage dédiés ou un faible volume horaire d’enseignement théorique. En quête de formation et de réseau au sein de la discipline, ils peuvent être un peu perdus. Pourtant ces éléments sont nécessaires pour se familiariser avec l’écosystème de la discipline et se forger une identité professionnelle. Tout comme chez les adolescents et jeunes adultes, les rencontres et le soutien entre pairs peuvent être déterminants. Depuis quelques années, l’IAAH (International Association of Adolescent Health) a créé un « Young Professionals Network », afin de mettre en lien les jeunes professionnels et pérenniser l’avenir de la profession. C’est à travers notre participation à leurs activités que l’idée de fonder un réseau de jeunes professionnels de santé de l’adolescent en France nous a semblé nécessaire. Un réseau pour se connaître, échanger des informations, se soutenir et avoir des actions communes.   De l’idée aux premiers pas du réseau Nous avons ainsi évoqué cette idée avec des médecins d’adolescents qui nous ont soutenu. Avec leur appui, nous l’avons présenté à la SFSA (Société française pour la santé de l’adolescent(4)) qui nous soutient depuis l’automne 2021. Ainsi, dans un souci de cohérence et pour bénéficier de l’expérience des ainés, le RJPA (Réseau des Jeunes Professionnels de santé de l’Adolescent) a été créé sous l’égide de la SFSA. Il est né lors d’un premier atelier que nous avons organisé pour des journées de la SFSA en novembre 2022 à Paris. Nous souhaitions, dès le départ, coconstruire ce réseau avec les autres jeunes et séniors présents à ces journées, à partir de leurs besoins et de leurs propositions, toutes disciplines et professions confondues. Au décours de cet atelier, nous nous sommes attelés à penser et définir le cadre du réseau en répondant à trois questions. • Pourquoi construire un réseau ? Selon les participants, la première raison d’être du réseau était de « se soutenir quant aux difficultés rencontrées en tant que professionnel de l’adolescent », ce qui reflète bien les obstacles que chacun connaît dans son milieu. Il s’agit ainsi de se rencontrer, s’entraider, mettre en commun nos idées. La deuxième raison mentionnée était de trouver et transmettre les informations quant aux formations disponibles.   • Qui peut se joindre au RJPA et comment articuler les différentes générations et les différents corps de métier ? Nous avons ainsi dû définir ce qu’est un jeune professionnel. La définition du réseau international de l’IAAH nous semblait appropriée, à savoir un professionnel avec moins de 10 ans d’exercice dans la discipline. Cela inclut les internes, médecins, infirmiers, éducateurs, psychologues et tous les professionnels travaillant pour la santé des adolescents. Nous souhaitons pouvoir aussi inclure les jeunes qui s’interrogent sur leur choix d’avenir. Puisque ce réseau est pensé pour soutenir les jeunes professionnels, il nous semble évident de solliciter des seniors pour leur expertise. Ainsi, il existe une réelle demande de mentorat de la part des jeunes. L’enjeu est aussi de faire circuler la parole dans les deux sens entre les anciens et les nouveaux. Les jeunes sont plus proches des expériences de vie des adolescents, de leurs modes et moyens de communication, et peuvent amener des propositions nouvelles. Les anciens sont désireux d’être bousculés par les jeunes et souhaitent les aider à prendre du recul sur leurs difficultés et à légitimer leur parole. « Faire circuler la parole dans les deux sens entre les anciens et les nouveaux » Enfin, parce qu’on ne peut pas penser le soin destiné aux adolescents sans eux, les premiers concernés (le fameux slogan « Nothing about us without us »), un de nos projets est d’impliquer des jeunes ambassadeurs.   • Comment faire vivre le réseau ? Tout simplement à travers de rencontres régulières et conviviales. En France, la SFSA organise deux temps forts dans l’année, les Journées d’automne (site différent chaque année) et la Journée de printemps (à Paris). Nous avons ainsi proposé de nous y retrouver, avec progressivement des ateliers qui seraient animés par le réseau. Appartenir à ce réseau permet aussi de bénéficier d’un soutien matériel avec des tarifs préférentiels et des facilités pour y intervenir ou y animer des ateliers. Toujours en France, les journées de l’ANMDA (Association nationale des maisons des adolescents) nous semblent un temps incontournable chaque été. Parce que nous estimons que l’ouverture sur l’international est une dimension logique de notre action, d’autant plus dans une discipline aussi jeune, nous pensons que participer aux congrès annuels de l’IAAH est important. Enfin, parce que s’engager dans le soin aux adolescents passe aussi par des actions de sensibilisation, un de nos objectifs est de participer à l’IAHW (International Adolescent Health Week) chaque année.   Une action concrète du réseau : la participation à la Semaine internationale de la santé de l’adolescent C’est pendant la troisième semaine du mois de mars qu’a lieu chaque année depuis 2016 la Semaine internationale de la santé des adolescents, sur l’idée originale de Laura Offutt, médecin aux États-Unis(5). À cette occasion, l’IAAH encourage les équipes s’occupant d’adolescents à mener des actions pour sensibiliser et mettre en avant la santé de ces jeunes sur le plan local. En France, Mariana Marin du Centre hospitalier Rives de Seine (CHRDS) fait partie des membres les plus actifs. En effet, des actions sont menées chaque année au sein de l’UACA (Unité d’accueil et de crise de l’adolescent). En 2021, par exemple, trois internes ont participé à un projet de vulgarisation de l’acronyme largement utilisé en médecine de l’adolescent pour évaluer la situation personnelle globale d’un jeune, le HEEADSSS(6). Brièvement, il s’agit d’évaluer ce qui se passe à la maison (Home), les habitudes alimentaires (Eating), l’école (Education), les activités ou centres d’intérêt (Activities), les consommations psychoactives (Drugs), la santé sexuelle (Sexuality), la santé mentale (Suicide) et les conduites à risque (Safety). Avec des adolescents, le soutien de l’équipe de l’UACA (figure 1) et des professionnels du CATTP (Centre d’accueil thérapeutique à temps partiel), ils ont confectionné ce guide sous forme de collage (figure 2). Ce collage ainsi que le questionnaire HEEADSSS ont été diffusés aux internes de pédiatrie et de médecine générale de l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines afin de leur faire prendre connaissance de cet outil et de les sensibiliser à l’approche globale à adopter face aux adolescents. Figure 1. Équipe de l’UACA.   Figure 2. Guide présenté sous forme de collage.   En 2022, d’autres internes ont organisé un concours de collage sur le thème de la « transition », un sujet central en médecine de l’adolescent étant donné l’enjeu du passage de la pédiatrie vers la médecine adulte pour les adolescents porteurs de maladie chroniques. Plusieurs structures, hospitalières ou maisons des adolescents ont participé au concours (figure 3). Figure 3. Concours réalisé en 2022 auprès des différentes structures sur la question de la transition via des collages.   Enfin, pour cette année 2023, l’UACA prépare un projet en collaboration avec le lycée St-James de Neuilly-sur-Seine. Quatorze élèves de première et de seconde accompagnés par l’infirmière scolaire et par la CPE se déplaceront les 23 et 24 mars sur le site de Neuilly du CHRDS. Des professionnels des structures partenaires de l’UACA et du CHRDS, l’Espace santé jeunes de Neuilly, la Consultation Jeunes Consommateurs du CH des 4 villes et le Réseau de Jeunes Professionnels de l’Adolescent participeront également à cette action. L’objectif est d’échanger entre élèves et professionnels sur la santé des adolescents, de permettre aux jeunes d’exprimer leurs besoins et attentes auprès des professionnels qui les entourent, mais également de susciter des vocations chez ces jeunes pour les métiers de santé de l’adolescent. Cette action sera réalisée en deux temps, sur le site de Neuilly du CHRDS : un premier temps, le 23 mars, les professionnels de santé de l’UACA et les partenaires de soins présenteront les différents métiers autour de la santé des adolescents et animeront des ateliers sur la santé mentale/consommations de substances et sur la santé sexuelle pour les 14 jeunes lycéens participant à ce projet ; un second temps, le 24 mars, les lycéens animeront des ateliers destinés aux professionnels du CHRDS. Conclusion En pratique, le RJPA est une initiative française pour créer du lien entre les futurs professionnels de la santé de l’adolescent. Son objectif à terme est de regrouper un grand nombre de jeunes professionnels intéressés par ce domaine et représentant la variété des disciplines impliquées dans la prise en charge des adolescents. La création du RJPA est en parfaite adéquation avec l’actualité : elle intervient au moment où la nouvelle commission Lancet, prévue pour 2023(7), souligne l’importance « d’impliquer les jeunes en tant qu’acteurs et leaders » pour participer à la recherche de solutions aux défis auxquels leur génération est confrontée, autrement dit à préparer l’avenir.  

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