Publié le 11 déc 2021Lecture 9 min
Congrès ESPE : l’année prochaine à Rome
Gianpaolo de FILIPPO, Paris
Ce n’était pas encore pour cette fois. Liverpool n’a pas accueilli les participants au 59e congrès de l’European Society for Paediatric Endocrinology, qui s’est tenu en ligne. Le rendez-vous est donc pris pour 2022 en présentiel à Rome, mais en attendant voici quelques morceaux choisis de la dernière (au sens de la précédente) édition numérique.
Mise à jour du consensus sur la prise en charge de l’hypothyroïdie congénitale
D’après la communication de M. Polak, hôpital Necker-Enfants Malades, Paris (symposium ENDO-ERN)
L'hypothyroïdie congénitale est l’anomalie endocrinienne la plus fréquente à l’âge néonatal (1/2 500 nouveau-nés en France). Le dernier consensus datant de 2014, la nouvelle version, mise au point en 2020, vient d’être publiée (Thyroid, mars 2021). Ce travail a vu l’implication de 22 participants, comprenant aussi des représentants des associations de parents, repartis en 5 groupes de travail. Les recommandations ont été classées selon le schéma GRADE (Strong/Weak, présenté dans le texte comme SR et WR – strong recomandation et weak recomandation) et avec une qualité de l’évidence classée en Low/Moderate/High (présenté dans le texte comme HQE, MQE, LQE). Voici les passages les plus importants.
Si l’introduction de 2014 mettait en évidence que le dépistage de l’hypothyroïdie congénitale était capable de prévenir la morbidité avec un rapport service rendu/coût largement avantageux, l’introduction de 2020 va plus loin, annonçant que le dépistage de l’hypothyroïdie congénitale est capable de prévenir une compromission neurologique irréversible, optimisant en même temps le devenir neurodéveloppemental (SR/HQE).
Le calcul de l’incidence dépend de la stratégie de dépistage, qui peut reposer sur le dosage de la TSH seule, le plus sensible (SR/HQE), capable de dépister toutes les hypothyroïdies primitives, mais grevé de faux négatifs en cas d’hypothyroïdie centrale (1/16 000). Si les ressources économiques le permettent, le dosage de la T4 ou de la T4L est de ce fait recommandé (WT/MQE). Le dosage de la T4 peut être aussi utile pour diagnostiquer certaines formes de sensibilité réduite aux hormones thyroïdiennes (WR/LQE).
Parmi les stratégies de surveillance post-dépistage, le consensus 2014 se penchait longuement sur les caractéristiques du bilan thyroïdien des nouveau-nés prématurés ou avec un bas poids de naissance. Le document de 2020 réserve une attention particulière aux nouveau-nés trisomiques, chez qui on retrouve une incidence d’hypothyroïdie congénitale 14-21 fois supérieure et pour lesquels un nouveau test est préconisé à la fin de la période néonatale (SR/MQE), tout comme pour les nouveau-nés susceptibles d’avoir une forme familiale (WR/LQE).
Le seuil pour la mise en place immédiate du traitement a été ramené à 20 mUI/l, indépendamment du taux de T4 (WR/LQE) ; il s’agit-là d’un seuil arbitraire, issu d’une opinion d’experts, qui remplace l’ancienne recommandation de démarrer le traitement sans tenir compte de la T4 seulement au-delà de 40 mUI/L. Aucun changement est à signaler pour la dose de lévothyroxine à employer (10-15 μg/kg/j, en fonction de la gravité de l’hypothyroïdie), ou pour la décision de réévaluation du diagnostic (après l’âge de 2-3 ans, surtout chez les enfants avec glande en place et ceux avec un diagnostic d’hypothyroïdie centrale n’ayant pas pu bénéficier d’un parcours diagnostique complet).
Le fait de pouvoir bénéficier d’un parcours d’éducation thérapeutique, tout comme d’une préparation à la transition vers la médecine des adultes, représente un atout majeur (SR/HQE). Les tests génétiques doivent être réalisés dans un but d’améliorer le diagnostic, le traitement et le pronostic (SR/MQE). Une attention particulière est portée aux gènes récemment étudiés par NGS (TUBB1, Borealin, JAG1, NTN1 pour les formes primitives, IGSF1, TBL1X, IRS4 pour les formes centrales).
Avancées dans la prise en charge du diabète insipide central
D’après la communication de M. Maghnie, Insitut Giannina Gaslini, Gênes (Italie)
S' appuyant sur les données de la littérature récente et sur sa large casuistique personnelle, M. Maghnie a fait le point sur la prise en charge du diabète insipide central. Le problème principal reste celui de différencier les formes primitives, dites idiopathiques, des formes secondaires, dues à un germinome ou à une histiocytose langerhansienne. On estime que plus de la moitié des patients atteints de germinome peuvent avoir un retard au diagnostic, pouvant aller jusqu’à 72 mois dans une publication de 2013. Le seul signe clinique discriminant semble être l’atteinte visuelle, mais ni la céphalée ni la présence d’une éventuel retard de croissance peuvent orienter le diagnostic. Les patients sans tumeur intracrânienne sont en moyenne plus jeunes, avec un âge moyen de présentation de 7 ans contre 9 ans ; les formes secondaires dues à une histiocytose sont plus précoces (avec un âge moyen au diagnostic de 3 ans), de même que les formes génétiques, familiales (mutations du gène de l’AVP (arginine vasopressive ou hormone antidiurétique) qui sont diagnostiquées encore plus précocement (vers l’âge d’un an).
Pour les outils de diagnostic, le dosage de l’AVP reste difficile, du fait des facteurs analytiques (influence des plaquettes, instabilité de l’échantillon, dosages immunoenzymatiques non optimaux). Le dosage de la copeptine est plus intéressant : il nécessite une quantité minime de sérum et les résultats peuvent être disponibles en deux heures. Côté imagerie, l’attention est portée à l’épaisseur de la tige (> 4 mm au niveau du chiasma, > 3 mm au niveau de l’insertion) et à la possibilité d’un germinome bifocal, intéressant en même temps la tige et la pinéale. Quels sont les premiers examens complémentaires à réaliser en cas de diabète insipide central avéré ? En première intention, IRM, dosage sérique des bêta HCG et des alpha FP (fœtoprotéine), radiographie du thorax, échographie abdominale, radiographie du squelette, bilan antéhypophysaire et champ visuel. La recherche de bêta HCG et de alpha FP dans le LCR, ainsi que l’imagerie corps entier trouvent leur place quand le soupçon de pathologie sous-jacente est fort (épaississement de la tige > 6,5-7 mm ou en augmentation progressive pendant le suivi, détérioration du champ visuel, ou évidemment, coexistence des trois).
Quel rythme pour les contrôles d’imagerie ? IRM cérébrale tous les 6 mois pour les deux premières années, puis en l’absence d’évolutivité ou d’apparition de nouveaux éléments, une fois par an pour les trois années successives. La séquence STIR de l’IRM (qui permet la suppression du signal provenant de la graisse) semble intéressante pour le diagnostic d’histiocytose langerhansienne. La question de la biopsie est aussi abordée : du fait de sa faible rentabilité et de la morbidité non négligeable, elle doit être réservée à des cas sélectionnés, évalués par une équipe multidisciplinaire. En cas de déficit antéhypophysaire, il ne faut pas négliger la possibilité d’une rémission spontanée et donc de la nécessité de retester.
Setmelanotide pour le traitement des obésités rares syndromiques
D’après la communication de P. Kühnen (hôpital de la Charité, Berlin – Allemagne) - Session : management of rare obesity
Les progrès dans la connaissance des bases génétiques des obésités rares et en particulier de la voie de signalisation leptine/mélanocortine, ont ouvert la voie à des perspectives thérapeutiques innovantes. Peter Kühnen nous offre une vision actualisée des nouveaux traitements, en particulier du setmelanotide, un agoniste des récepteurs de la mélanocortine-4 (MC4). Le MC4R est une cible thérapeutique intéressante, d’autant plus que les mutations pertes de fonction du gène semblent être beaucoup plus fréquentes qu’attendues. Le setmelanotide a obtenu l’autorisation aux Étas-Unis pour le traitement des obésités secondaires à une mutation des gènes POMC, PCSK1 et LEPR, et il a été inclus dans les PRIority MEdicines (PRIME) par l’EMEA.
Utilisé pour la première fois chez des patients avec un déficit en POMC, ce médicament avait été capable d’induire une réduction pondérale de 60 kg après 120 semaines de traitement (Kühnen P et al. 2016) et l’essai publié en 2020 a confirmé son efficacité chez les patients porteurs d’une mutation de POMC ou de LEPR. Les effets secondaires rapportés jusqu’à présent sont très réduits : il est intéressant de remarquer que l’activation des mélanocytes induite pas son utilisation comporte une augmentation de la pigmentation des naevi, ainsi que des cheveux, chez les patients qui ont un phénotype plutôt clair, avec des cheveux roux. Sur les modèles cellulaires, la signalisation induite par le setmelanotide est différente de celle induite par le MSH avec une activation plus puissante que celle observée avec le ligand naturel, en particulier sur la voie Gq, qui joue un rôle fondamental dans la régulation de l’appétit. Des essais pour les patients porteurs du syndrome de Bardet-Biedl et du syndrome d’Alström sont actuellement en phase III.
Nouveaux traitements pour le diabète de type 2 chez le jeune
D’après la communication de W. Tamborlane (Yale University School of Medicine)
Après l’approbation par la FDA en 1999 de la metformine, aucun autre médicament n’a fait l’objet d’une autorisation thérapeutique pour le diabète de type 2 (DT2) chez les jeunes suite à des essais randomisés spécifiques pour cette tranche d’âge. Même l’utilisation de l’insuline dans cette indication a bénéficié de données extrapolées des études conduites chez l’adulte. La rosiglitazione et la glimépiride avaient fait l’objet de quelques essais en pédiatrie, mais ils n’ont jamais eu l’autorisation définitive.
Actuellement, le Pediatric Diabetes Consortium nord-américain coordonne plusieurs essais et W. Tamborlane les a présenté lors de ce symposium : l’étude ELLIPSE visait à démontrer l’efficacité du liraglutide, un analogue du GLP-1, associé à la metformine sans ou avec insuline. Il s’agit d’une étude randomisée, en double aveugle (liraglutide versus placebo) chez des sujets âgés de 10 à 17 ans. Après 26 semaines de traitement, le groupe sous liraglutide présentait une diminution de l’HbA1c de 0,64 point contre une augmentation de 0,42 pour le groupe placebo. Le liraglutide a été approuvé par la FDA et l’EMA en 2019 pour le traitement du DT2 chez les jeunes, vingt ans après la metformine. Le sémaglutide, désormais largement utilisé chez l’adulte, est l’objet d’un essai de phase III chez les adolescents, avec des données qui devraient être définitives en 2023. Autre molécule de la famille des analogues du GLP-1 testée chez les jeunes, l’exénatide, a permis une perte de 0,36 point d’HbA1c après 24 semaines, contre une augmentation de 0,49 point pour le groupe placebo. La dapaglifozine (inhibiteur du cotransporteur de sodium-glucose de type 2 – SGLT2), est en cours d’évaluation à la demande spécifique de la FDA chez les très jeunes patients (30 % des sujets inclus dans l’essai ont entre 18 et 25 ans). L’étude devrait être complétée en juillet 2022. L’étude DINAMO compare l’empaglifozine (un autre inhibiteur du SGLT2) en association avec la linagliptine (inhibiteur du DPP-4) au placebo, avec la metformine, sans ou avec insuline. Sans oublier que ces deux classes de médicaments (inhibiteurs du SGLT et du DPP-4), autorisés pour l’utilisation chez l’adulte, font l’objet d’une surveillance particulière en termes d’effets secondaires et de bénéfices attendus.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :