Publié le 03 nov 2021Lecture 7 min
Que faire en cas de piqûre de tique ?
Béatrice QUINET, Paris
Avec les moustiques, les tiques sont les principaux vecteurs de maladies transmissibles à l’homme et aux animaux. Il s’agit principalement de la borréliose de Lyme, mais pas seulement, car les tiques détiennent en Europe le record de la plus grande diversité d’agents pathogènes transmis (bactéries, virus, parasites). Les conseils pratiques doivent être anticipés, à délivrer et à répéter aux parents lors des consultations de suivi des enfants et surtout avant les départs en vacances.
Tique, qui suis-je ? Vie et mœurs des tiques
La tique ou Ixodida (gluant en grec ancien) est un ectoparasite, embranchement des arthropodes (pattes articulées), classe des arachnides (comme les araignées et les scorpions), c’est « la géante » de la sous-classe des acariens, et ce n’est pas un insecte (pas d’aile). On en connaît dans le monde plus de 850 espèces et toutes sont strictement hématophages. La répartition des différentes espèces varie selon les pays.
En France, parmi les 43 espèces décrites ce sont les tiques appartenant au sous-ordre des tiques dures qui sont généralement en cause. Ixodes ricinus est la plus fréquente en Europe (document ECDC). Elle craint la déshydratation (absente du Sud méditerranéen) et n’aime pas l’altitude au-delà de 1 200 m environ. Elle est très bien implantée en métropole. Le cycle de la vie d’une tique est triphasique et nécessite pour chaque phase un repas sanguin unique. Après l’éclosion de l’œuf, la larve (1 mm) se fixe sur un hôte, se nourrit, mue au niveau du sol en nymphe (2-4 mm), même processus pour se transformer en adulte, seule la femelle prend un repas sanguin nécessaire à la maturation des œufs au nombre de 2 à 3 000.
La durée d’un cycle complet est de 2 à 3 ans avec une diapause en dessous de 7° C ou au-dessus de 25° C. L’habitat préférentiel de cette tique est la forêt humide, les broussailles, mais aussi les prairies, parcs et jardins, pourvu qu’il y ait des hôtes sur lesquels prendre un repas sanguin. La recherche d’un hôte est vitale, mais c’est une quête passive, en milieu extérieur sur des herbes hautes ou des buissons d’où la tique se laissera tomber au passage de celui-ci, recherchant ensuite sur l’hôte un endroit chaud et plutôt humide pour se fixer grâce à son rostre et un cément produit dans sa salive. La durée de son repas varie selon le stade de quelques heures à plusieurs jours avant de se laisser tomber passivement au sol. Les hôtes restaurant sont variés : reptiles, oiseaux, mammifères, l’humain n’étant qu’un hôte accidentel qui passait par là.
Piqûre ou morsure de tique ? Où, quand, comment ?
Les Anglo-Saxons parlent de morsure de tique (tick bite) alors que nous disons généralement piqûre. Le rostre de la tique lui permet de s’implanter solidement, il est équipé en outre d’une paire de chylifères, sorte de « dents » qui dilacèrent la peau. En plus du cément, la salive contient des molécules anticoagulantes et anti-inflammatoires facilitant le repas(1). La piqûre d’I.ricinus est en général indolore et non prurigineuse en dehors des rares cas d’allergie à la salive. La transmission bactérienne ou parasitaire se fait en fin de repas alors que celle de virus est immédiate. Nymphes et adultes sont les stades les plus contaminants.
Rhipicephalus sanguineus est une tique inféodée aux chiens, localisée sur le pourtour méditerranéen, endophile, elle peut occasionnellement se nourrir sur les humains de la maison. C’est un des agents vecteurs des Rickettsia : au moment de l’éruption fébrile quelques jours après la piqûre, il existe à l’endroit de l’inoculation une escarre noirâtre utile au diagnostic.
Les tiques sont principalement actives au printemps et en automne aux heures chaudes de la journée, mais pas trop (< 25° C), et leur repas est diurne. Mais elles peuvent sortir plus tôt de leur diapause hivernale ou la reculer selon des conditions climatiques et hygrométriques favorables.
Principales maladies transmises par les tiques
Leur liste est longue et très variée selon l’espèce du vecteur et la région géographique(2). Pour se limiter au genre Ixodes, les principales pathologies humaines transmises sont en Europe :
– virale : encéphalite à tique européenne (Flavivirus), pour laquelle il existe un vaccin à envisager en cas de projet de vacances selon la région (ex. : Allemagne, Autriche, Suède) et les conditions de séjour (activités de plein air en zone rurale, camping) : Ticovac® ou Encepur® (après 12 ans) ;
– parasitaire : babésiose ;
– bactériennes : anaplasmose, tularémie (Francisella), fièvre Q (Coxiella burnetii), maladie des griffes du chat (transmission à l’humain non démontrée), rickettsiose (fièvre boutonneuse méditerranéenne) et surtout borréliose de Lyme (Borrelia burgdorferi).
La contamination unique ou multiple de la tique a lieu lors de ces repas sur un hôte contaminé, bactériémique ou virémique, avec un passage d’une stase à la suivante du ou des pathogènes.
Les co-infections sont fréquentes chez la tique, mais rarement démontrées chez l’humain.
Pour B. burgdorferi, la prévalence d’infestation des tiques dépend des régions, zones à haut risque : Alsace, Lorraine, Limousin, Vosges (où 10 à 15 % des nymphes seraient infectées).
Avant : Que faire ? Comment l’éviter ?
La prévention primaire repose sur l’information et l’éducation, avec un vocabulaire que tout le monde comprend maintenant.
Les sites de conseils et de prévention sont très nombreux, très informatifs, mais mal connus du grand public.
La distanciation sociale (c’est l’humain qui va dans le biotope des tiques, etc.) : marcher au milieu des chemins, ne pas s’allonger dans l’herbe.
Les gestes barrières : porter des vêtements couvrants, plutôt clairs (repérage plus facile de l’ennemi), des chaussettes enserrant le bas du pantalon, un couvre-chef.
L’utilisation de répulsifs sur les vêtements ou la peau. Les principaux produits topiques biocides sont le DEET, l’IR3535, l’icaridine, le PMD (huile d’eucalyptus citronnée qui n’est pas une huile essentielle). Tous ces produits ont une AMM ou sont en cours de l’obtenir : la concentration à utiliser et le nombre d’applications dépendent de l’âge de l’enfant(3). Ils doivent être appliqués 20 minutes après une protection solaire. Les bracelets anti-tiques, la vitamine B1 ou les huiles essentielles sont inefficaces. Sur les vêtements, seule la perméthrine est utilisée en France.
Chasse à la tique
Aucune mesure de prévention ne protège à 100 %, surtout les enfants et en été ! Une inspection minutieuse de leur peau s’impose au retour de promenade, à renouveler à H24 et H48 : aisselles, nombril, plis, visage et cuir chevelu. Même gorgées les nymphes sont très difficiles à repérer (2 mm). Le risque de transmission d’un pathogène augmente avec la durée d’attachement de la tique(4).
Découverte d’une tique, ce qu’il ne faut pas faire
Tentative de crémation de la bête à l’aide d’une cigarette allumée.
Application de produits divers (alcool, huile, savon, vernis à ongles, etc.) : risque de stress de la tique et de régurgitations.
Essai d’extraction avec les doigts ou un fil.
Attendre le décrochage spontané de la tique.
Découverte d’une tique, pas de panique : une seule technique, le « tire-tique »
Il s’agit d’un petit instrument en plastique fendu à son extrémité, introduit doucement au contact de la peau sous la « tête » et qui va permettre l’extraction de la tique entière par un mouvement de rotation (n’importe quel sens) et de levier(5). Ce petit objet peu onéreux doit faire partie de la pharmacie familiale (et de celle du pédiatre), de nombreux modèles sont disponibles. À défaut, on peut utiliser une pince à épiler non coupante ou une petite pince plate. Si la « tête » est restée en place l’abstention est à privilégier, les tentatives d’extraction avec un biseau d’aiguille étant souvent traumatisantes : il apparaît alors un petit granulome en réaction à corps étranger, qui disparaîtra spontanément et qui est très différent d’un érythème migrant. La tique est photographiée puis jetée sans être écrasée (risque de contamination), la peau est désinfectée, les mains sont lavées et la localisation de la piqûre est soigneusement notée ainsi que sa date, accompagnée de photos. Il est bien que le médecin traitant ou le pédiatre soit averti pour rassurer et renouveler les conseils. On demande aux parents de surveiller localement pendant les 4 semaines qui suivent et de consulter rapidement en cas d’apparition d’un érythème ou d’une escarre.
Piqûre de tique, en l’absence de signe clinique : pas d’antibiotique prophylactique et pas de sérologie !
Le risque de développer une borréliose de Lyme est estimé après une piqûre de tique à moins de 5 % même en zone d’hyperendémicité. D’après le dernier avis des sociétés savantes, dont le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique(6), un traitement antibiotique n’est pas recommandé après une piqûre de tique, quel que soit l’âge, le nombre de piqûres, la durée d’attachement, le stade de la tique, même chez les immunodéprimés ou les femmes enceintes. Ce n’est pas la bonne stratégie pour éviter une borréliose de Lyme, avec un risque important d’allergie sans bénéfice majeur. Il n’y a pas lieu non plus de pratiquer une sérologie ou un autotest. Il faut surveiller l’apparition de signes cliniques, en particulier d’un érythème migrant qu’il faudrait bien évidemment traiter par antibiotique, mais là encore une sérologie est inutile(7).
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