Néonatologie
Publié le 21 oct 2021Lecture 8 min
Les soins cutanés dans les unités de soins intensifs néonatales en Europe – Une enquête dans 70 unités en France et en Italie
J.-F. MAGNY, M.-F. GOISET, S. MARTINELLI, P. COSCIA, G. BOYER, C. DE BELILOVSKY, G. BELLEMÈRE, C. BAUDOUIN
Un questionnaire sur l’hygiène et les soins cutanés des nouveau-nés prématurés et nés à terme hospitalisés en unité de soins intensifs néonatals (USIN) a été distribué à 70 centres en France (40) et en Italie (30). Moins de 50 % des USIN avaient des protocoles écrits formalisés.
Il y avait des variations entre les centres et les pays pour les réponses aux 79 questions (par exemple, tranches d’âge incluses ; utilisation des produits de lavage et leurs caractéristiques et choix par les équipes médicales ; type d’eau utilisée, fréquence d’utilisation et techniques de toilette et de séchage ; port de matériel par le personnel ; délai entre la naissance et la première toilette ou le retrait du vernix ; fréquence et type de produits de soins corporels ; soins de la zone du siège ; implication des parents). Ces résultats confirment la nécessité de guidelines internationales.
La peau du nouveau-né à terme est immature. Son pH, le degré d’hydratation, la fonction barrière, l’organisation de la surface de la peau, les jonctions intercellulaires et dermoépidermiques, le renouvellement cellulaire et son épaisseur totale changent avec l’âge(1,2). La maturité cutanée n’est atteinte qu’à l’âge de 2 ans. La peau du nouveau-né pouvant être altérée par des facteurs environnementaux tels qu’une hygiène et des soins de la peau inappropriés, des directives sont régulièrement publiées dans ce domaine(3).
L’immaturité cutanée est augmentée chez les nouveau-nés prématurés et les nourrissons de faible poids de naissance, et est proportionnelle à l’âge gestationnel (AG). La peau des prématurés est plus perméable aux matières exogènes, et à risque de traumatismes, de retard de maturation de la barrière, d’instabilité thermique et d’infection. Ces caractéristiques augmentent le risque de lésions cutanées iatrogènes en unité de soins intensifs néonatals (USIN).
Il existe des guidelines et des protocoles écrits pour de nombreuses situations pathologiques rencontrées par les nouveau-nés prématurés. Cependant, il n’y a pas de directives actuelles sur leur hygiène. Le Groupe de réflexion et d’évaluation de l’environnement des nouveau-nés (GREEN) a publié une revue de 45 articles sur l’hygiène et les soins en néonatologie. Sur la base de cette revue, ce groupe a développé des recommandations sur le type de bain, la fréquence de lavage, l’adaptation aux conditions cliniques, la connaissance du produit par les soignants et les excipients du produit(4). Ces recommandations reposent sur des données bibliographiques, mais aucun inventaire des pratiques en Europe n’a été publié.
Avant la publication des recommandations GREEN, nous avons développé un questionnaire avec une équipe française (hôpital Necker, Paris) pour évaluer les habitudes d’hygiène et de soins des nouveau-nés prématurés et nés à terme dans les USIN.
Nous avons envoyé le questionnaire à des USIN françaises et italiennes de niveaux 2 et 3 pour évaluer le degré d’harmonisation des soins dans les différentes unités et comparer les résultats des centres de deux pays en Europe.
Ce travail représente une image des pratiques d’hygiène sur le terrain et complète les recommandations de GREEN.
Matériels et méthodes
Un questionnaire sur l’hygiène et la prise en charge cutanée des nouveau-nés hospitalisés en USIN a été diffusé en France et en Italie. Il a été développé avec l’équipe de l’USIN de l’hôpital Necker de Paris et contenait 79 questions réparties en cinq sections : 1. Existence de protocoles écrits pour l’hygiène et les soins des nouveau-nés, 2. Produits de nettoyage, 3. Procédures d’hygiène, 4. Soins de la peau et soins spécifiques, 5. Implication des parents et utilisation de produits extérieurs.
L’analyse du questionnaire comprenait des comparaisons à l’intérieur des pays et entre les pays.
Résultats
Les 70 questionnaires ont été remplis principalement par des infirmières (85,7 %) puis des médecins (22,9 %).
Moins de la moitié des USIN avaient des protocoles formels à suivre par les soignants pour l’hygiène (48,6 %), les soins (21,4 %) et le bain (44,3 %) des nouveau-nés. Ces proportions étaient plus faibles pour les parents (18,6 % pour l’hygiène et 8,6 % pour les soins, respectivement). Pour le bain, des contre-indications selon l’état de l’enfant ont été formalisées dans 25,7 % des USIN. L’humidité relative utilisée dans les incubateurs a été ajustée selon l’AG. Les résultats ont indiqué que la variabilité inter-unités pour l’humidité relative était de 40 à 90 % à un AG < 32 semaines.
• La fréquence d’utilisation d’un produit de nettoyage augmentait avec l’AG (tableau).
Dans la plupart des cas, un produit de lavage hospitalier non stérile a été utilisé (68,6 %). Certaines unités (≤ 15 %) utilisaient un produit de lavage stérile, un produit monodose, un antiseptique, une lotion lavante sans rinçage, ou des lingettes. La composition du nettoyant a été notée sur le flacon dans la plupart des cas (94,3 %). Les niveaux de connaissance des soignants étaient plus élevés en Italie qu’en France. Les soignants connaissaient la composition du nettoyant et le pH dans 27,5 % et 22,5 %, respectivement, des USIN en France contre 83,3 % et 80 %, respectivement, en Italie. Le pharmacien était généralement impliqué dans le choix du nettoyant, soit seul (30 %), soit en consultation avec les équipes de l’USIN (37,1 %). L’équipe de l’USIN a choisi seule le nettoyant utilisé dans 14,3 % des unités.
Le port de gants et d’un masque pour la toilette en incubateur était beaucoup plus fréquent en Italie (gants : 80 % < 28 semaines à 73,3 % à terme ; masques : 33,3 % < 28 semaines à 13,3 % à terme) qu’en France (gants : 0 % < 28 semaines à 5 % à terme ; masques : 2,5 % < 28 semaines à 7,5 % à terme). L’inverse était vrai pour le port d’une surblouse en dehors de l’incubateur (Italie : 20 % < 28 semaines à 16,7 % à terme ; France : 27,5 % < 28 semaines à 95 % à terme). La fréquence des toilettes variait d’une fois par jour à une fois par semaine. Le type de toilettes variait également considérablement entre les différentes unités. Toilettes segmentaires (47,1 % des unités < 28 semaines à 60 % dans l’incubateur ; 11,4 % à 52,9 % hors incubateur), bains (17,1 % à 41,4 % en incubateur ; 12,9 % à 78,6 % hors incubateur) et bains enveloppés (8,6 % à 35,7 % en incubateur ; 10 % à 74,3 % hors incubateur). Le délai moyen entre la naissance et le premier bain ou la première toilette diminuait globalement avec l’augmentation de l’AG. Ces pratiques sont très variables d’un pays à l’autre (délai plus important en France) et d’un centre à l’autre au sein d’un même pays (figure).
Les résultats étaient similaires pour les délais de nettoyage du vernix. L’eau utilisée pour la toilette n’était pas homogène entre les différentes USIN. Le type de solution utilisée pour les soins des yeux, du nez et de la bouche était également variable. Les techniques de séchage comprenaient l’utilisation de draps de bain ou de serviettes pour les enfants nés à terme (94,3 %) et pour les nourrissons de 33 à 36 semaines d’AG (85,7 %). Des compresses stériles ou non stériles ont été utilisées par au moins 20 % des USIN.
Des produits de soin (crème, pommade, huile) étaient appliqués dans 71,4 % des USIN (tableau), avec une fréquence plus faible en France (60 %) qu’en Italie (86,7 %). Seize marques commerciales ont été utilisées en France contre six en Italie. La fréquence des soins du siège variait de 4 à 10 fois par jour. En présence de selles, un nettoyant a été utilisé avec une plus grande proportion en Italie qu’en France (< 28 semaines : 56,7 % vs 15 %, respectivement ; à terme : 83,3 % vs 55 %, respectivement). Cette variation persistait en l’absence de selles. Le liniment était utilisé plus souvent en France qu’en Italie.
Une crème préventive contre l’érythème fessier a été appliquée globalement dans moins de la moitié des unités, plus souvent en Italie qu’en France (< 28 semaines : 53,3 % contre 2,5 %, respectivement ; à terme : 66,7 % contre 30 %, respectivement).
L’implication parentale augmentait avec l’AG. Les parents ont participé aux procédures d’hygiène et de soins dans environ 30 % des cas à < 28 semaines ; 60 % à 28-32 semaines et 90 % ≥ 33 semaines.
Discussion
Cette enquête a été la première à décrire l’hygiène et les soins de la peau du nouveau-né dans les USIN de deux pays européens (France et Italie). Elle a révélé de grandes différences entre les unités pour toutes les questions, avec également des différences entre les pays pour certaines des variables. Les USIN françaises n’appliquaient généralement pas de soins de la peau. L’équipement utilisé pour les toilettes était également très différent entre les deux pays.
Jusque très récemment, il n’existait pas de recommandations d’hygiène en néonatologie(4). Cependant, les avantages de guidelines avaient été publiés dès 2001(5). Dix aspects des soins de la peau avaient fait l’objet de recommandations dans 51 USIN. Les auteurs avaient constaté après leur mise en place des améliorations de l’état de la peau, des fréquences de bain plus faibles et une augmentation de la fréquence d’utilisation des émollients.
Le rationnel des soins de la peau des nourrissons prématurés fondés sur des preuves a été publié en 2016(6). Les recommandations comprennent l’application à court terme d’enveloppes en polyéthylène non adhésives dans les 10 minutes suivant la naissance, suivie d’un placement dans un incubateur humidifié. Les recommandations du groupe GREEN indiquent que les nourrissons nés à terme devraient recevoir un bain dans la baignoire (plutôt qu’un bain à l’éponge) et que les nouveau-nés prématurés devraient recevoir un bain à l’emmaillotage.
Le nettoyage quotidien des nouveau-nés prématurés n’est pas recommandé ; le bain doit être effectué tous les 2 à 4 jours. Un bain tous les 4 jours est suffisant et réduit le stress. Le premier bain doit être retardé et le vernix doit être laissé sur le nouveau-né. La température de l’incubateur doit être de 40 °C. Les soignants doivent connaître les excipients présents dans les différents produits utilisés. Dans les pays à ressources élevées, les données disponibles ne soutiennent pas l’utilisation d’agents topiques protecteurs pour les nourrissons prématurés (par exemple, la pommade topique à base de vaseline). Une proximité parent-enfant précoce pendant les soins hospitaliers des nourrissons prématurés est bénéfique. La proximité tant physique qu’émotionnelle parent-enfant doit être facilitée dans les unités néonatales(7). Les parents perçoivent leur participation aux soins comme majoritairement positive, mais ils expriment également une préférence pour une participation et une intimité plus actives(8). Les médecins considèrent la présence des parents lors des visites comme positive. Cependant, la présence parentale peut allonger les visites, empêcher la discussion de certains sujets et augmenter le stress parental(9).
Conclusion
Cette première enquête sur l’hygiène et le soin cutané des enfants hospitalisés en USIN en France et en Italie a révélé de grandes disparités entre les deux pays européens étudiés, et entre les unités d’un même pays. Des différences dans l’existence de protocoles écrits, les critères d’âge, la nature des soins de la peau et les produits utilisés ont été observées. Ces résultats fournissent de nouvelles informations sur les soins de la peau en vie réelle en USIN et peuvent être utiles pour de futures sessions de formations multidisciplinaires.
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