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Néonatologie

Publié le 05 jan 2022Lecture 5 min

Anomalies vasculaires en période néonatale – Quand s’inquiéter ? Quand demander des examens complémentaires ?

Olivia BOCCARA, Service de dermatologie, hôpital Necker-Enfants malades, Paris

Les anomalies vasculaires ou angiomes, suscitent en général beaucoup d’inquiétude : le caractère vasculaire est souvent associé au risque hémorragique, lui-même assimilé aux troubles de l’hémostase, et la crainte d’ignorer une forme syndromique conduisent à la réalisation d’examens complémentaires pas toujours indispensables ni même utiles. Il est fondamental de bien savoir reconnaître les principaux types d’angiomes pour proposer une conduite à tenir adaptée.

Le nævus flammeus ou malformation capillaire médio-faciale : une lésion toujours bénigne qui disparaît naturellement Il s’agit de la lésion vasculaire la plus fréquemment observée en pédiatrie. Elle ne revêt aucun caractère pathologique, mais le nævus flammeus est malheureusement souvent confondu avec un authentique angiome plan(1). On l’observe à la naissance chez près de la moitié des nouveau-nés, de façon plus ou moins marquée ; il s’agit d’une lésion plane, rosée, frontale triangulaire à sommet glabellaire, à contours volontiers émiettés, associée à des éléments de même nature sur les paupières, le nez et la lèvre supérieure (figure 1) ; ces lésions peuvent s’étendre sur le cuir chevelu, la nuque très fréquemment, mais aussi le haut du dos et la région lombaire. Certes médianes, elles ne doivent pas faire suspecter un dysraphisme sous-jacent ni un syndrome de Sturge-Weber, associé lui à un authentique angiome plan(2). Le nævus flammeus, s’atténue spontanément assez rapidement (quelques mois) puis disparaît quasiment toujours ; rarement quelques éléments peuvent persister et justifier un traitement par laser à colorant pulsé à visée esthétique chez un enfant plus grand. L’angiome plan facial Il s’agit d’une lésion plane aussi, congénitale, non évolutive dans les jours suivant la naissance, correspondant sur le plan physiopathologique à une malformation capillaire. La topographie est différente de celle du nævus flammeus, quasiment toujours latéralisé et asymétrique, avec une couleur souvent plus compacte, et des bords plus nets. L’atteinte palpébrale quand elle existe est toujours en continuité avec l’atteinte frontale, sans intervalle de peau saine (contrairement au nævus flammeus). La localisation fronto-palpébrale sera potentiellement associée à une atteinte ophtalmologique et cérébrale dans le cadre du syndrome de Sturge Weber(2) (figure 2). L’atteinte ophtalmologique entraîne un risque de glaucome et justifie un examen ophtalmologique dès que possible, au mieux à la maternité. Le diagnostic de l’atteinte cérébrale est établi par une IRM avec injection de gadolinium, entre 1 et 2 mois de vie, et dans un centre d’imagerie spécialisé. Il n’y a pas de bénéfice à réaliser cette IRM plus tôt. Le résultat d’une échographie transfontanellaire ne change pas la conduite à tenir. Les autres angiomes plans Les angiomes plans peuvent être localisés sur l’ensemble du tégument, de manière plus ou moins étendue. Ils justifient une consultation spécialisée de dermatologie, mais ne nécessitent aucun bilan paraclinique précoce si l’examen clinique général pédiatrique initial est par ailleurs normal. L’hémangiome infantile segmentaire Les hémangiomes infantiles (HI) sont les lésions vasculaires les plus fréquentes chez l’enfant, et sont habituellement facilement diagnostiqués, notamment les formes superficielles ou mixtes, avec cet aspect papuleux framboisé en surface et cette phase de croissance caractéristique dans la période postnatale et pendant plusieurs mois. Devant un HI typique, l’imagerie n’apporte rien ; au contraire, l’observation de flux artériels pourtant caractéristiques au Doppler, inquiète inutilement, car fait évoquer à tort une malformation artérioveineuse. À noter qu’une lésion préproliférative, peut être présente à la naissance, soit sous la forme d’une macule anémique et télangiectasique, soit d’une macule rosée. Plus rarement les HI peuvent se présenter sous la forme de lésions étalées planes, dites segmentaires, pouvant mimer fortement à la naissance un angiome plan. Cependant cette lésion va foncer et s’épaissir comme tout HI (figure 3) ; cette évolution doit rapidement faire corriger le diagnostic, la conduite à tenir étant différente de celle à proposer devant un AP. En effet, les HI segmentaires de l’extrémité cervicocéphalique et de la région lombosacrée peuvent être associés à des anomalies malformatives, qui seront explorées dans un centre spécialisé et nécessiteront souvent d’initier un traitement par propranolol. Quand suspecter une atteinte hépatique ? Les localisations hépatiques sont observées dans le contexte d’HI multiples (figure 4)(4). Il n’y a pas de raison d’effectuer une imagerie hépatique, devant d’autres lésions vasculaires cutanées, quelle que soit leur extension, notamment cela n’a pas d’intérêt devant les angiomatoses planes étendues. Par ailleurs, ce dépistage de l’atteinte hépatique est utile pendant la phase de croissance des HI, c’est-à-dire dans les tout premiers mois de vie, car c’est à ce moment-là qu’ils peuvent entraîner des complications, à type d’hyperdébit cardiaque du fait du volume vasculaire, et plus rarement d’hypothyroïdie périphérique, qui pourront nécessiter un traitement par propranolol. Dans ce contexte, il n’y a jamais de trouble de l’hémostase. Quand redouter un trouble de l’hémostase ? Ni les angiomes plans ni les HI ne sont compliqués de trouble de l’hémostase, ce qui signifie que dans l’immense majorité des cas d’anomalies vasculaires en période néonatale, il n’y a pas de bilan d’hémostase à réaliser. Les rares situations à risque sont l’hémangioendothéliome kaposiforme et l’angiome en touffes, rares tumeurs vasculaires qui peuvent se compliquer du phénomène de Kasabach-Merritt (figure 5)(5). Ce sont des masses vasculaires très infiltrantes, inflammatoires, ecchymotiques et douloureuses. À noter que les hémangiomes congénitaux, tumeurs vasculaires strictement congénitales, à bien différencier des HI, peuvent parfois être associés à une thrombopénie, qui sera toujours transitoire et qu’il n’est pas indispensable de dépister. Conclusion Le nævus flammeus est une lésion vasculaire congénitale très fréquente, bénigne et spontanément résolutive. Elle ne nécessite ni consultation spécialisée ni examen paraclinique. L’angiome plan est en général plus foncé, étendu volontiers latéralisé et asymétrique, et lorsqu’il est localisé dans la région fronto-palpébrale, doit faire suspecter un syndrome de SturgeWeber justifiant une consultation ophtalmologique en urgence et une prise en charge en milieu spécialisé. Toute lésion vasculaire plane présente à la naissance qui fonce et s’épaissit, n’est pas un angiome plan, mais un HI. Une atteinte hépatique sera recherchée seulement dans le contexte de HI multiples. Les HI et les angiomes plans, quelle que soit leur étendue, ne sont jamais associés à des troubles de l’hémostase.

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