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Rhumatologie - Os - Orthopédie - Traumatologie

Publié le 04 jan 2021Lecture 5 min

L’épiphysiodèse dans la prise en charge des très grandes tailles

Isis MARCHAND*, Élodie GAUMÉTOU**, *CHI de Créteil, **Lieusaint, Quincy-Sous-Sénart

L’étude GREPI « Très GRandes tailles chez les adolescent(e)s : intérêt de l’EPIphysiodèse tibiale et fémorale en cas de demande de traitement » a débuté en France avec pour objectif l’évaluation d’une prise en charge chirurgicale chez l’enfant des très grandes tailles constitutionnelles.

Les très grandes tailles sont définies comme supérieures ou égales à +3 DS sur les courbes de référence françaises actualisées(1) soit ≥ 198 cm pour un garçon et ≥ 184 cm pour une fille (figure 1). Figure 1. Deux patients opérés (chirurgie). Quels traitements des grandes tailles ? La première étape de la prise en charge du pédiatre endocrinologue face à une très grande taille consiste à recueillir les paramètres auxologiques, puis à éliminer un autre diagnostic qu’une très grande taille constitutionnelle : une accélération staturale récente en rapport avec une cause hormonale induisant un traitement médical spécifique (hyperthyroïdie ou hyperandrogénie ou puberté précoce ou acromégalie ou, plus rarement, déficit en estrogènes par mutation du gène de l’aromatase CYP19A1 ou par mutation du récepteur ERα). Il faut également rechercher un des syndromes dans lesquels la très grande taille est un signe parmi d’autres(2-5). Parmi ceux-ci, on peut citer le syndrome de Klinefelter (1/600 naissances garçons), le syndrome de Marfan (environ 1/6 000 naissances), le syndrome triple X (1 à 5 personnes/10 000). Les examens complémentaires sont guidés par les hypothèses. Le diagnostic de très grande taille constitutionnelle reste un diagnostic d’élimination, mais il est le plus fréquent. Pouvant être très invalidantes et à l’origine d’un vécu psychologique difficile, certaines familles sont en demande d’un traitement qui freine la croissance. Actuellement, il existe peu de traitements médicaux proposables, étant donné que les traitements hormonaux, estrogènes et/ou testostérone à fortes doses (hors AMM et d’une durée de 1 à 3 ans), sont à l’origine de nombreux effets secondaires : effets généraux, baisse de la réserve ovarienne dose-dépendante et cancers secondaires(6-13). Les analogues de la somatostatine sous-cutanés sont peu utilisés et moins efficaces pour une durée similaire et les antagonistes de l’hormone de croissance n’ont fait l’objet d’aucune publication dans cette indication(14-16). Les pays d’Europe du Nord appliquent depuis plus de 20 ans une technique chirurgicale : l’épiphysiodèse, déviée de celle utilisée de longue date dans l’inégalité de longueur des membres inférieurs, consistant à stériliser le cartilage de croissance aux genoux, la majorité de la croissance se faisant à ce niveau. Leurs publications montrent une réduction moyenne de 7 cm sur la taille prédite avec peu de complications et une satisfaction des patients(17-20). Ce traitement chirurgical est pratiqué de manière éparse en France. L’objectif de cette étude est de pouvoir le proposer aux familles en demande de manière encadrée. L’estimation du pronostic de taille adulte, par le pédiatre endocrinologue, jadis basé sur les tables de Bayley et Pinneau a été supplantée par le logiciel BoneXerpt, intégrant les tables de Greulich et Pyle, de Tanner Whitehouse 2 et 3, et prenant en compte les tailles parentales ainsi que l’origine ethnique(21). Nous utilisons cette lecture automatisée de la maturation osseuse pour une précision optimale (figure 2). Figure 2. Âge osseux lu via le logiciel BoneXerpt. Une étude pour évaluer l’épiphysiodèse Peuvent être inclus les patients présentant une très grande taille idiopathique ou secondaire sans autre traitement étiologique possible. Pour les garçons, un stade de Tanner ≥ 3 et un âge osseux ≤ 14 ans ; pour les filles, un stade de Tanner ≥ 2 et un âge osseux ≤ 12,5 ans. La persistance radiologiquement de cartilage de conjugaison tibial proximal et fémoral distal avec croissance résiduelle estimée ≥ 8 cm sera indispensable. Après signature du consentement éclairé par les titulaires de l’autorité parentale et absence de contre-indication médicale et/ou chirurgicale, le patient (affilié à la Sécurité sociale) sera inclus. Un entretien avec un psychologue sera systématique au cours duquel le patient lira un questionnaire de satisfaction qu’il aura préalablement rempli, précisant ses motivations. Le psychologue s’assurera que la demande vient bien du patient et n’est pas uniquement celle des parents. Il recherchera des troubles de la personnalité et/ou des signes de dysmorphophobie et/ou un état d’humeur altéré qui, s’ils sont présents, seront des critères d’exclusion. Il rappellera que l’intervention a pour objectif d’éviter une très grande taille finale, mais que le patient restera grand, la réduction attendue étant de 5 à 10 cm (7 cm en moyenne). L’intervention d’épiphysiodèse sera bilatérale et percutanée, en un temps opératoire unique d’une durée moyenne de 1,5 h. Elle consiste à stériliser de manière définitive le cartilage de croissance des genoux (fémur distal, tibia proximal et fibula proximal soit 10 cicatrices punctiformes en tout). Sous anesthésie générale et sous contrôle scopique, le carti- lage de croissance sera abordé de part et d’autre afin de cureter la zone de croissance (figure 3). Figure 3. Épiphysiodèse percutanée : 5 incisions punctiformes ; contrôle scopique ; curette. Un pansement simple sera appliqué sur chaque cicatrice et une attelle de Zimmer amovible en extension sera installée en post-opératoire afin de limiter les mobilisations douloureuses en phase aiguë. Au décours immédiat, les consignes suivantes seront données : port des attelles pendant 2 à 3 semaines à titre antalgique le temps que l’épanchement se résorbe (prise d’antalgiques de palier 1) ; pansement toutes les 48 h (points résorbables) ; dispense de sport de 2 mois (sport de contact 4 mois). Le suivi se fera au décours de l’intervention de façon régulière jusqu’à la fin de la croissance, de manière rapprochée en postopératoire immédiat, puis tous les 6 mois. Avant chaque consultation chirurgicale, le patient complétera un questionnaire KOOS Child (Knee Injury and Osteoarthritis Outcome Score for Children) qui comprend 5 items sur la fonctionnalité du genou(22). Un pangonogramme EOS (figure 4) (permettant de réduire la dose de rayons X de 10 à 45 fois comparativement à des clichés standards) sera réalisé avant l’intervention et au moins une fois par an (voire plus, selon la clinique) afin de mesurer précisément les longueurs et les axes des membres inférieurs. Figure 4. Pangonogramme EOS. Enfin, un questionnaire simple de satisfaction de l’intervention répondant aux deux questions : satisfaction de la taille (note de 0 à 10) et recommandation de l’intervention à un proche (note de 1 à 5) seront à compléter par le patient. Ce questionnaire permettra également au patient d’exprimer librement les inconvénients, selon lui, de la chirurgie. Ci-joint le flow chart (figure 5). Figure 5. EOS : les différentes mesures. Notre étude, de type RiPH1 hors produit de santé, a reçu l’accord de l’ANSM et du CPP. Nous prévoyons d’inclure au minimum 20 patients sur 3 ans (fin présumée : juin 2022).

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