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L'œil du médecin d'adolescents

Publié le 26 nov 2020Lecture 5 min

Amélie, hospitalisée à sa demande pour tristesse et troubles du sommeil

A. ROBINAULT, C. HARBULOT, S. JAHIER, M. MARIN, Unité d’accueil et de crises de l’adolescent, CH Rives de Seine, Neuilly-sur-Seine

Amélie 16 ans et 9 mois est hospitalisée à sa demande en unité de médecine pour adolescents pour tristesse de l’humeur et troubles du sommeil. La patiente est sous anxiolytiques (Valium® 5 mg le matin et 2 mg le midi) et sous mélatonine le soir, prescrits par son psychiatre. Elle n’a pas d’antécédents médicaux particuliers. Elle est en classe de première, après avoir redoublé sa seconde. Elle a de bonnes relations amicales, n’a pas de liaison amoureuse actuelle, mais a déjà eu des relations sexuelles non protégées. Ses parents vivent ensemble, et elle entretient de bonnes relations avec eux, ainsi qu’avec son frère et sa sœur âgés respectivement de 19 et 24 ans.

Lors de son hospitalisation, elle remplit la DEPADO – grille de dépistage des consommations problématiques d’alcool et de drogues chez les adolescent(e)s – distribuée systématiquement. Son score à 31 correspond au feu rouge (score > 20, cf. infra), montrant donc la nécessité d’une intervention ciblée sur ce sujet. Elle rapporte en effet, lors de l’entretien, consommer un demi-paquet de cigarettes depuis ses 12 ans, 10 joints de cannabis par jour, et de façon occasionnelle de l’ecstasy, du LSD, de la cocaïne, de la kétamine, de la codéine, ainsi que de l’alcool. Elle évoque également un mésusage ancien de Lexomil® et d’Atarax® prescrits en 2019. Devant l’importance de ses con sommations addictogènes, une diminution progressive puis un arrêt du Valium® sont réalisés au cours de l’hospitalisation, avec introduction d’un neuroleptique (Tercian® 25 mg, demi-comprimé matin et soir), afin d’agir sur ses troubles anxieux. Un inhaleur de nicotine permet de tolérer l’interdiction du tabac dans l’unité. Une orientation au CSAPA (Centre de soins et d’accompagnement et de prévention en addictologie) est également proposée en plus du suivi psychologique ambulatoire devant l’importance et le caractère problématique des consommations de toxiques. L’importance de la DEPADO ! La DEPADO est une grille qui permet d’évaluer l’usage d’alcool et autres drogues chez les adolescents et de faire un premier dépistage de la consommation problématique ou à risque. Elle peut être utilisée en face-à-face ou auto-administrée. Son utilisation sert autant des objectifs de dépistage et de référence que de recherche et de suivi épidémiologique. Une première version de la DEPADO a été expérimentée au cours de 1999 auprès de divers intervenants. En même temps, des études de corrélations ont également permis d’en faire une première validation qui s’est avérée positive. Les résultats de ces deux démarches ont conduit à une seconde version qui a été largement utilisée au Québec et dans certaines régions européennes. La DEPADO a été conçue et validée auprès des jeunes de 14 à 17 ans. Pour les 1213 ans, l’utilisation de la DEPADO est jugée pertinente. Bien qu’elle ne soit pas validée pour ce groupe d’âge, les expériences cliniques démontrent que les calculs des feux demeurent appropriés. Il n’est pas recommandé d’utiliser la DEPADO avec les moins de 12 ans. Un score en trois catégories permet de définir le niveau de risque et indique s’il y a lieu de faire une intervention. Les trois colonnes renvoient à trois facteurs (alcool et cannabis, autres drogues et conséquences) et servent à l’attribution des scores. Le calcul des scores est effectué après la passation du questionnaire, à l’aide de la grille de cotation annexée. •          Feu vert (< 13) : aucun problème évident de consommation. •          Feu jaune (1419) : problème en émergence (intervention précoce souhaitable). •          Feu rouge (> 20) : problème évident (intervention spécialisée nécessaire). Pour conclure, la DEPADO est un outil simple de dépistage des consommations problématiques d’alcool et de drogues à utiliser en consultation de médecine d’adolescent ! Documents accessibles en ligne sur le site www.risqtoxico.ca. Lieux de prise en charge des consommations de substances psychoactives à l’adolescence La prise en charge des consommations de toxiques à l’adolescence est avant tout une prise en charge globale du jeune. Une hospitalisation et/ou une consultation médicale avec un adolescent sont un temps précieux pour le dépistage et l’accompagnement des consommations problématiques. Lorsqu’une consommation est repérée, l’adolescent peut être adressé à une Consultation jeunes consommateurs (CJC). Les professionnels des CJC sont en général des psychologues et éducateurs formés aux problématiques de consommation et d’addiction. Cette consultation permet à l’adolescent de faire un bilan de ses consommations, de recevoir des informations et des conseils personnalisés. Il peut être aussi aidé pour arrêter ou réduire sa consommation en quelques consultations ou bénéficier, si besoin, d’une prise en charge à long terme. Cette orientation peut aussi être une porte d’entrée vers le soin psychique pour des jeunes qui refusent un suivi psychologique, en CMP par exemple, mais qui ont une demande autour de leur consommation. Les CJC sont présentes dans la quasi-totalité des départements français. Ces consultations proposent un accueil gratuit et confidentiel. Elles se déroulent au sein des Centres spécialisés d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ou dans des lieux spécialisés dans l’accueil des jeunes (Maisons des adolescents et Points accueil écoute jeunes). Les jeunes peuvent s’y rendre seuls ou accompagnés de leur parent ou d’un proche. Les parents peuvent également être reçus avec ou sans le jeune concerné. Certains CSAPA n’ont pas de CJC identifié, mais assurent quand même la prise en charge spécifique des adolescents. Il y a parfois, sur le plan local, d’autres associations partenaires avec les CSAPA prenant en charge les problèmes de consommation chez les adolescents (ex. : AGATA dans le 92). L’enquête ESCAPAD 2017 réalisée auprès des jeunes de 17 ans de France métropolitaine, révèle une expérimentation de l’alcool, tabac et de cannabis qui concerne respectivement 86, 59 et 39 % de cette population. L’usage quotidien de tabac concerne 25 % des jeunes, tandis que 7,2 % des jeunes con somment du cannabis au moins 10 fois par mois. Enfin, presque 7 % des jeunes ont déjà consommé d’autres drogues illicites. Rubrique réalisée par Renaud de TOURNEMIRE

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