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Dermatologie

Publié le 17 mar 2020Lecture 5 min

Mastocytoses cutanées chez l’enfant

Zahra OUADI et coll.* Hôpital Arrazi, CHU Mohammed VI, faculté de médecine et de pharmacie, Université Caddi Ayyad, Marrakech, Maroc

Les mastocytoses sont des maladies rares, le plus souvent sporadiques, caractérisées par une prolifération et une accumulation anormale des mastocytes dans la peau (mastocytoses cutanées, MC) ou dans d’autres organes (moelle osseuse, os, foie, ganglions, etc.) définissant ainsi les mastocytoses systémiques (MS).

Les mastocytoses concernent les enfants dans près de deux tiers des cas, le plus souvent sous forme cutanée pure avec possibilité de régression de la maladie à la puberté. Chez l’adulte, les mastocytoses peuvent être systémiques dans près d’un tiers des cas avec une évolution chronique de la maladie et possibilité de formes agressives souvent associées à une atteinte hématologique faisant le pronostic grave de la maladie. Les manifestations cutanées des mastocytoses sont en partie liées à l’accumulation de mastocytes dans la peau et en partie à l’effet de médiateurs mastocytaires. Le diagnostic positif repose sur l’examen histopathologique qui doit être orienté par la clinique, couplé à l’étude immunohistochimique dans les cas difficiles. Le traitement de la MC chez l’enfant est surtout symptomatique et transitoire en raison de la régression spontanée de la maladie dans la moitié du cas à la puberté et il repose sur l’éviction de tous facteurs dégranulants des mastocytes, les antihistaminiques 1 associés au non aux antihistaminiques 2, les dermocorticoïdes, la PUVA-thérapie et les soins locaux en cas de lésions bulleuses. À partir de cette série pédiatrique, nous avons envisagé les différentes présentations cliniques et évolutives, ainsi que les modalités de prise en charge de mastocytoses cutanées chez l’enfant. Patients et méthodes Il s’agit d’une série de 8 cas de MC, 4 filles et 4 garçons, âgés en moyenne de 17 mois, suivis en consultation de dermatologie pédiatrique au CHU Mohammed VI de Marrakech durant la période allant de 2011 à 2015. Résultats La forme d’urticaire pigmentaire était prédominante dans 5 cas (figure 1), un seul cas de mastocytome du genou droit (figure 2), un seul cas de mastocytose bulleuse généralisée et un cas de mastocytose papulonodulaire diffuse ont été observés sans atteinte systémique associée (figure 3). Figure 1. Urticaire pigmentaire avec un signe de Darier positif chez un garçon de 9 mois. Figure 2. Mastocytome du genou droit. Figure 3. Forme papulonodulaire de mastocytose chez une fille de 11 mois. L’étude histologique d’une biopsie cutanée a été demandée dans tous les cas, le complément immunohistochimique a été réalisé dans 3 cas (figures 4 et 5). Figure 4. Infiltrat mastocytaire monomorphe occupant surtout le derme (bleu de toluidine) (x 10). Figure 5. Marquage C-KIT positif lors d’une mastocytose papulonodulaire (x 40). Un bilan systématique comportant un examen clinique complet avec un bilan biologique incluant une NFS, un bilan hépatique et un dosage du taux de tryptase sérique ont été faits et sont redevenus normaux dans 3 cas ; le taux de tryptase était inférieur à 20 µg/l. Le traitement de ces formes cutanées a reposé sur : – l’application de dermocorticoïdes dans le cas de mastocytome devant le refus de l’exérèse chirurgicale par les parents, avec une bonne évolution et une régression totale de la lésion, ainsi que l’éviction de tout facteur dégranulant ; – un antihistaminique et l’application de dermocorticoïdes dans les autres cas avec des soins locaux des érosions post-bulleuses dans le cas de mastocytose bulleuse. L’évolution a été bonne chez 6 malades ; un patient a été perdu de vue ; une récidive des lésions chez une fillette de 3 mois a nécessité la reprise de son traitement et son suivi est toujours en cours. Discussion Les mastocytoses sont des maladies rares (2 cas/300 000 patients/an) le plus souvent sporadiques et rarement familiales. Elles concernent les enfants dans près de deux tiers des cas, le plus souvent sous forme cutanée pure, avec possibilité de régression de la maladie à la puberté(1). Chez l’adulte, les mastocytoses peuvent être systémiques dans près d’un tiers des cas avec une évolution chronique et possibilité de formes agressives qui sont souvent associées à une atteinte hématologique faisant la gravité du pronostic de la maladie(2). La physiopathologie des mastocytes repose sur la présence de mutations auto-activatrices du récepteur C-KIT en l’absence de son ligand SCF (stem cell factor) ; cette activation entraîne l’induction d’une différenciation des progéniteurs hématopoïétiques, la migration, la prolifération, la survie et l’accumulation des mastocytes dans les tissus, dont la peau(4). Les manifestations cutanées des mastocytoses sont en partie liées à l’accumulation de mastocytes dans la peau et en partie à l’effet de médiateurs mastocytaires libérés lors de l’activation des mastocytes. Ces signes cutanés peuvent être paroxystiques (flush, érythème prurigineux, hypotension, syncope, bronchospasme, signes digestifs, etc.) ou fixes, classés en 4 catégories selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : – atteintes maculopapuleuses (urticaire pigmentaire et variantes en plaques et/ou papules), forme la plus fréquente et la plus identifiable ; – atteintes nodulaires dont le mastocytome qui est plus fréquent chez l’enfant ; – atteintes cutanées diffuses et atteintes télangiectasiques(3). Le diagnostic positif repose sur l’examen histopathologique qui doit être orienté par la clinique (signe de Darier positif +++) ; il permet de confirmer le diagnostic de mastocytose à l’aide de coloration par le bleu de toluidine ou Giemsa ; il est couplé à l’étude immunohistochimique dans les cas difficiles (CD117 (KIT) +++, CD68, CD45, CD43)(4). Devant la MC de l’enfant, la recherche d’une atteinte systémique n’est justifiée qu’en présence de signes d’atteintes d’organes autres que la peau ou devant l’atteinte cutanée diffuse ou encore en cas d’anomalie du bilan biologique demandé a minima (figure 6). Figure 6. Conduite à tenir devant une mastocytose cutanée de l’enfant. La tryptase sérique reste le marqueur de mastocytose le plus actuellement quantifié, dont le taux est corrélé au degré d’infiltration mastocytaire(1). Le traitement de la MC chez l’enfant est surtout symptomatique et transitoire en raison de la régression spontanée de la maladie dans la moitié des cas à la puberté. Il repose sur l’éviction de tout facteur dégranulant des mastocytes (certains aliments, médicaments, variations thermiques, etc.), surtout dans les formes cutanées diffuses, afin d’éviter le risque grave du choc anaphylactique, les anti-H1 associés aux anti-H2 restent le traitement symptomatique de première intention et à commencer dans toutes les formes de MC. En cas de mastocytome, l’emploi de dermocorticoïdes sous occlusion peut permettre une régression totale de la lésion ; l’exérèse chirurgicale peut en être la deuxième option. Dans les formes bulleuses, les soins locaux sont d’une grande importance pour éviter toute surinfection(5). L’emploi de la corticothérapie générale courte et la PUVA-thérapie s’avèrent nécessaires dans les formes sévères (tableau)(1). Le port d’une carte mentionnant le diagnostic de mastocytose chez les patients atteints est d’une grande utilité, surtout en cas d’urgence chirurgicale. Conclusion La stratégie diagnostique des mastocytoses est bien codifiée. La stratégie thérapeutique est en perpétuelle évolution allant du traitement symptomatique à la thérapie ciblant les voies de signalisation du mastocyte sur le gène KIT.

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