Publié le 21 fév 2019Lecture 10 min
Y a-t-il des limites au sport chez l’enfant ?
Jérôme VALLETEAU DE MOULLIAC, Paris
Le sport est utile et indispensable, mais les enfants ne sont pas des adultes, il y a donc des limites à respecter afin d’éviter des incidents moteurs, voire psychologiques.
Le sport, c’est quoi ?
« On entend par « sport » toutes formes d’activités physiques et sportives qui, à travers une participation organisée ou non, ont pour objectif l’expression ou l’amélioration de la condition physique et psychique, le développement des relations sociales ou l’obtention de résultats en compétition de tous niveaux » (Charte européenne du sport). Le sport, c’est aussi une « activité physique visant à améliorer sa condition physique, l’ensemble des exercices physiques se présentant sous forme de jeux individuels ou collectifs, donnant généralement lieu à compétition, pratiqués en observant certaines règles précises » (dictionnaire Larousse). Le sport, c’est donc une activité physique certes, mais qui peut se décliner sous plusieurs formes :
– la combinaison de mouvements corporels réduits au strict minimum (marcher, monter des escaliers, agir dans la vie quotidienne) est une activité physique comme le jeu (football, tennis, danse, natation ou toute autre activité récréative de loisir sans encadrement ni esprit de compétition) ;
– cette activité physique deviendrait-elle du sport quand elle est obligatoire et encadrée en EPS à l’école, quand elle est volontaire et encadrée dans le cadre d’une association sportive ou d’un club que ce soit en loisir dont l’objectif est le jeu, le plaisir, ou bien en compétition, dont le but est la victoire individuelle ou collective ?
– sans oublier que ce peut être une activité physique dans un but thérapeutique.
Le sport, c’est bien !
Le sport fait partie des rythmes de vie de l’adulte comme de l’enfant : pendant la journée, il y a des moments de travail, de repos, d’alimentation et d’activité physique libre ou encadrée, puis de sommeil. L’activité physique sportive ou non fait partie de la vie et du développement psychomoteur de l’enfant et réciproquement.
Le sport est bénéfique pour la ” santé : contrôle du poids, de la dépense énergétique, du développement musculaire, du renforcement du squelette, de l’amélioration du souffle et du fonctionnement cardiaque, entre autres ; ainsi il participe au bienêtre physique et à la prévention des maladies de l’adulte. Le sport est un véhicule des valeurs éducatives :
– le sens de l’effort et de la persévérance, de la ténacité ;
– l’affirmation de la personnalité et le besoin de s’extérioriser, de communiquer, de fédérer, de participer, de se socialiser indépendamment de toute hiérarchie sociale ;
– l’apprentissage de la loyauté, du fair-play, le rejet de la tricherie, de la simulation, du dopage ;
– le respect des règles, de l’arbitrage des sanctions éventuelles qu’il faut savoir accepter, le respect de l’adversaire sans mépris, ce qui n’est pas contradictoire avec la volonté et la ténacité dans la recherche de la victoire le respect des autres, de ses partenaires dans un sport de groupe mais aussi le respect du public (en évitant les démonstrations agressives) et de l’environnement ;
– le contrôle de soi et de sa propre agressivité : ne pas s’emporter, ne pas répondre aux provocations, savoir rester à sa place et participer à l’effort collectif ;
– le dépassement de soi : une des raisons d’être du sport est d’offrir aux pratiquants de tout niveau et de tout âge un sentiment d’accomplissement et de réussite par le recul de ses limites. L’esprit d’équipe est une école de la solidarité ;
– le plaisir de réussir, de se dépasser, de favoriser l’estime de soi en sachant accepter l’échec.
Quelles armes pour la vie !
Mais le sport a des limites
Limites liées à la spécificité de l’enfant
• La croissance
L’âge réel, la taille, la vitesse de croissance, la maturité physique (âge osseux), la puberté, sont autant de facteurs à considérer dans la pratique du sport chez l’enfant. L’enfant est un organisme en développement et tous les enfants ne le font pas au même rythme. Il faut cependant informer les parents et l’enfant que le sport ne rend pas petit : certes, un sport (danse, gymnastique ou patinage artistique féminins) avec un entrainement intensif (> 12 h par semaine) chez des sujets parfois génétiquement sélectionnés sur leur morphologie, comme des apports nutritionnels inadaptés, peuvent retarder la puberté, mais si la taille définitive est différée, elle sera conforme à la taille cible.
• Le développement psychomoteur
Il ne faut pas inscrire trop tôt un jeune enfant à des activités sportives : on conseille généralement le début la pratique d’un sport vers 7 ans.
• De 2 à 6 ans on peut proposer cependant une activité physique comme en témoignent la mode des « bébés nageurs » et les cours de « baby sport », essentiellement axés sur l’éveil corporel et la gymnastique douce dès 4 ans : c’est alors par le plaisir et le jeu que, dans un espace protégé, l’enfant peut être initié à l’éducation motrice, corporelle, artistique voire sportive, véritable stimulation psychomotrice.
• De 6 à 7 ans, c’est l’âge du CP, et en même temps que l’enfant apprend l’écriture et la lecture, qu’il découvre le schéma corporel, il commence à comprendre les bases de la condition physique : le contrôle postural, l’équilibre, la latéralité, la coordination des mouvements, l’orientation temporo-spatiale mais aussi sa force, son habileté et sa vitesse ; il est alors prêt à s’initier au sport.
• De 7 à 12 ans c’est l’âge de l’apprentissage, du perfectionnement dans le sport choisi et s’il le désire et qu’il a de réelles aptitudes, l’ouverture à la compétition.
• De 13 à 15 ans, c’est souvent la période des abandons car c’est l’âge de la contradiction, de la rébellion, du refus de l’autorité (entraineur), des contraintes (entrainements et exigence de performance). La morphologie change (gestes moins précis), en même temps que la motivation baisse.
• L’aspect psychologique
La valeur éducative du sport a été largement énoncée mais il ne faut pas oublier qu’indépendamment de son âge et de ses des capacités physiques, chaque enfant a son profil psychologique : il peut être volontaire, motivé, ambitieux, altruiste etc. Mais aussi timide, angoissé, mal dans sa peau, peu sûr de lui, ou opposant, agressif, voire indécis, vulnérable et influençable selon l’« air ambiant », sans réelle motivation personnelle. Sans parler de la pression exercée par des parents excessifs ou champions par procuration ? D’autres très exhibitionnistes ne voient dans le sport que la recherche de gloire, d’honneur quel qu’en soit le prix. La pratique sportive doit donc tenir compte des limites liées à la personnalité de l’enfant (et de ses parents).
Il faut laisser l’enfant choisir son sport en tenant compte de ses compétences physiques et psychologiques, car sa motivation et son épanouissement priment ; c’est ainsi que, certes après mure réflexion, il ne semble pas utile de le forcer à poursuivre un sport qu’il ne veut plus pratiquer. Le sport doit rester un jeu librement consenti. Il faut donc le laisser s’investir dans le sport qu’il désire.
• Les besoins énergétiques
L’enfant a besoin pour vivre (métabolisme basal), pour grandir, pour le déroulement normal de la puberté et pour pratiquer une activité physique, un ou des sports, d’un apport énergétique adapté. Alors attention aux entraînements intensifs, au désir de maigrir parfois sous la pression de la pratique de certains d’entre eux, aux activités sportives exagérées dans le but de perdre du poids, qui pourraient conduire à une anorexie mentale qu’il faut savoir dépister. Attention aussi à l’excès de boissons énergisantes.
• Les cartilages de croissance
Le cartilage de croissance de l’enfant est particulièrement sensible et donc très souvent soumis à des traumatismes aigus et/ou chroniques (excès de sollicitation) qui peuvent grever son parcours sportif. Il faut les différencier des tendinites et des entorses, sachant qu’une entorse chez l’enfant est une fracture du cartilage jusqu’à preuve du contraire. C’est ainsi que peuvent apparaître en fonction de l’âge, du sport pratiqué ou de la région impliquée, des fractures de fatigue, ostéochondroses apophysaires (les plus connues étant la maladie de Sever au talon, la maladie de Scheuermann vertébrale, l’apohysite tibiale antérieure ou maladie d’Osgood-Schlatter) ou articulaires. Les ostéochondroses correspondent toutes à des microtraumatismes répétés au niveau de l’insertion d’un tendon d’un muscle puissant. Le tendon étant lui-même extrêmement solide, c’est le cartilage de croissance auquel il est fixé qui va être à l’origine de douleurs. La présentation clinique est caractéristique et permet quasiment toujours de faire le diagnostic. La douleur en est le symptôme majeur, la sonnette d’alarme. Il s’agit d’une douleur mécanique, augmentée par les activités sportives et localisée en un point précis, s’accompagnant parfois de signes inflammatoires locaux. Il faut que l’enfant sache la reconnaître et l’exprimer, que son entourage l’écoute. Il doit la comprendre avec des explications simples et adaptées à son âge. L’enfant, mais aussi ses entraineurs, professeurs d‘éducation physique et ses parents doivent en tenir compte et la respecter en acceptant au pire l’arrêt temporaire du sport en cause dans les formes les plus sévères, sinon arrêter le geste dès l’apparition de la douleur.
Les ostéochondroses sont des pathologies de surmenage des cartilages de croissance. Les tendinites sont beaucoup plus rares chez l’enfant que chez l’adulte.
• Les maladies chroniques
Tout enfant porteur d’une maladie chronique doit faire du sport, cela fait partie de sa prise en charge. C’est alors au médecin de déterminer, en fonction de la pathologie préexistante et de l’état clinique de l’enfant, quel sport il ne peut pratiquer, dans quelles circonstances et avec quelles limites ou restrictions.
C’est le cas des cardiopathies cyanogènes non opérées, des myocardiopathies obstructives, des troubles du rythme aggravés ou déclenchés par l’effort. Le cardiologue référent doit informer le patient, ses parents et son médecin traitant de l’attitude à adopter. Un enfant obèse doit être encouragé à faire du sport, sachant que le sport ne fait pas maigrir mais s’inscrit dans le programme thérapeutique. Il faut alors privilégier les sports d’endurance en décharge (vélo, aviron, natation) et éviter les activités où l’enfant pourrait avoir de mauvaises performances, sources de moqueries, démotivantes et qui l’amèneraient à réduire sa pratique et donc à prendre du poids. Le diabète, l’asthme, certaines infections ORL chroniques, l’épi lepsie nécessitent parfois des aménagements particuliers. Par contre la scoliose ne contre indique aucun sport, même avec corset. C’est la meilleure des kinésithérapies et contrairement à une idée préconçue, les sports asymétriques ne favorisent pas la scoliose.
• Le surentraînement(1)
Qu’il soit volontaire ou « imposé », l’excès d’entrainement impose des efforts dont l’intensité, le rythme et la durée sont tels que les possibilités physiques ou psychologiques de l’enfant sont dépassées. Cela peut donc perturber son équilibre général induisant ainsi contre performance, démotivation, fatigue mais aussi troubles relationnels, affectifs, troubles du sommeil et de l’alimentation, voire baisse des résultats scolaires. C’est donc un facteur limitant dans la pratique sportive à bien appréhender.
Limites liées à l’avis du médecin
Le médecin consulté dans le cadre de la délivrance d’un certificat de non contre-indication à la pratique d’un sport ou lors d’une consultation de « suivi » doit :
– encourager la pratique du sport sans contraindre ;
– juger de l’aptitude physique et psychologique de l’enfant en fonction de son âge, de sa croissance, de ses possibilités techniques, de sa motivation, de l’environnement familial et de l’existence éventuelle d’une maladie préexistante ; le certificat de pratique doit privilégier les aptitudes de l’enfant et non les interdits. Il nécessite un examen médical sinon récent. Attention, pour certains sports, la législation impose maintenant des restrictions ou des examens complémentaires ;
– discuter les inaptitudes injustifiées ;
– dépister les signes de souffrance ou de surmenage ;
– prévenir les conduites addictives (dopage, restrictions alimentaires, boissons énergisantes ) ;
– et si besoin freiner l’enfant avant d’être amené à interdire ;
– éviter les certificats de contreindication de complaisance liée à une maladie « imaginaire », ou une pathologie ne le justifiant pas (souffle anorganique, malaise vagal, scoliose, troubles de la statique des membres inférieurs), mais aussi un défaut de motivation, un manque de temps allégué par l’enfant ou ses parents.
Tous les enfants peuvent-ils faire du sport ?
L’enfant n’a aucun problème :
– il fait du sport : bravo et tant mieux. Qu’il le fasse sous contrôle ;
– il n’en fait pas : il devrait en faire et il faut l’encourager, l’inciter sans le contraindre, en n’acceptant aucune contre-indication injustifiée.
Si l’enfant a des problèmes :
– il fait du sport : tant mieux, mais…
– il faut adapter son activité à ses possibilités, ou le diriger vers un autre sport plus compatible avec sa situation en le surveillant de près (information des parents, professeurs voire entraineurs) ; il ne fait pas de sport : il devrait en faire. Il faut alors lui trouver une activité adaptée et l’inciter à la pratiquer pour le sortir de cette attitude de pseudo-handicapé et ainsi le valoriser.
Cet article a été rédigé en s’inspirant de Michel BINDER pédiatre, médecin du sport de l’enfant et de l’adolescent : clinique du sport - centre médico – chirurgical Paris V.
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