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ORL et Stomatologie

Publié le 04 oct 2018Lecture 7 min

Peut-on encore enlever les amygdales de l’enfant ? Et si oui, comment ?

Michel HANAU, Amiens

Lors d'une masterclass intensive sur l’amygdalectomie de l’enfant qui a eu lieu pendant le congrès de la SFORL 2018, il a été fait le point sur ce sujet brûlant : amygdalectomie partielle versus amygdalectomie totale.

L’amygdalectomie de l’enfant ou de l’adolescent de moins de 18 ans, premier acte ciblé pour la pertinence des soins par la Caisse nationale d’assurance maladie (CPAM), suspecté d’être parfois « sans valeur ajoutée » par les tutelles et les pouvoirs publics est une intervention, apparemment bénigne, mais qui conserve un risque vital alors que la maladie qu’elle entend soigner n’est que rarement mortelle. Souvenons-nous de l’allocution du Pr P. Tran Ba Huy, président du 115e Congrès de la SFORL en 2008 : « Il faut dire que l’une des activités, louable de mon père ORL était, comme cela était alors de règle, d ’arracher de façon quasi systématique les amygdales de mes malheureux congénères du sud de Paris. Or à cette époque, c’était au domicile du marabout que se pratiquait ce type de sacrifice rituel. J’ai donc grandi tous les jeudis de mon enfance au milieu des hurlements et des morceaux de tissu lymphoïde qui jonchaient le sol de ma salle de jeux, laquelle avait le matin servi d’office à ces SaintBarthélemy du cavum »… Et aujourd'hui ? En raison de ses risques hémorragiques et de la douleur engendrée, l’amygdalectomie de l’enfant est encore une intervention crainte par les patients, par leurs parents et aussi par les praticiens qui redoutent les ennuis médico-judiciaires et médiatiques. En considérant la balance bénéfice/risque et le consentement éclairé des parents, il importait donc de reconsidérer les algorithmes décisionnels et les techniques opératoires. Quelques chiffres D’après les données du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information), on est passé en France de 80 000 amygdalectomies par an dans les années 1990 à 35 000 aujourd’hui. Les opérations sont donc moins nombreuses pour les jeunes praticiens et mieux vécues par les jeunes patients. Plus de la moitié des enfants sont opérés avant 6 ans et plus de 70 % pour hypertrophie amygdalienne (figure 1). Le risque d’hémorragie précoce avant la 8e heure est de 1 %. Celui d’hémorragie tardive est de 1 à 3 %. Le risque de décès par hémorragie est de 1/35 000 à 1/50 000, soit un décès par an !  Figure 1. Hypertrophie amygdalienne. Les recommandations En 2010, la Société française d’ORL (SFORL) a édité des recommandations sur l’amygdalectomie de l’enfant. Les principales indications sont, d’une part, l’hypertrophie amygdalienne symptomatique et, d’autre part, les infections amygdaliennes récidivantes. Le bilan préopératoire doit tenir compte de l’évaluation des risques hémorragiques et respiratoires. Une hypertrophie amygdalienne peut être responsable de l’obstruction des voies aériennes supérieures durant le sommeil (notamment d’un syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil). Les signes évocateurs sont : la nuit, le ronflement, les pauses respiratoires, les sueurs, l’énurésie, la parasomnie, le sommeil agité. Le jour ce sont : les difficultés de réveil, l’irritabilité au réveil, l’asthénie au réveil, les céphalées matinales ou vomissement, l’anorexie au petitdéjeuner, la respiration buccale, les troubles de la croissance. En l’absence de troubles du sommeil, l’amygdalectomie peut être néanmoins conseillée lorsque l’hypertrophie amygdalienne est bilatérale, avec obstruction oropharyngée responsable de troubles de la déglutition, de troubles phonatoires, voire de troubles orthodontiques. La SFORL recommande également l’amygdalectomie dans le cas d’angines récidivantes, 3 épisodes par an pendant 3 ans, ou 5 épisodes par an pendant 2 ans. Une tuméfaction amygdalienne unilatérale suspecte de malignité reste une indication opératoire systématique. Le bilan préopératoire préanesthésique Il doit permettre d’évaluer les risques hémorragiques par un interrogatoire précis qui recherche des antécédents personnels ou familiaux d’une anomalie de l’hémostase complété par un bilan. Pour évaluer les risques respiratoires, il est recommandé de rechercher des signes de gravité de l’obstruction : enfant de moins de 3 ans, malformation crânio-faciale, malformation des voies aériennes supérieures, maladie neuromusculaire avec hypotonie pharyngée, insuffisance cardiaque droite, hypertension artérielle pulmonaire, obésité morbide, maladie métabolique avec infiltration du tissu conjonctif sous-muqueux des VAS (figure 2), maladie respiratoire à type d’infection récente des VAS ou inférieures avec hyperréactivité bronchique.  Figure 2. Infiltration. Ambulatoire ou hospitalisation conventionnelle ? Pour satisfaire à l’objectif national d’hospitalisation ambulatoire, il est recommandé que le contexte médical et social le permette que l’organisation du service soit adaptée et, qu’à tout moment, le passage en hospitalisation conventionnelle ou à une réhospitalisation de l’enfant opéré soit possible dans un environnement pédiatrique. La présence de comorbidités est une contre-indication à l’ambulatoire : obésité morbide, hémophilie, insuffisance respiratoire chronique, SAOS compliqué. Les techniques classiques La technique opératoire majoritairement pratiquée en France est l’amygdalectomie en dissection, dite « extracapsulaire », sous anesthésie générale avec intubation nasotrachéale. Les complications Elles sont craintes parce que potentiellement redoutables : Elles imposent une surveillance postopératoire rigoureuse qui implique les professionnels et les parents. Les complications primaires sont des complications respiratoires, des nausées-vomissements postopératoires (NVPO), et surtout des hémorragies postamygdalectomie (HPA). Les complications secondaires sont l’hémorragie retardée, la dysphagie douloureuse avec risque de déshydratation, la persistance de l’obstruction respiratoire. Le risque hémorragique est le plus élevé dans les 6 à 8 heures suivant l’intervention : c’est la durée minimale de surveillance avant de renvoyer l’enfant chez lui lorsque l’intervention est réalisée en ambulatoire. Il est à nouveau élevé 8 à 15 jours après l’intervention lors des chutes d’escarres, si les électrocoagulations ont été trop intenses. Les HPA sont plus fréquentes après amygdalites chroniques, et angines mononucléosiques. Elles imposent des reprises en urgence et de traiter l’anémie. Les embolisations et les ligatures de carotide externe restent exceptionnelles. Les AINS n’entraîneraient aucun risque majoré selon une métaanalyse de 2013. La douleur ! Si le risque hémorragique appuie lourdement sur le choix thérapeutique, la gestion de la douleur est également un critère important. En effet, l’amygdalectomie est une intervention douloureuse, dès la fin de l’intervention et ensuite à chaque déglutition et prise alimentaire. La codéine et d’autres dérivés opioïdes par voie orale ne peuvent plus être utilisés chez l’enfant et la gestion de la douleur, surtout lorsque l’intervention est réalisée en ambulatoire, est plus difficile. En peropératoire, elle est prévenue par une association paracétamol, morphine et dexaméthasone. L’ordonnance de sortie comporte du paracétamol et de l’ibuprofène. Des antalgiques « de secours » peuvent être indiqués : Oramorph® avant 3 ans ; tramadol en gouttes après 3 ans s’il est bien toléré et en complément du paracétamol. L’absence de prémédication, la diminution de la période de jeûne, la reprise précoce de l’alimentation permettent de diminuer les nausées et vomissements postopératoires. Face à ces deux éléments de risque, l’ablation partielle par radiofréquence – plus particulièrement indiquée face à un SAOS – semble apporter une évolution positive : elle réduit à la fois la douleur et le risque hémorragique (0,3 % de saignements précoces contre 1,8 %, et 0,7 % de saignements tardifs contre 5,8 %). Elle augmente légèrement le taux de repousse des amygdales mais sans retour des symptômes le plus souvent. Les récidives obstructives ne sont que de 2/1 000 en Suède et peuvent justifier une réintervention. La technique de l'amygdalectomie partielle Qu’elle soit pratiquée par radiofréquence le plus souvent, elle peut également se faire par électrochirurgie, ultracision, coblation, microdébrideur (figure 3). Les loges sont infiltrées à la xylocaïne adrénalinée à 1 % ou simplement au sérum physiologique. Il est conseillé de protéger le pilier postérieur par une mèche ou un cotonoïde. La résection se fait à l’aplomb du pilier antérieur sans atteindre la capsule. Des petits saignements sont contrôlés par électrocoagulation bipolaire.   Figure 3. A. Amygdalectomie partielle par radiofréquence. B. Vue postopératoire immédiate. Conclusion Les amygdalectomies sont des interventions, toujours utiles, possiblement moins fréquentes et certainement moins traumatiques. L’indication la plus fréquente de l’amygdalectomie chez l’enfant est aujourd’hui le syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS). Il va s’avérer essentiel d’en évaluer la gravité ainsi que ses causes pour n’envisager l’ablation qu’à bon escient. Mais, actuellement en France, seule l’amygdalectomie extracapsulaire en dissection est validée par la HAS et cotée à la CCAM. L’adoption de l’amygdalectomie partielle extracapsulaire par radiofréquence avec cautérisation bipolaire, associée si nécessaire à une adénoïdectomie classique à la curette sera sans doute l’étape suivante d’une stratégie chirurgicale en pleine évolution depuis 20 ans. Généralisée dans de nombreux pays, cette nouvelle technique entraîne moins d’HPA, moins de douleurs, moins d’infections postopératoires et peut être pratiquée en ambulatoire sauf chez l’enfant bde moins de 3 ans, en cas de SAOS sévère et de comorbidités avec ASA ≥ 3. Il revient donc à nos experts de l’évaluer et de l’inclure dans de nouvelles recommandations afin de faire rapidement évoluer nos techniques et nos esprits.

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