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Neurologie

Publié le 19 oct 2018Lecture 6 min

Céphalées de l’enfant et de l’adolescent : migraine… ou pas ?

Jean-Christophe CUVELLIER, Service de neuropédiatrie, Département de pédiatrie, Faculté de médecine de Lille, hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille

La classification internationale des céphalées de l’International Headache Society (ICHD-3) compte environ 200 diagnostics répartis en 14 groupes au sein de 3 parties (tableau 1). La migraine constitue le premier groupe. Si l’ICHD-3 recense 27 sous-types de migraine, on peut se contenter en pratique quotidienne d’une classification simplifiée, qui comprend les différentes variétés de migraine épisodique (sans [MO] ou avec aura [MA], typique ou atypique), la migraine chronique et des entités plus inhabituelles (syndromes périodiques susceptibles d’être associés à la migraine [SPSAM], état de mal migraineux, migraine vestibulaire, etc.), reconnues par l’ICHD-3, mais aussi d’autres qui ne le sont pas (tableau 2).

  Caractéristiques Première et fondamentale caractéristique commune à toutes ces entités (à l’exception de la mi graine chronique), les migraines se manifestent par des crises. La céphalée de l’enfant se distingue de celle de l’adulte par une localisation plus souvent frontale que temporale, une durée moindre, tandis que photo- et phonophobie sont à déduire du comportement. Les critères de l’ICHD-3 de MO n’ont retenu que la différence de du rée et n’ont en conséquence modifié que l’item B correspondant (tableau 3). Les signes cliniques non retenus par l’ICHD-3 (abattement, immobilité, désir d’être au calme, irritabilité, pâleur, etc.) prennent tout leur sens dans les situations où l’ICHD-3 ne permet pas de trancher entre mi graine et céphalées de type tension (CTT). Les critères ICHD-3 des autres sous-types de migraine ne diffèrent pas de ceux de l’adulte (tableaux 4 à 10). La migraine avec aura la plus fréquente La MA typique la plus fréquente est la migraine avec aura visuelle, de diagnostic facile si l’on considère que les diagnostics différentiels, c’est-à-dire les situations cliniques où sont associés des troubles visuels transitoires et des céphalées, de survenue épisodique, sont peu nombreuses (tableau 4). La MA du tronc cérébral ne pose pas de problème dès lors qu’on connaît son expression sémiologique (tableau 5). En pratique, la plupart des médecins évoquent pourtant nombre de diagnostics alternatifs, multipliant les examens paracliniques, plutôt que d’évoquer cette hypothèse ! Dès lors que les signes de l’aura comprennent une faiblesse motrice, il faut évoquer la possibilité d’une migraine hémiplégique (MH) (tableau 6). On distingue deux sous-types de migraine hémiplégique selon qu’il existe (MH familiale) ou non (MH sporadique) un sujet apparenté au premier ou au second degré atteint de migraine hémiplégique dans l’arbre généalogique. Le diagnostic de migraine chronique repose en pratique sur une transformation, c’est-à-dire le passage progressif d’une migraine épisodique (MO ou MA) à des céphalées chroniques quotidiennes (céphalées survenant au moins 15 jours par mois pendant plus de 3 mois consécutifs), même si les critères de l’ICHD-3 se focalisent exclusivement sur la situation résultante (15 jours de céphalées mensuels dont 8 ayant gardé des caractéristiques migraineuses, depuis 3 mois consécutifs) (tableau 7). Les SPSAM se manifestent par des crises centrées sur un symptôme principal (celui qui leur donne leur nom), la tranche d’âge de survenue et la durée de la crise constituant les deux autres éléments d’orientation diagnostique (tableau 8). Les SPSAM sont à connaître car ils ne sont pas rares, en particulier le syndrome des vomissements cycliques (sa prévalence est de 2 %, tableau 9), source d’une morbidité significative et accessible à un traitement. La migraine représente la première cause de vertiges chez l’enfant (> 50 % des cas). Il est utile de se souvenir de ce point en présence d’un patient ayant à la fois des céphalées et des vertiges, et de chercher s’il ne vérifie pas les critères diagnostiques de migraine vestibulaire, nouvelle venue apparue dans l’ICHD-3 (tableau 10). L’individualisation de la migraine confusionnelle n’est pas justifiée pour l’ICHD-3 qui la considère comme une variété de migraine hémiplégique. Le diagnostic est facile si on la connaît, mais source d’errance diagnostique dans le cas contraire. L’accès associe confusion, désorientation temporelle et/ou spatiale, persévérations, paraphasies phonémiques et/ou sémantiques et agitation, les céphalées étant souvent au second plan. Un traumatisme crânien mineur, comme une tête au football, est un facteur déclenchant classique. L’EEG fait pendant l’accès montre des anomalies lentes bilatérales diffuses. Migraine… ou pas ? Peu de diagnostics différentiels posent en réalité problème (tableau 14). Je crois plutôt qu’une certaine routine conduit certains médecins à évoquer de façon plus ou moins pavlovienne le mot de migraine face à toute céphalée ! Migraine sans aura En pratique, trois situations nécessitent un peu de soin. • Céphalées de type tension (CTT) La non-vérification d’un des items pour les diagnostics de migraine évoqués plus haut (MO, 1.1 et MA, 1.2) conduit à retenir les diagnostics respectifs de migraine sans et avec aura probable (1.5.1 et 1.5.2). Le même principe conduit à distinguer les CTT et les CTT probables. Le tableau donne à titre d’exemple les critères diagnostiques de CTT épisodiques non fréquentes (tableau 11). Certains patients se situent à la croisée des chemins vérifiant, par exemple, de façon simultanée les critères de MO probable et de CTT épisodiques non fréquentes ou fréquentes probables. En pareil cas, l’analyse de la symptomatologie clinique et notamment des signes cliniques non retenus dans les critères de l’ICHD-3 (abattement, immobilité, etc. ; cf. supra) permet habituellement de trancher. • Céphalées quotidiennes nouvelles persistantes (CQNP) Les CQNP se manifestent non rare ment par des symptômes réminiscents de la migraine : pulsatilité de la céphalée, photo- et/ou phonophobie, etc. C’est le profil temporel de la céphalée qui assure le diagnostic : céphalée apparue en moins de 24 heures, qui persiste sans rémission (tableau 12). La survenue récente d’une infection à Epstein-Barr virus, d’un traumatisme crânien bénin, d’une intervention chirurgicale sont des éléments d’appoint. • Neuropathie récurrente douloureuse avec ophtalmoplégie Ici, ce sont les médecins euxmêmes qui se sont compliqués la tâche, puisque la neuropathie récurrente douloureuse avec ophtalmoplégie (ICHD-3 13.9 ; tableau 13) était jusqu’à récemment connue sous l’appellation de migraine ophtalmoplégique ! Certes, la céphalée peut être pulsatile et accompagnée d’une photo- et/ou d’une phonophobie. Connaître cette entité a deux implications : l’IRM cérébrale avec coupes fines peut mettre en évidence un épaississement et/ou un réhaussement par le gadolinium d’un ou plusieurs nerfs oculomoteurs ; le traitement repose sur les bolus de solumédrol. Migraine avec aura typique Le principal diagnostic différentiel de la MA visuelle est représenté par l’épilepsie à paroxysmes occipitaux de type Gastaut. La sémiologie visuelle de la crise occipitale se distingue par 3 points : formes colorées de couleur vive, arrondies et mobiles. Chronologiquement, la temporalité est nettement plus brève. Les perturbations visuelles transitoires (Transient Visual Disturbances) de signification encore peu claire, et dont la filiation à la migraine est discutée, se distinguent des auras visuelles non suivies de céphalée par une durée nettement plus courte. Migraine avec aura atypique et migraine confusionnelle La liste des diagnostics différentiels est longue (encéphalite, AVC, intoxication, épilepsie, etc.) en faisant des diagnostics d’exclusion. Syndromes périodiques susceptibles d’être associés à la migraine La complexité de la démarche diagnostique devant un syndrome de vomissements cycliques dépasse le cadre de cet article et nous renvoyons le lecteur aux recommandations de la Société nordaméricaine de gastroentérologie pédiatrique. Les autres SPSAM sont aussi des diagnostics d’exclusion. En conclusion La démarche diagnostique pose peu de difficulté, sous réserve d’un minimum de méthodologie dans l’interrogatoire (modalités de début et profil temporel des céphalées, 6 paramètres les caractérisant : localisation, typologie, intensité, durée, fréquence, signes associés), de la connaissance des entités évoquées dans cet article et du recours à l’ICHD-3.

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