Publié le 07 sep 2015Lecture 8 min
Prévention de la mort inattendue du nourrisson : on doit encore progresser !
E. BRIAND-HUCHET, Centre de référence MIN, service de pédiatrie et réanimation néonatales, hôpital Antoine Béclère, Clamart
Des progrès sont encore possibles dans cette prévention essentielle pour les premiers mois de l’enfant, même s’il reste toujours difficile de chiffrer le nombre exact de morts inattendues du nourrisson dans notre pays.
L’expression « mort inattendue du nourrisson » ou « MIN », désormais utilisée pour parler de tout décès brutal d’un nourrisson de moins de 2 ans que rien ne laissait présager, désigne chacun de ces événements dramatiques, soudains, particulièrement douloureux et culpabilisants pour les parents et l’entourage de l’enfant. Les MIN regroupent ainsi différentes situations qui sont distinguées à l’issue du bilan post mortem complet, recommandé par la HAS, à réaliser en milieu hospitalier pédiatrique (circonstances précises, examen clinique, biologie, bactério-virologie, radiologie et autopsie médico-scientifique). Il peut en effet s’agir d’une mort explicable (souvent) par une pathologie identifiable, par un accident de couchage ou autre, parfois par des violences, ou d’une mort « subite » du nourrisson (plus rare) restant par définition inexplicable. Pour chaque enfant, le diagnostic de cet événement souvent multifactoriel repose sur une combinaison diverse de différents éléments : facteurs de maturation du contrôle cardio-respiratoire et du sommeil, facteurs de gravité de diverses pathologies et facteurs liés à l’environnement : couchage, tabac, température ambiante, conditions sociales. Une des difficultés est de savoir sur quels critères qualifier avec pertinence un élément contextuel de cause ou de simple facteur de risque. Les MIN en chiffres Les chiffres actuels issues de la statistique officielle des causes de décès, alimentée par la partie médicale des certificats de décès (remplie avant le bilan) et classée par le Cépidc de l’Inserm, sont en 2011 de 189 cas de « MSN » (mort subite du nourrisson) entre 0-1 an. On sait que certains décès « MIN » se retrouvent éparpillés dans d’autres rubriques, sans toutefois en être la seule composante, comme par exemple les « autres » accidents (42 en 2011), les « causes inconnues ou non précisées » (223 en 2011). Quant aux décès de la seconde année de vie, certes en nombre moindre qu’avant un an, mais pas négligeable, ils ne peuvent pas être individualisés par cette source d’informations. Un autre abord est celui de l’expérience des Centres de référence MIN, qui doivent, depuis les recommandations HAS, être sollicités pour tout cas de MIN de moins de 2 ans. Après la publication de ce protocole de prise en charge, une enquête de l’Institut de veille sanitaire menée en 20072009 sur 17 départements, a objectivé un taux de 0,29 pour 1 000 naissances vivantes, supérieur à celui de l’Inserm, et plus mauvais que la moyenne européenne. Rapporté à la France entière, le nombre estimé était d’environ 500 décès/an, dont 100 à 150 auraient pu être évités. La récente Association nationale des centres de référence MIN (ANCReMIN) met en place actuellement un Observatoire national des MIN avec l’objectif de préciser les chiffres réels, d’analyser les circonstances et les causes des décès, et d’orienter la prévention de manière plus pertinente. Couchage Le couchage en position ventrale et/ou une literie inadaptée sont encore trop fréquemment en cause. Depuis les campagnes initiées il y a 20 ans, le conseil « Je dors sur le dos » n’est pas toujours repris et surtout expliqué aux parents par les professionnels, en insistant sur son importance vitale. Les risques liés à la position ventrale, d’enfouissement, d’hyperthermie et de confinement sont pourtant prouvés depuis longtemps. Un matériel de couchage correct est important : lit rigide, matelas ferme de bonne dimension, turbulette de taille et épaisseur adaptées. Il faut éviter la présence de tout objet inutile et dangereux : couette, couverture, cale-bébé, oreiller, tour de lit, grosses peluches. Les gadgets vendus avec des arguments de confort ou de sécurité sont la plupart du temps coûteux, inutiles et faussement rassurants. La température ambiante doit être modérée (18-20°), en adaptant l’habillement s’il fait plus froid ou plus chaud. Passer sous silence ces conseils aux parents lors de la grossesse, du séjour en maternité ou lors des consultations des premiers mois du bébé, est lourd de conséquences. C’est laisser place à la confusion largement entretenue par les images publicitaires et médiatiques et les sites commerciaux, qui montrent encore des bébés dormant sur le ventre couchés dans des conditions tout aussi hasardeuses que dangereuses. Tabagisme passif Le petit nourrisson doit être protégé de tout tabagisme passif. Le facteur « tabac » est en passe de devenir le premier facteur de risque de MIN au plan statistique, car peu de progrès ont été enregistrés malgré les campagnes de prévention qui y ont fait allusion. Fumer pendant la grossesse réalise un tabagisme passif in utero, qui expose à un risque plus important de MIN. En effet, outre le risque connu d’hypotrophie fœtale elle-même facteur fragilisant, les dérivés nicotiniques sont directement toxiques sur la maturation du cerveau fœtal, altérant ses capacités ultérieures d’adaptation en cas d’hypoxie-hypercapnie. Après la naissance, nicotine et goudrons rendent les épithéliums respiratoires plus sensibles aux infections respiratoires sévères. Toute consultation médicale avant et durant la grossesse peut être l’occasion d’aborder et d’aider au sevrage tabagique. Sommeil partagé Le « sommeil partagé » reste actuellement un sujet polémique. Ce terme, comme celui de « cosleeping » recouvre en réalité différentes pratiques, avec un principe général de proximité entre parents et bébé. Le partage de la chambre est prouvé comme tout à fait bénéfique, on peut donc recommander de faire dormir le nouveau-né dans la chambre des parents si son propre lit peut y être installé. Le partage du lit parental ou « bedsharring » est dangereux, le risque étant confirmé par les métaanalyses. En effet, dans le lit de ses parents, même sur le dos, le bébé est exposé du fait de la proximité avec les adultes, des oreillers, des couettes ou couvertures, aux trois mécanismes incriminés pour la position ventrale, auquel se surajoute le risque d’écrasement thoracique. La compression du thorax du bébé par un parent endormi provoque une hémorragie pulmonaire rapidement massive et mortelle. Le risque est majoré avant 4 mois, et en cas d’alcoolisme, de toxicomanie, de tabagisme, d’obésité et/ou de fatigue importante. Or les conseils éventuellement donnés en maternité sont souvent abandonnés après quelques semaines, alors que le risque de MIN est maximum vers 3 mois. Cette pratique augmente également le nombre d’accidents. Dans un esprit de réserve sur les choix personnels des parents (cocooning, retour à la nature, faciliter l’allaitement, hypermaternage, etc.), certains professionnels n’interviennent pas, banalisent, voire encouragent le partage du lit, en occultant le risque d’une mort asphyxique, source d’une culpabilité terrible. Parfois, les parents prennent le bébé avec eux dans leur lit lorsqu’il est malade, pensant bien faire. Mais le risque est majoré en cas d’infection virale, où l’altération éventuelle de la régulation du système nerveux autonome peut induire une vulnérabilité à l’hypoxie-hypercapnie. Portage du nourrisson Cette pratique, qui a des avantages, se développe avec malheureusement des accidents asphyxiques dramatiques, en cours de recensement. Les ustensiles de portage sont divers, pas toujours adaptés à l’âge de l’enfant, et la position d’un tout-petit doit lui garantir en permanence la liberté des voies aériennes supérieures. Ainsi, les porte-bébés « hamac » sont à proscrire, car l’adulte ne voit pas si l’enfant a la tête en hyperflexion. Pour les porte-bébés ventraux et les écharpes en tissus plus ou moins épais et élastiques, il faut éviter tout confinement respiratoire : l’enfant ne doit pas enfouir son visage dans les vêtements de l’adulte, ni entre les seins de la maman. Il doit être porté assez haut, visage tourné et nez dégagé. Prudence également vis-à-vis du risque d’hyperthermie, fonction de l’habillement du bébé, du parent, du tissu de l’écharpe et de la température extérieure. Ces objets sont trop souvent vendus sans mise en garde, notamment sur internet. Une vidéo ne peut pas suffire à expliquer le portage en écharpe, et les « ateliers de formation » réalisés par des personnes n’ayant souvent que leur expérience personnelle enthousiaste ne sensibilisent pas suffisamment les parents. Conclusion Le rôle des pédiatres, des intervenants de PMI et de tous les professionnels de santé est primordial pour conseiller, expliquer ces conseils simples, afin de réduire au maximum le nombre de décès. L’objectif actuel est de préserver la vie de 100 à 150 bébés par an en France. Les pouvoirs publics français sont inexistants sur cette prévention depuis 16 ans, et donc en partie responsables de l’absence d’amélioration actuelle. Mais les pédiatres peuvent agir. Ces conseils sont actualisés par l’Académie américaine de pédiatrie. Des documents (dépliants, affiches, spots, etc.) sont diffusés par l’association Naître et vivre www.naitre-et-vivre.org et par l’ANCReMIN.on.
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