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Vaccinologie

Publié le 07 avr 2009Lecture 5 min

Vaccination contre la rougeole. Quels messages tirer des épidémies récentes en Suisse et en France ?

Michèle DEKER - Paris
Les données épidémiologiques récentes attestent que la rougeole est loin d’être éradiquée en Europe. Les taux d’incidence sont très variables selon les pays. En 2006-2007, 12 000 cas ont été déclarés, dont 85 % proviennent de 5 pays, dont la plupart à nos frontières (Allemagne, Royaume-Uni, Suisse, Italie et Roumanie).
Les épidémies récentes En Suisse Une épidémie de grande ampleur a débuté en Suisse en 2006, pour culminer en 2008, soit plus de 3 200 cas en 2 ans, avec une incidence très variable selon les cantons. La très forte incidence de la maladie dans les cantons alémaniques s’explique par l’insuffisance de la couverture vaccinale : elle est de 86 % à 2 ans, 89 % à 6 ans et 95 % à 16 ans pour les enfants ayant reçu au moins une dose, et de 75 % pour 2 doses. En Suisse, le virus a frappé essentiellement des sujets non vaccinés (plus de 93 % des cas) ou dont la vaccination est incomplète (sujets n’ayant reçu qu’une dose de vaccin). La fréquence des hospitalisations (243) et des complications (8 encéphalites, 2 mastoïdites) souligne la gravité de la maladie. En France La rougeole est redevenue une maladie à déclaration obligatoire depuis 2005, avec incitation à la confirmation biologique des cas. De 1985 à 2003, le nombre annuel de cas a été estimé passer de 300 000 à 10 000, puis à 4 500 en 2004. Les premières données de la déclaration obligatoire, publiées en décembre 2007, font état de 40 cas en 2006 et 44 en 2007. Une augmentation très importante du nombre de cas a été observée à partir du printemps 2008, avec une nette diminution des cas touchant des enfants de moins de 1 an et de 1 à 4 ans et davantage d’adolescents et d’adultes. Sur 430 cas déclarés au 30 novembre, 43 % ont été confirmés biologiquement. L’âge moyen des cas est de 13 ans (57 % ont plus de 10 ans). Le principal facteur retrouvé est l’absence de vaccination, dans 89 % des cas, ou une vaccination incomplète (9 % n’ont reçu qu’une dose). Seuls 2 % des cas étaient correctement vaccinés (2 doses). La maladie a nécessité une hospitalisation dans 20 % des cas, pour pneumonie dans un tiers des cas (60 % chez des adultes). Sur ce fond de rougeole permanent se sont greffés des foyers épidémiques. Deux épidémies par transmission nosocomiale sont survenues, l’une à Reims occasionnant 3 cas chez le personnel hospitalier et 3 chez des patients hospitalisés, l’autre dans le sud de la France avec 5 cas chez le personnel hospitalier.   Comparaison de la couverture vaccinale en Suisse et en France. Deux épidémies ont touché des écoles confessionnelles avec 110 cas (8 déclarés) et 57 cas secondaires dans les familles ; une autre épidémie en camp de vacances, faisant suite aux épidémies précédentes, a donné lieu à 18 cas chez les participants, avec un taux d’attaque de 92 % chez les nonvaccinés, et 40 cas dans les familles. Cette situation s’explique là encore par le taux de couverture vaccinale insuffisant, notamment pour la seconde dose. En effet, si la couverture vaccinale est satisfaisante pour la première dose à l’âge de 6 ans (93,1 %) et chez les enfants de 15-16 ans (93,9 %) elle reste insuffisante pour les enfants de 2 ans (87 %). Par ailleurs, la seconde dose est encore trop souvent oubliée : un tiers des enfants de 15-16 ans n’ont pas reçu la seconde dose de RRO (tableau). Quelles leçons tirer de ces épidémies ? On a pu penser jusqu’en 2007 que la rougeole était en voie de disparition. Toutefois, pendant cette « lune de miel », le nombre de sujets réceptifs à la maladie (ayant échappé à la vaccination ou ayant reçu une vaccination incomplète) s’est accru. Les situations en France et en Suisse sont aujourd’hui très proches, avec des niveaux de couverture vaccinale qui ne permettent pas aujourd’hui d’interrompre la circulation du virus, et donc l’élimination de ces maladies. La contagiosité de la rougeole est telle, que seul un niveau de couverture vaccinale d’au moins 95 % pour la première dose et d’au moins 80 % pour la seconde dose à l’âge de 2 ans permettrait d’éliminer de manière durable la rougeole en France. Aujourd’hui, les données de couverture vaccinale françaises nous montrent qu’un nombre non négligeable d’enfants n’ont reçu qu’une seule dose de vaccin RRO, et que nous sommes encore très loin des objectifs définis dans le plan d’élimination de la rougeole. Par ailleurs, l’âge de la maladie s’est déplacé vers des enfants plus âgés, des adolescents, voire des jeunes adultes, avec une augmentation du pourcentage de formes graves. Le profil des sujets non vaccinés a changé. Naguère étaient concernés, certaines régions typiquement sousvaccinantes (Sud), les adeptes des médecines parallèles. Aujourd’hui, on assiste à une montée du communautarisme qui explique les épidémies survenues dans ces milieux particuliers. Pour enrayer cette situation et parvenir aux objectifs du plan d’éradication de la rougeole, il est indispensable d’améliorer globalement la couverture vaccinale, et en particulier la seconde dose. La priorité est aussi au rattrapage, pour éviter la situation vécue en Suisse. Enfin, il faut également améliorer la couverture des personnels soignants. Une nouvelle semaine de la vaccination, qui aura lieu cette année du 20 au 26 avril, aura comme thème national la rougeole, ce qui offre un espoir d’améliorer la situation.  

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