Pneumologie
Publié le 15 déc 2008Lecture 9 min
Toux chronique de l’enfant : c’est la gorge ou les bronches, docteur ? Une question plus complexe qu’elle n’y paraît
E. BIDAT, Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt
Au terme d’un interrogatoire, d’un examen clinique, éventuellement complété par des examens complémentaires, il sera possible de répondre à la question que le médecin doit se poser chez un enfant qui présente une toux depuis plus de 4 semaines. En répondant à cette question, le praticien pourra prescrire un traitement adapté, car il n’existe pas de sirop pour la toux ! Cette question peut paraître triviale tant il est évident que chez un enfant qui présente une toux depuis plus de 4 semaines (définition de la toux chronique), il faut commencer par définir le niveau de cette toux, ORL ou broncho-pulmonaire. Ce n’est qu’une fois la topographie de la toux définie qu’on peut envisager de rechercher les étiologies. Les diagnostics topographique et étiologique aboutiront à un traitement adapté. Il n’existe malheureusement pas de traitement adapté à tous les types de toux !
Revue des étiologies Avant d’envisager une démarche diagnostique, il est nécessaire de passer en revue les différentes étiologies de toux chroniques de l’enfant, en insistant sur les plus fréquentes. Trois étiologies sont le plus souvent à l’origine des toux chroniques de l’enfant : • l’asthme qui peut ne se manifester que sous forme de toux (encadré 1) ; • les pathologies ORL répétées, en rapport avec les infections virales répétées, parfois aggravées par le tabagisme passif et un éventuel reflux gastrooesophagien ; • les infections des voies aériennes respiratoires supérieures et inférieures, le plus souvent d’origine virale. Dans notre expérience, nous constatons que les toux d’origine psychique, qui antérieurement représentaient une étiologie marginale, sont actuellement de plus en plus fréquentes. Bien évidemment il existe beaucoup d’autres causes de toux chroniques chez l’enfant (encadré 2), mais une démarche diagnostique simple permet de ne pas passer à côté de ces causes plus rares. ENCADRÉ 1. CARACTÉRISTIQUES DE LA TOUX DE L’ASTHMATIQUE. La toux de l’asthmatique est plus souvent : • nocturne (milieu de nuit) ; • sèche initialement puis devient grasse en fin d’épisode ; • déclenchée au jeu et à la colère ; • parfois accompagnée de sifflements à l’auscultation (mais périphériques, aux bases pulmonaires) ; • améliorée par les b2-adrénergiques; • associée à des réveils nocturnes et des absences d’école. ENCADRÉ 2. TOUX CHRONIQUES : PRINCIPALES ÉTIOLOGIES DE L’ENFANT ET L’ADOLESCENT. Causes les plus fréquentes • Asthme (pouvant ne se manifester que par une toux) • Pathologies ORL répétées (par infections, irritants comme le tabac, allergies, reflux gastro-oesophagien, etc.) • Infections virales récidivantes (hautes ou basses) Autres causes • Digestives : reflux gastro-oesophagien, trouble de la déglutition • Suppurations bronchiques : corps étranger bronchique méconnu, déficit immunitaire, dilatations des bronches, malformation congénitale (kyste bronchogénique, arc vasculaire, fistule oeso-trachéale, etc.), maladie ciliaire, mucoviscidose • Obstacles anatomiques : corps étranger bronchique, sténose trachéale ou bronchique, dyskinésie trachéobronchique (trachéobronchomalacie), tumeur médiastinale, trachéobronchique • Infection : coqueluche, Chlamydia, mycoplasme, tuberculose, séquelles de virose pulmonaire • Médicaments et polluants : prise de bêtabloquants, d’inhibiteurs de l’angiotensine, tabagisme passif ou actif • Psychique : syndrome d’hyperventilation, dyspnée fonctionnelle laryngée (dyskinésie laryngée) • Autres : alvéolite allergique extrinsèque, collagénose, hémosidérose pulmonaire, insuffisance cardiaque, poumon éosinophile dysplasie bronchopulmonaire La clinique oriente L’interrogatoire et l’examen clinique sont des éléments majeurs pour définir la topographie d’une toux chronique. Bien évidemment, des associations sont possibles : l’enfant peut avoir une rhinite allergique accompagnée de toux spasmodique. Signes cliniques La toux d’origine ORL est plus souvent : diurne (mais plus au coucher et au lever), grasse, avec hydrorrhée et/ou écoulement postérieur à l’examen ORL, parfois accompagnée de sifflements à l’auscultation (mais situés dans la partie supérieure du thorax), non améliorée par b2-adrénergiques ; elle entraîne peu de réveils la nuit. La toux d’origine bronchique, asthmatique, grande pourvoyeuse de toux chroniques chez l’enfant présente d’autres caractéristiques (encadré 1). L’interrogatoire Il faut être très prudent au cours de l’interrogatoire des parents, surtout chez le nourrisson, en prenant garde à ne pas induire les réponses. Dans les années 1990, chez les nourrissons qui présentaient des signes respiratoires répétés, les parents décrivaient volontiers un bruit respiratoire venant des voies aériennes supérieures et très peu rapportaient des sifflements. On note qu’à cette époque les opérations des végétations étaient très fréquentes et que peu de nourrissons recevaient des corticoïdes inhalés. Dans les années 2000, chez les nourrissons qui présentent des signes respiratoires répétés, les parents parlent avant tout de sifflements. En montrant à ces parents des vidéos de sifflements ou de pathologie ORL, bon nombre corrigent leur description initiale et parlent de bruit d’origine ORL et non de sifflements. On remarque qu’actuellement les opérations des végétations sont peu fréquentes et que beaucoup de nourrissons reçoivent des corticoïdes inhalés. Certains signes rapportés par les parents doivent être précisés. Une toux au coucher et au lever est souvent qualifiée de toux nocturne par les parents, alors qu’il s’agit d’une toux diurne, souvent d’origine ORL. Une gêne respiratoire avec toux lors d’un effort est parfois rapidement rattachée à un possible asthme induit par l’exercice, alors qu’il s’agit souvent d’un manque d’entraînement à l’effort ou d’une toux psychogène. C’est l’interrogatoire détaillé qui permet de différencier ces pathologies, les examens complémentaires confortant alors l’impression clinique. Certains éléments d’interrogatoire ou d’examen clinique orientent vers des étiologies précises (encadré 3). ENCADRÉ 3. ÉLÉMENTS À L’INTERROGATOIRE OU À L’EXAMEN QUI ORIENTENT VERS CERTAINES ÉTIOLOGIES Antécédents Personnels • Prématurité, ventilation assistée (dysplasie bronchopulmonaire) • Eczéma, allergie alimentaire (asthme, rhinite allergique) Familiaux • Asthme, eczéma, rhinite allergique chez les parents ou dans la fratrie (asthme, rhinite allergique) • Maladie respiratoire familiale (pathologie congénitale ou infectieuse) Signes • Épisodes de fièvre, crachats (infections répétées, suppuration bronchique) • Régurgitations, pyrosis (reflux gastro- oesophagien) • Selles nombreuses, pâteuses (mucoviscidose) • Signes à début brutal (corps étranger bronchique) • Toux lors du repas (fausses routes) • Anomalie de croissance (suppurations bronchiques) • Auscultation pulmonaire anormale (étiologie autre que les causes fréquentes!) • Hippocratisme digital (suppurations bronchiques, cause cardiaque) • Association à des signes laryngés (reflux gastro-oesophagien, laryngotrachéomalacie) • Absence de réponse aux traitements de l’asthme (pathologie autre que l’asthme!). Examens complémentaires parfois nécessaires Radiographie de thorax de face inspirée et expirée quel que soit l’âge En présence d’une toux chronique, qui ne semble pas d’origine ORL, ou qui n’est pas un asthme répondant bien au traitement, un seul examen est indispensable chez tous les enfants : la radiographie de thorax de face inspirée et expirée (en expiration pour rechercher un trappage, témoin d’un obstacle bronchique). EFR à partir de 4 ans Dès que l’enfant a plus de 4 ans, même s’il semble présenter une rhinite allergique isolée, il faut pratiquer des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR), par la mesure au minimum du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS). ENCADRÉ 4. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES SOUVENT NÉCESSAIRES. Radiographie de thorax inspirée expirée • Indispensable, sauf si cause ORL évidente ou asthme répondant bien au traitement • En cas d’anomalie poursuivre le bilan étiologique EFR • Faciles à réaliser dès l’âge de 4-5ans • Systématiques, au minimum mesure du VEMS ORL • Permet notamment de rechercher des signes indirects de RGO Enquête allergologique • Si toux spasmodique ou pathologie ORL répétée Autres examens complémentaires possibles, en fonction de la clinique et des premiers examens complémentaires • Fibroscopie bronchique • NFS, ferritine, immunoglobuline • Test de la sueur (n’est plus systématique depuis la mise en route du dépistage à la naissance) • pH-métrie • Examen cardiologique • Scanner thoracique Il existe en effet des obstructions bronchiques qui ne se manifestent pas par les signes habituels ; les ignorer peut conduire à des lésions bronchiques irréversibles. La mesure du VEMS est maintenant possible par la mise à disposition de petits appareils peu encombrants et peu coûteux. En cas d’anomalie de cette mesure, une EFR complète est indispensable. Le plus souvent, il faudra compléter par une enquête allergologique. Un examen ORL est aussi souvent utile. Les autres examens ne seront envisagés qu’en deuxième intention, ou si d’emblée il existe des éléments d’orientation (par exemple anomalie radiologique qui évoque une malformation) (encadrés 4 et 5). ENCADRÉ 5. DIFFÉRENTES ÉTAPES À SUIVRE CHEZ UN ENFANT QUI PRÉSENTE UNE TOUX « ASTHMATIQUE », UNE DES PREMIÈRES ÉTIOLOGIES DES TOUX CHRONIQUES. Étape 1 : reconnaître la toux « asthmatique » • Toux sèche nocturne avec toux à l’arrêt de l’effort • Amélioration par les b2-adrénergiques • Présence de sifflements non indispensable Étape 2 : dresser le bilan • Apprécier la sévérité : clinique, consommation de b2-adrénergiques, mesure de la respiration • Rechercher les facteurs étiologiques : interrogatoire et enquête allergologique • Rechercher une rhinite associée Étape 3 : traiter • Lors des accès : b2-adrénergiques inhalés à courte durée d’action 4 à 6 fois/jour • En dehors des accès : en fonction du bilan, contrôle de l’environnement, traitement de fond par anti-inflammatoires inhalés. Étape 4 : informer • Utiliser le traitement d’appoint dès les premiers signes de toux spasmodique et poursuivre quelques jours après la disparition des signes pour éviter une rechute précoce • Une évolution à bas bruit est possible, prévoir une consultation de suivi même s’il existe peu de signes
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