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Pédiatrie générale

Publié le 11 juin 2008Lecture 7 min

Prédire la taille d’un enfant. Le poids des mots, le choc des déceptions

M. COLLE, Bordeaux

Est-il vraiment réaliste de prédire la taille adulte d’un enfant ? Cela sert-il à quelque chose ? Comment cette annonce est-elle ressentie par l'enfant et par sa famille ? Et plus tard, lorsque la croissance est terminée, n'y a-t-il pas parfois quelques frustrations pour un enfant qui s'attendait à être nettement plus grand ? Les méthodes de prédiction de la taille finale dont on dispose aujourd'hui sont les mêmes qu’il y a 30 ans ; peut-on vraiment leur faire confiance ?

Au cours des consultations concernant la croissance d'un enfant, il est bien rare que les parents ne posent pas la question : quelle taille fera mon enfant à la fin de sa croissance ? C'est aussi une préoccupation récurrente des adolescents et, en particulier, de ces nombreux garçons qui présentent un retard pubertaire simple et qui s'inquiètent non seulement du décalage actuel de leur taille par rapport à leurs congénères, mais surtout de la taille adulte  qu'ils feront avec souvent l'angoisse de rester de petite taille. Il convient bien sûr avant tout de rappeler un certain nombre d’aphorismes qui n'ont strictement aucune espèce de base scientifique et qui sont pour la plupart du temps faux : « la taille adulte, c’est la taille à 2 ans multipliée par 2 » ; « les enfants sont obligatoirement plus grands que leurs parents » ; « quand une fille est réglée, elle ne peut plus grandir et : comment ? on ne grandit pas jusqu’à 20 ans ? ». De la même façon, il convient de rappeler que ce n'est pas parce qu'un enfant se situe aujourd'hui à – 1 déviation standard qu’il terminera sa croissance à – 1 déviation standard ; on peut bien sûr établir une correction en tenant compte de l'âge osseux, mais cette méthode de prédiction reste très aléatoire. Ne pas confondre taille-cible et taille prédite La stature des membres de la famille influence la taille et la croissance de l'enfant. On peut déterminer l'objectif de taille d'un enfant ou « taille-cible parentale », c'est-à-dire la taille moyenne la plus vraisemblable (d'après des lois purement statistiques) pour un enfant, compte-tenu de la taille de ses parents, par les équations suivantes : – taille-cible pour un garçon = (taille de la mère + taille du père + 13 cm) / 2 – taille-cible pour une fille  = (taille de la mère + taille du père – 13 cm) / 2 La taille-cible s’exprime en cm ou en DS. Une équation variante plus récente semble plus tenir compte de l’avance séculaire de la taille : – taille-cible pour un garçon = (taille de la mère + taille du père  + 9 cm) / 2 – taille-cible pour une fille    = (taille de la mère + taille du père – 3 cm) / 2 La taille-cible ainsi calculée est supérieure à la taille-cible classique de 0,5 DS. La taille-cible corrigée Si un enfant se situe à – 1,8 DS dans les courbes de référence alors que sa taille-cible parentale est de + 1 DS, cet enfant est à – 2,8 DS par rapport à sa taille-cible parentale. Sur un plan de conduite en pratique, il est vraisemblable que, bien que cet enfant présente une taille encore statistiquement dans la norme, son écart important par rapport à la taille de ses parents conduira à une exploration de sa croissance. Même s’il est dans la norme statistique, un enfant trop éloigné de la taille-cible parentale doit être exploré. La taille prédite Les méthodes de prédiction dont on dispose sont basées sur des études faites dans des populations d'enfants normaux où, par définition, les extrêmes sont peu représentés. Cela situe d'emblée les limites des tables de prédiction. Les méthodes les plus courantes sont celles de Bayley et Pinneau, de Tanner et coll. et de Roche-Wainer-Thissen(1). La précision de la prédiction augmente avec l'âge (elle est parfaite à la fin de la croissance !) D'une manière générale, la méthode de Tanner semble plus applicable à des enfants normaux, alors que la méthode de Bayley-Pinneau donne des résultats acceptables chez les enfants atteints d'un trouble de la croissance. Néanmoins, les résultats doivent être acceptés avec prudence, en particulier dans les cas pathologiques.    La méthode de Bayley et Pinneau (2) (voir tableau) permet de calculer la taille prédictive d'un enfant dans la mesure où il ne présente pas de grave anomalie de sa croissance.     La technique consiste à déterminer l'âge osseux avec la technique de Greulich et Pyle, à se placer à ce niveau sur la colonne de gauche (âge osseux), et à rechercher la valeur du facteur de calcul sur les colonnes de droite en fonction de deux éléments : –  le sexe de l'enfant ; – l'aspect avancé, normal ou retardé de l'âge osseux par rapport à l'âge chronologique. On obtient un facteur diviseur permettant de calculer la taille prédite de l’enfant. Par exemple : un garçon ayant un âge osseux de 10 ans 3/12 avec âge osseux < âge chronologique, donc facteur de calcul à 0,816 ; calcul de taille prédictive pour une taille mesurée à 133 cm : 133/0,816 = 163 cm.    La méthode de Roche-Wainer-Thyssen (1975) fait intervenir la taille mesurée en position couchée, le poids, l’âge osseux et la taille moyenne parentale.    La méthode de Tanner (1975) fait intervenir la taille, l’âge civil, l’âge osseux et la taille moyenne parentale(3). Les méthodes de prédiction ne sont valables que dans la mesure où l'enfant ne présente pas de pathologie de la croissance. La taille prédite à la puberté Au moment du début de la puberté, deux méthodes de prédiction fournissent des résultats intéressants :    La méthode de Tanaka fournit des équations de corré-lation multifactorielle entre la taille finale, la taille à 6 ans, la taille au début de la poussée pubertaire et l'âge au début de cette poussée pubertaire (4) : – taille finale (garçons) = (0,255 x taille à 6 ans) + (0,665 x taille au début de la poussée pubertaire) – (1,884 x âge chronologique au début de la poussée pubertaire) + 70,25 ; –  taille finale (filles) =  (0,316 x taille à 6 ans) + (0,446 x taille au début de la poussée pubertaire) – (1,188 x âge chronologique au début de la poussée pubertaire) + 74,71.    Une autre méthode dite ICPN (1993) fournit une autre  équation  de corrélation multifactorielle pour les garçons(5,6) : taille finale (garçons) = 25,69 + 0,68 x  taille au début de la poussée pubertaire - 1,94 x âge au début de la poussée pubertaire + 0,43 x taille père Le poids des mots Il convient de rappeler que les méthodes de prédiction de la taille adulte sont surtout valables pour des groupes de patients. Pour un enfant donné, le pronostic est utile, il est possible, mais il est à manier avec précaution. D'une manière générale, il convient de faire attention aux effets d’annonce qu’il faudra gérer ensuite. Il est souvent utile de rappeler les contraintes de la génétique et il ne faut pas faire croire que l’on est capable d’une prédiction précise « au cm près » : plutôt qu’annoncer précisément une taille, on peut parler de « chances » et de « risques ». Par exemple, en cas de retard de la croissance, on peut dire : « en l’absence de traitement, votre enfant risque de mesurer moins de 160 cm, avec un traitement, il a des chances de mesurer plus que 165 cm. » En cas de grande taille constitutionnelle : « sans traitement, votre fille a de sérieux risques de dépasser 180 cm, avec un traitement, elle augmentera ses chances de ne pas atteindre 180 cm. » La prédiction de taille finale est un art complexe et aléatoire. Il faut s’interdire d’y recourir avant l’âge de 6 ans et entourer la prédiction de recommandations quant à la prudence avec laquelle cette annonce doit être reçue. On peut cependant, dans la majorité des cas, faire une évaluation raisonnable, si possible a minima et annoncer par exemple : « tu ne devrais pas faire moins que … cm ». Il faut s’interdire de prédire la taille finale avant l’âge de 6 ans. Il convient enfin de rappeler que ces méthodes de prédiction ne sont valables que dans la mesure où l'enfant ne présente pas de pathologie de la croissance : avant d'établir une telle prédiction, il convient d'avoir éliminé chez un enfant de petite taille une origine accidentelle liée à une pathologie de la croissance.               

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