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Dermatologie

Publié le 25 sep 2014Lecture 5 min

Ulcère de Buruli au retour d’Afrique

L. MORARDET, E. MAHÉ, Service de dermatologie, Hôpital Victor Dupouy, Argenteuil
Fatoumata, 5 ans, se présente pour avis sur des ulcérations persistantes depuis plus d’un mois au niveau de la jambe droite. Ces lésions sont apparues pendant un séjour au Cameroun, où elle a séjourné 2 mois en été.
Observation Fatoumata n'a pas d'antécédents particuliers, ni personnels, ni familiaux. À l'examen clinique, il existe deux lésions, ulcérées et bourgeonnantes, mesurant 1 à 2 cm, malléolaire externe et prétibial (figures 1 et 2). Les berges de la plaie prétibiale sont décollées. La lésion est indolore, non prurigineuse. Il est, par ailleurs, noté un nodule « suspendu » de 1 cm de diamètre sur le tiers externe de la jambe. Le reste de l'examen clinique est sans particularités. Figure 1. Ulcération sur nodule rétromalléolaire droit. Figure 2. Ulcère suspendu, à fond propre, prétibial droit.    Diagnostic retenu Après avoir éliminé une pyodermite par une cure de 15 jours d’antibiotiques (amoxicilline-acide clavulanique), la première hypothèse évoquée devant cette lésion ulcérée aux bords décollés, localisée au membre inférieur, au retour d'Afrique est un ulcère de Buruli. La culture est négative mais la confrontation contexte épidémiologique-aspect clinique (ulcères + nodule sporotrichoïdes) nous permet de retenir ce diagnostic.   Évolution Devant l’absence de gravité clinique de la lésion, il a été décidé d'introduire un traitement par antibiotiques combinant rifampicine (10 mg/kg per os) et streptomycine (15 mg/kg en injection intramusculaire) pendant 8 semaines, associé à des soins locaux permettant une amélioration clinique et une guérison.   Commentaires L’ulcère de Buruli est une infection cutanée due à une mycobactérie, Mycobacterium ulcerans. Il s’agit de la mycobactériose la plus fréquemment rencontrée après la tuberculose et devant la lèpre dans une grande partie des pays d’Afrique intertropicale. L’ulcère de Buruli est observé surtout dans les régions tropicales à climat chaud et humide, notamment en Afrique et tout particulièrement en Afrique de l’Ouest où il sévit de manière endémique. Les foyers sont circonscrits géographiquement, presque toujours autour d'un écosystème aquatique : fleuve, lacs, zones marécageuses, etc. Mycobacterium ulcerans est une mycobactérie environnementale possédant une paroi riche en lipides, caractéristique des bacilles alcoolo-acido-résistants (BAAR). Le seul facteur de virulence de cette mycobactérie connu à ce jour est une exotoxine, la mycolactone, qui possède une activité cytotoxique responsable des destructions cellulaires et tissulaires. La transmission humaine est directe, transcutanée, à partir du réservoir hydrotellurique via des traumatismes cutanés ou des piqûres de punaises d’eau. Il touche préférentiellement les enfants à partir de 2 ans ; dans 50 % des cas, il s’agit d’enfants de moins de 15 ans. Les lésions touchent préférentiellement les membres inférieurs. La durée d’incubation est inconnue : quelques semaines à quelques mois. Il existe trois stades cliniques de l’ulcère de Buruli, dont deux étaient présents chez cette enfant : – le premier, le stade pré-ulcératif, qui se traduit le plus souvent par un nodule froid, visible en relief et non adhérent au plan profond ; – le deuxième, le stade ulcératif, qui correspond à une perte de substance dermo-hypodermique à fond nécrotique jaunâtre, à bords décollés avec un pourtour oedémateux et noirâtre ; – et enfin, le troisième, le stade de cicatrisation qui correspond à un tissu fibreux, scléreux pouvant entraîner des rétractions, des ankyloses ou un lymphoedème par striction cicatricielle. Plus rarement, il peut exister des ostéomyélites ou des atteintes multifocales. Pour confirmer le diagnostic (diagnostic de certitude), il est demandé de retrouver sur deux examens différents la présence de mycobactéries, soit par examen direct en zone périphérique nécrotique avec présence de BAAR positifs à la coloration de Ziehl-Nielsen, soit en culture sur milieu de Lowenstein-Jensen, soit sur examen anatomo-pathologique ou enfin avec une PCR. Sur le plan thérapeutique, il est recommandé un traitement antibiotique par rifampicine (10 mg/ kg per os) et spiramycine (15 mg/ kg en injection intramusculaire) pour une durée de 8 semaines avec une évaluation à 4 semaines (voire rifampicyne + clarythromycine…). Au traitement antibiotique s’associe des soins locaux, voire chirurgicaux en fonction de l’étendue des lésions pour permettre la détersion et éviter les séquelles. Enfin, lorsqu’il existe des complications fonctionnelles, on peut avoir recours à la kinésithérapie et à la chirurgie réparatrice. Figure 3. Pyodermite à streptocoque bêtahémolytique.  Figure 4. Leishmaniose au retour d’Algérie. Diagnostics différentiels Devant des ulcérations persistantes chez un enfant au retour d’Afrique peuvent se discuter, principalement : – la pyodermite (streptocoque bêtahémolytique) : plaie souvent recouverte d’une croûte laissant sourdre du pus quand elle est retirée. Ces ulcérations peuvent se chroniciser (figure 3) ; – la leishmaniose cutanée : ulcération unique le plus souvent au visage ou aux membres. La plaie est souvent croûteuse (figure 3) et non douloureuse. Il existe principalement deux formes : sèche avec bourrelet indolore, prurigineux ; et humide avec enduit purulent et lymphangite régionale ; – l’ulcère drépanocytaire est suspecté devant un contexte de drépanocytose. L’ulcère d’origine ischémique est très douloureux ; – l’ulcère phagédénique tropical (« bourrelet périphérique, taillé à pic sur le versant interne, en pente douce sur le versant externe, et parsemé de clapiers purulents ») ; – la tuberculose cutanée ulcérée (chercher d'autres signes de tuberculose maladie), l’histoplasmose africaine (ulcération gommeuse à fond granulomateux), la sporotrichose (ulcération précédée de gomme, pus chocolat, adénopathie satellite souvent multiple)… sont rares chez l’enfant.

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