Publié le 25 nov 2023Lecture 5 min
Éruptions et virus chez l’enfant : pas toujours simple
Catherine FABER, d’après la présentation de C. Bodemer, Paris
Les éruptions fébriles de l’enfant sont liées dans la majorité des cas à une infection, principalement virale. Ni la sémiologie de l’exanthème ni son évolution ne sont spécifiques d’un agent infectieux donné. Ces éléments ne permettent donc pas d’orienter vers une cause univoque.
Chez l’enfant présentant une éruption fébrile, on distingue schématiquement trois situations cliniques. Une éruption avec une évolution stéréotypée et un bon état général fait évoquer le diagnostic d’une maladie éruptive classique ou d’un « syndrome éruptif ». Les étiologies virales prédominent dans cette situation, de même que dans les éruptions non stéréotypées, mais avec un état général conservé. C’est uniquement lorsque l’éruption est d’emblée associée à un état général altéré que sera évoquée plus volontiers une infection bactérienne, ou maladie inflammatoire ou de système.
La notion d’exanthème scarlatiniforme, morbilliforme ou roséoliforme, qui était censée orienter vers une étiologie, est obsolète. Il n’y a en effet pas de relation univoque entre la sémiologie de l’exanthème lui-même et l’agent infectieux responsable. Les trois types d’exanthème peuvent s’observer aussi bien au cours d’infections virales ou bactériennes que de maladies auto-inflammatoires chroniques. On a également constaté que la sémiologie et l’évolution d’une éruption paravirale ne sont pas spécifiques d’un agent infectieux. D’autres éléments fournis par un interrogatoire et un examen clinique minutieux sont importants à prendre en compte si on veut appuyer le diagnostic de virose et avoir une orientation plus précise vers un groupe de virus donné.
Les syndromes paraviraux caractérisés
Il n’existe pas non plus de relation univoque entre un syndrome paraviral caractérisé et le virus responsable, tel que noté dans le syndrome de Gianotti-Crosti. Ce syndrome caractérisé de longue date peut être associé à divers agents viraux (VHB, EBV, HHV6, CMV, parvovirus B19…) ou apparaître après une vaccination.
Plusieurs virus ont aussi été incriminés dans la pseudoangiomatose éruptive(1) (échovirus, puis Coxsackie, adénovirus, CMV, EBV, etc.), une entité décrite sur tous les continents d’abord chez l’enfant. Elle se manifeste par une éruption de papules angiomateuses entourées d’un halo de vasoconstriction (inconstant) siégeant surtout sur le visage, dans un contexte de bon état général avec, parfois, une phase prodromique. Les lésions sont peu nombreuses. L’évolution est spontanément régressive, en général en 1 ou 2 semaines. Des cas familiaux et des petites épidémies ont été rapportés(2). Dans d’autres tableaux éruptifs, l’hypothèse virale est fortement suspectée, mais elle reste à confirmer. C’est le cas de l’exanthème unilatéral latérothoracique de l’enfant (Asymetric Periflexural Exanthem of Childhood [ULEC ou APEC])(3-5). L’éruption débute le plus souvent au niveau de la région axillaire et s’étend jusqu’à la racine de la cuisse et à la face interne du bras. Les lésions peuvent se bilatéraliser à 15 jours d’évolution et régressent complètement après 4 à 6 semaines. Cet exanthème d’évolution stéréotypée touche habituellement les jeunes enfants. La fréquence des infections des voies aériennes supérieures avant l’éruption et la possibilité de cas familiaux et d’épidémies suggèrent une étiologie virale. Au vu du caractère initialement localisé de l’éruption, de son extension centrifuge et de la présence d’adénopathies satellites (dans 70 % dans cas), on ne peut pas écarter l’hypothèse d’une maladie d’inoculation.
Compte tenu de l’absence de relation univoque entre un tableau éruptif et un virus donné, le bilan ne doit pas être systématique. Des examens complémentaires ne seront réalisés que s’il existe des signes cliniques de sévérité ou un terrain particulier (enfant immunodéprimé), ou si les sujets contacts sont à risque (femme enceinte).
De nouvelles éruptions
De nouvelles sémiologies avec des virus anciennement connus ont été rapportées. Dans les infections à entérovirus, on peut ainsi observer d’autres présentations cliniques que le classique syndrome pieds-mains-bouche. Par leur fréquence, elles sont appelées elles aussi à devenir classiques. Un nouvel exanthème paraviral a été récemment décrit chez l’enfant sous le nom d’hypomélanose éruptive(6,7). Cette entité se caractérise par l’apparition brutale, en 3 ou 4 jours, de petites macules hypopigmentées (3 à 8 mm), bien limitées, sans phase inflammatoire, non prurigineuses, ni squameuses. Plusieurs arguments sont en faveur d’une étiologie virale : la topographie des lésions (bras, jambes, extrémités), la présence fréquente d’adénopathies axillaires, la régression spontanée (en 3 semaines), les prodromes à type de coryza décrits un peu plus d’une semaine avant l’éruption et les cas familiaux rapportés. Cependant, comme dans l’APEC, aucun agent viral n’a été identifié à ce jour. De nouveaux virus responsables d’exanthème chez l’enfant sont également apparus comme le VIH et le SARS-CoV-2. Des éruptions à type d’exanthème viral figurent parmi les manifestations dermatologiques associées à la COVID-19 chez l’enfant(8).
Maladies chez l’enfant voyageur et à prévention vaccinale
Un exanthème morbilliforme fébrile au retour d’un voyage doit faire évoquer trois principaux diagnostics : le zika, la dengue et le chikungunya. Ces arboviroses transmises par les moustiques Aedes aegypti et Aedes albopictus (moustique-tigre) sont endémiques aux Caraïbes, en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Il faut toutefois savoir que leurs zones d’endémie se sont élargies, probablement sous l’effet des changements climatiques et environnementaux(9). Avec la progression du moustique-tigre en France métropolitaine, où il est présent depuis près de vingt ans, la vigilance s’impose.
En ce qui concerne les vaccinations, l’actualité récente est marquée par les conséquences de la crise sanitaire liée à l’épidémie de COVID-19, en particulier sur la prévention de la rougeole. Le recul des vaccinations pendant l’épidémie a entraîné une recrudescence des cas. Enfin, le cas rapporté d’une rougeole diagnostiquée pendant une épidémie d’arboviroses, initialement étiquetée dengue, montre qu’un virus peut en cacher un autre(10).
D’après la présentation de C. Bodemer, Paris.
Séminaire de dermatologie pédiatrique de l’hôpital Necker (SDPHN), juin 2023
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