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Pneumologie

Publié le 07 mai 2023Lecture 14 min

Actualités sur la climatothérapie d’altitude dans l’asthme de l’enfant

François LAVAUD, Service des maladies respiratoires et allergiques, CHU de Reims

Durant toute la dernière partie du XXe siècle, et devant la très nette augmentation des taux de morbidité et de mortalité par asthme, les asthmologues se sont interrogés sur les options thérapeutiques complémentaires au traitement de fond que l’on pouvait proposer aux asthmatiques mal équilibrés. À partir de faits observationnels complétés par des mesures objectives sur les conditions environnementales, on a ainsi proposé dans des indications bien précises des séjours climatiques en centres spécialisés, et ce, avec des résultats encourageants. L’avènement de nouvelles thérapeutiques, dont les corticoïdes inhalés, a drastiquement réduit les prescriptions de climatothérapie d’altitude qui conservent malgré tout un certain intérêt, comme le souligne une très récente prise de position par l’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique (EAACI), rapportée ci-après.

Historique Les bienfaits de la climatothérapie sont popularisés depuis le XIXe siècle, ce qui a engendré l’essor de nombreuses stations avec comme conséquence un formidable développement du tourisme, de l’hôtellerie et des emplois locaux. Il faut citer ici dans un domaine tout à fait différent la prise en charge des enfants tuberculeux en sanatoriums et préventoriums dans un but thérapeutique, mais aussi collectif visant à minimiser les risques de contagion pour les proches ou à les prévenir. La climatothérapie d’altitude dans l’asthme s’est développée à la suite d’observations cliniques parfois empiriques et anecdotiques. On cite notamment les travaux de Storm van Leeuwen. Ce dernier, à partir d’observations expérimentales et cliniques, rapporte l’identification des produits naturels provoquant des crises d’asthme et l’effet préventif de l’éviction des allergènes. L’une des observations les plus remarquables est l’amélioration spectaculaire d’un asthmatique dans un train qui le menait à Davos, station située dans les Alpes suisses à 1 500 mètres d’altitude. D’autres observations cliniques d’amélioration de l’asthme furent effectuées dans les stations d’altitude, principalement au-dessus de 1 500 mètres dans les Alpes (Briançon), dans plusieurs stations des Pyrénées (Font-Romeu, Cerdagne), et même dans des stations d’altitude plus basse comme Le Mont-Dore. Des constatations environnementales ont étayé ces données cliniques à la suite de la découverte dans les années 1960 du rôle des acariens de la poussière de maison comme principal allergène dans l’asthme de l’enfant et de l’adolescent. Plusieurs études bien documentées prouvèrent la raréfaction, voire la disparition des acariens Dermatophagoides pteronnyssinus dans la poussière des centres d’accueil d’enfants asthmatiques à moyenne altitude. Ces découvertes furent à l’origine d’un fort engouement pour la climatothérapie d’altitude pour les enfants asthmatiques mal équilibrés en plaine. Ils venaient de toutes les régions de France après demande d’entente préalable, et certains arrivaient même de l’étranger, en particulier du Royaume-Uni. Un grand nombre de maisons spécialisées se sont développées avec des équipements sophistiqués. C’est ainsi que le lycée climatique de Font-Romeu-Odeillo-Via a été associé à du matériel et un encadrement permettant la réadaptation à l’effort des adolescents asthmatiques et à un entraînement en altitude dont bénéficient encore les sportifs de haut niveau.   « La climatothérapie d’altitude : une réponse pour les enfants asthmatiques mal équilibrés en plaine »   Puis, au seuil des années 2000, la prise en charge de l’asthme a connu un réel bouleversement avec l’apparition de la corticothérapie inhalée en traitement de fond. Les consensus GINA régulièrement actualisés ont insisté sur le contrôle de l’asthme et les différentes armes thérapeutiques qu’il fallait utiliser pour y parvenir. De nouvelles molécules sont apparues, dont les plus récentes font partie des biomédicaments. En parallèle, on a mieux cerné les facteurs de non-contrôle et développé l’éducation thérapeutique et la réadaptation à l’effort. Pour le traitement de la crise d’asthme, on a réhabilité les bêta-2 mimétiques dont l’utilisation faisait peur dans les années 1960. Certes, même s’il existait toujours un pourcentage incompressible d’asthmes sévères et mal contrôlés, ces constatations ont mis en évidence la nécessité d’une prise en charge globale et multidisciplinaire des asthmes sévères dans des consultations/centres dédiés. De fait, les indications de séjour climatique d’altitude furent très largement revues à la baisse au point que les diverses maisons d’enfants qui lui étaient dédiées furent progressivement fermées ou se reconvertirent, sauf un petit nombre d’établissements situés dans les Alpes ou les Pyrénées.   Modifications observées en altitude Hypoxie hypobarique Elle augmente progressivement avec l’altitude, mais ses effets sont légers jusqu’à 1 500 mètres. Ils peuvent devenir perceptibles à partir de 1 800 mètres et affectent un pourcentage significatif des sujets au-dessus de 2 000 à 3 000 mètres. Cependant, on constate des susceptibilités individuelles avec des personnes plus sensibles à une réduction de la PO2 qui n’est pourtant que de15 à 20 % entre 1200 et 2 500 mètres. Le mal aigu des montagnes est la forme la plus fréquente des troubles liés à l’hypoxie hypobarique, mais c’est un risque peu probable chez l’enfant asthmatique du fait de la localisation des centres d’accueil en altitude modérée.   Action de l’altitude sur la physiologie pulmonaire et l’immunité L’altitude crée une baisse de la pression barométrique et de la pression inspiratoire. Ceci crée des réponses physiologiques et immunologiques adaptatives comme une hyperventilation et une augmentation du rythme cardiaque lors de la période d’acclimatation. À long terme, on constate une augmentation du taux d’hémoglobine, de la capacité oxydative mitochondriale et de la densité capillaire ce qui améliore les performances sportives. La réduction de la densité de l’air améliore la ventilation et réduit les résistances des voies aériennes, l’expiration est plus facile. Ces effets bénéfiques sont limités par le froid et la sécheresse de l’air en haute altitude qui peuvent provoquer un broncho-spasme en cas d’hyper-ventilation liée à l’effort.   L’adaptation des réponses immunitaires est objectivée par une augmentation du taux de leucocytes et une diminution des taux de lymphocytes CD 4, alors que les lymphocytes T cytotoxiques CD 8 demeurent inchangés. La diminution du taux de CD 4 est liée à une réduction des Th1. Les CD 4 et les CD 8 répondent plus rapidement après stimulation antigénique ou par mitogène. Les cellules B et les NK sont augmentés en haute altitude. Des phénomènes de migration cellulaire des Th2 vers la moelle osseuse sont observés chez l’animal.   Le facteur régulateur de l’hypoxie Il est le HIF-1α (hypoxia-inducible factor 1α ), exprimé dans de très nombreuses cellules, dont les éosinophiles, les cellules dendritiques, les macrophages, les neutrophiles, les lymphocytes T, B et NK, ainsi que les cellules épithéliales et endothéliales. Le HIF-1á promeut la transcription du FOXP3 et la génération de Tregs ce qui peut contribuer au contrôle des phénomènes inflammatoires. L’hypoxie altère également les capacités des cellules présentatrices de l’antigène à stimuler les lymphocytes.   Rôle des UV Les radiations UV augmentent de 10 à 12 % tous les 1000 mètres. L’irradiation cutanée par les UVA et les UVB stimule la synthèse de vitamine D, et une augmentation des taux de vitamine D est observée après un séjour de plusieurs semaines à moyenne altitude en saison printanière. Bien que controversé, il est possible que le déficit en vitamine D intervienne dans les phénomènes inflammatoires observés dans l’asthme. Cependant, aucune étude contrôlée ne supporte une amélioration de l’asthme de l’enfant en climatothérapie d’altitude via ce mécanisme.   Particularités environnementales Des travaux anciens rapportent une moindre abondance des acariens de la poussière de maison et de leurs allergènes lorsque l’altitude du logement s’élève, sauf en région tropicale. Les conditions climatiques ont été évoquées comme responsables, notamment une plus faible humidité de l’air ambiant et des températures plus basses. La croissance et la reproduction des acariens sont proportionnellement ralenties avec la baisse de la température. Cependant, des études plus récentes n’objectivent pas de différence dans les concentrations de Der p 1 selon l’altitude. Dans ces études, les concentrations restent basses et les auteurs incriminent l’habitat moderne qui est identique en plaine ou en montagne, moins favorable au développement des acariens. Les comptes polliniques sont plus faibles en altitude avec une saison pollinique plus courte et retardée, d’où une exposition allergénique plus faible. De même, malgré des variations importantes selon la localisation géographique en fonction de l’humidité relative et de la température, les spores fungiques sont moins abondantes à une altitude modérée. Globalement, la pollution atmosphérique est moindre dans les stations d’altitude avec cependant des exceptions saisonnières dues au tourisme, au chauffage et à la circulation automobile. Enfin, il semble que la composition du microbiome varie en altitude avec une plus grande diversité des espèces microbiennes, au moins au niveau cutané, par rapport à des prélèvements effectués au niveau de la mer.   Bénéfices apportés par la climatothérapie d’altitude chez l’enfant asthmatique Le « position paper » de l’EAACI synthétise les résultats observés sur le profil évolutif de l’asthme de l’enfant en prenant en compte les études effectuées lors du séjour en altitude, plus rarement après le retour en plaine. Il faut d’emblée remarquer que ce sont essentiellement des études observationnelles non randomisées et beaucoup sont déjà anciennes (années 1990 ou tout début 2000). Les effectifs restent faibles (parfois moins de 20 participants) et les biais n’ont pas toujours été validés. Comme le soulignent les experts, certains aspects n’ont pas été pris en compte, dont le nombre d’exacerbations et d’hospitalisations, la tolérance à l’effort et l’impact de la symptomatologie ORL.   Effet sur le contrôle de l’asthme et la qualité de vie La qualité de vie estimée par PAQLQ (Pediatric Asthma Quality Of Life Questionnaire) s’améliore significativement dans 2 études après 10 semaines de séjour et persiste jusqu’à 6 semaines après retour en plaine. Cette amélioration est associée à une réduction de la prise des corticoïdes inhalés.   Effet sur le NO exhalé Le FeNO est significativement diminué après 2 semaines de séjour en moyenne altitude, plus précocement que l’amélioration de la fonction respiratoire.   Effet sur la prise de corticoïdes oraux Ceci n’a été évoqué que dans 2 études ne portant pas directement sur ce paramètre et il est noté que 3 enfants purent arrêter la prise de corticoïdes oraux après 10 semaines de séjour.   « L’inflammation de type 2, médiée par les éosinophiles et les Th2, est réduite à une altitude modérée chez les patients souffrant d’asthme allergique. »     Effet sur la fonction respiratoire Une métaanalyse portant sur 3 études randomisées, 2 essais cliniques contrôlés et 15 études ouvertes ont conclu qu’il n’y avait pas d’amélioration significative sur le VEMS et la PD 20 avant et après le séjour en climatothérapie d’altitude. Malgré tout, une tendance à l’amélioration était observée. D’autres études ont constaté une amélioration du VEMS et des débits médians après une durée de séjour de 2 à 4 semaines avec majoration du VEMS post-effort, et chez des enfants victimes d’un asthme léger à modéré, on a noté une amélioration des débits distaux et du débit de pointe. Cependant, dans une autre étude, l’amélioration observée disparaissait 2 mois après le retour en plaine. De même, le volume résiduel était diminué lors d’un séjour de 3 mois en centre climatique, mais réaugmentait après 3 semaines de retour au domicile.   Effet sur l’hyperréactivité bronchique Plusieurs publications ont montré une réduction de l’hyperréactivité bronchique (HRB) non spécifique par tests à la méthacholine ou après challenge allergénique. Cette amélioration peut être significative et apparaît aussi après effort, mais là aussi elle disparaît au bout de 3 mois de retour en plaine. D’autres études n’ont pas objectivé d’amélioration de l’HRB lors de la provocation à la méthacholine, mais ont constaté une amélioration de la PD 20 après exposition à l’AMP et une amélioration de la fonction respiratoire à l’effort.   Effets immunologiques L’activation des éosinophiles est réduite après un séjour en centre climatique d’altitude comme le montre la diminution de l’ECP (eosinophil cationic protein) et des taux sériques et urinaires de l’PX (eosinophil protein X), mais revient au niveau antérieur lors du retour au domicile. Le taux de cysleucotriènes, de 8-isoprostane et de nitrites diminue dans l’expectoration induite et les condensats d’air exhalé. Le pourcentage de Tregs CRTH2+ diminue dans tous les phénotypes d’asthme, mais pas chez les sujets témoins. De pair, les taux d’IL-13 sériques sont réduits après un séjour de 3 semaines en climatothérapie d’altitude, aussi bien chez les adultes que chez les enfants. Chez l’enfant, on a observé également une diminution des taux d’IL-10 dans le sérum. Ces faits suggèrent que l’inflammation de type 2, médiée par les éosinophiles et les Th2, est réduite à une altitude modérée chez les patients souffrant d’asthme allergique. De plus, l’altitude restaure les phénotypes suppresseurs et régulateurs des Tregs. La moindre exposition aux allergènes en est peut-être la cause et ceci se traduit par une diminution des taux d’IgE totales et des taux d’IgE spécifiques.   Prise en charge globale et multidisciplinaire Plus qu’un « traitement naturel ciblant les voies biologiques », un des apports les plus importants de la climatothérapie d’altitude repose sur un encadrement expérimenté et compétent des enfants asthmatiques, dont l’état est pris dans sa globalité. Lors de ces séjours qui sont habituellement longs, de l’ordre de plusieurs mois, la place des facteurs de non-contrôle, le phénotype de l’asthme, la rééducation à l’effort, les répercussions psychologiques et l’éducation thérapeutique sur la prise en charge sont clairement analysés de manière multidisciplinaire. Les experts signalent que la plupart des maisons d’enfants et d’adolescents spécialisées dans la climatothérapie d’altitude suivent des programmes combinant les caractères physiques de l’environnement d’altitude avec l’éviction des facteurs déstabilisants comme l’exposition aux allergènes, aux polluants et aux stress. Le pro- gramme de prise en charge de l’asthme est personnalisé avec des plans d’action, une éducation thérapeutique et une rééducation à l’effort adaptées à l’âge et associés à un suivi psychologique. Ces plans d’action sont adaptés également pour le retour au domicile. Le séjour permet également d’optimiser le traitement médicamenteux et de vérifier que la prise des formes inhalées est correcte. La gestion des stress est globalement assurée lors des modifications de l’environnement domestique et scolaire. Cependant, il convient aussi de préciser et de gérer les effets de la séparation parentale et du milieu habituel, les experts reconnaissant que les cures climatiques d’altitude ne sont pas applicables à tous les enfants asthmatiques même si les indications respiratoires sont remplies.   Quels patients peuvent bénéficier de la climatothérapie d’altitude  en 2023 ? Sur un plan clinique, les indications de la cure climatique en altitude concernent les patients présentant un asthme sévère non contrôlé malgré l’optimisation des mesures thérapeutiques proposées par les consensus. Il s’agit donc d’une option thérapeutique de dernière ligne chez des patients non répondeurs au traitement, avec qualité de vie très altérée, corticodépendants, avec exacerbations et/ou hospitalisations fréquentes, présentant une fonction respiratoire très altérée, des symptômes ORL invalidants, et une mauvaise tolérance à l’effort. Les durées de séjour, traditionnellement longues et de plusieurs mois, sont revues à la baisse dans des publications récentes où l’amélioration de la fonction respiratoire apparaît dès les premiers jours de séjour. On peut ainsi proposer des séjours courts, voire répétés, durant les congés scolaires notamment, et même si la durée optimale de séjour n’a pas été l’objet d’études et de recommandations dédiées. A priori, aucun élément ne permet de préciser si un phénotype d’asthme répond mieux à la cure d’altitude, que l’asthme corresponde à une inflammation dépendante d’un mécanisme immunitaire de type 2 ou soit non éosinophilique non allergique. Chez l’enfant, il faut bien mesurer les conséquences d’une séparation prolongée du milieu familial. Parfois, les conditions environnementales justifient le séjour, tenant compte de logements insalubres, de conditions de vie difficiles, d’une qualité de vie très altérée, d’un déni de la maladie par les parents ou de souffrances psychologiques. Il a été également montré que le contact avec des adolescents du même âge souffrant de la même pathologie contribuait à mieux la prendre en charge et à la surmonter. Cependant, même si l’enfant asthmatique va bénéficier du séjour en montagne, grande colonie de vacances médicalisée et cure de plein air à la mode il y a des décennies, comment va être le retour au domicile ? Si les consignes données en centre spécialisé ne sont pas respectées, si l’environnement domestique et familial reste inchangé, la maladie asthmatique va de nouveau être non contrôlée, et ce, d’autant plus s’il reste démontré que les bénéfices apportés par le séjour climatique d’altitude sur la fonction respiratoire et l’HRB disparaissent en quelques mois. D’autres paramètres importants comme le nombre d’exacerbations et les scores de contrôle n’ont été appréciés que chez l’adulte, où l’amélioration peut se poursuivre jusqu’à 1 an après le séjour climatique.   Conclusion Les indications de séjour climatique d’altitude chez l’enfant restent délicates à apprécier et restent marginales, mais ne doivent pas être rejetées. Il faut également en mesurer le coût pour la société et le comparer aux bénéfices apportés par d’autres programmes de prise en charge des asthmes sévères non contrôlés, en plaine et à proximité du domicile, notamment en centres dédiés. Enfin, même un faisceau d’arguments apportés par des études anciennes montre que la moyenne altitude est un environnement favorable au contrôle de l’asthme, il faut envisager des études randomisées de grande échelle et répondant à la médecine basée sur les preuves pour le conforter.    

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