Publié le 20 déc 2023Lecture 5 min
Modalités de réhydratation des gastro-entérites aiguës
Alexis RYBAK(1,2,3), Anaïs LEMOINE(4,5,6)*
La gastro-entérite aiguë (GEA) est une pathologie fréquente chez l’enfant avec une incidence de 0,5-2 cas/an/enfant de moins de 3 ans en Europe(1). Son principal risque est la déshydratation. Nous détaillerons dans cet article les modalités de réhydratation avec leurs indications, leurs bénéfices et leurs limites.
Solution de réhydratation orale (SRO) per os
Le SRO per os est la pierre angulaire du traitement et de la prévention de la déshydratation dans la GEA(2,3). Il est remboursé uniquement avant 5 ans en cas de diarrhée aiguë. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) plébiscite son usage quel que soit l’âge du patient (y compris chez les adultes)(3). Son utilisation systématique pourrait diminuer de 93 % la mortalité liée à une diarrhée aiguë(4).
Le taux d’échec du SRO per os est mal décrit en raison d’études utilisant son ancienne formulation, d’une hétérogénéité de la définition d’échec ou encore du mode variable d’administration(2). Néanmoins, il faut considérer qu’il est faible(5).
Malgré cela, il est sous-utilisé dans les pays à haut niveau de revenus. Ainsi, respectivement 70,5 % et 15,3 % de médecins exerçant aux urgences pédiatriques déclaraient le prescrire systématiquement ou presque systématiquement chez des enfants de moins de 2 ans avec une déshydratation légère et modérée(6).
Sa prescription doit être systématique (encadré 1) en insistant aussi sur les modalités de prescription (encadré 2). Un refus du SRO peut s’expliquer par la présence de nausées importantes, par un état neurologique rendant la prise orale impossible ou, au contraire, par une absence de déshydratation et donc de soif. Les autres signes de déshydratation, l’importance des pertes, ainsi que les prises alimentaires aident à faire la part des choses.
*Distension abdominale sévère, iléus, doute sur une cause chirurgicale, etc.
**Insuffisance rénale connue, suspicion de SHU, certaines maladies métaboliques.
PIV : perfusion intraveineuse ; SHU : syndrome hémolytique et urémique ; SNG : sonde nasogastrique ; SRO : soluté de réhydratation orale.
*En l’absence de contre-indication.
ESPGHAN : European Society for Paediatric Gastroenterology Hepatology and Nutrition ; GFHGNP : Groupe francophone d’hépatologiegastroentérologie
et nutrition pédiatrique ; PIV : perfusion intraveineuse ; SNG : sonde nasogastrique ; SRO : soluté de réhydratation orale.
SRO sur sonde nasogastrique (SNG)
Comparée à la perfusion intraveineuse (PIV), la réhydratation avec du SRO sur SNG permet de diminuer la durée d’hospitalisation et les coûts, avec un taux de reconsultation et une durée de vomissements similaires(5,7). De plus, elle permet d’éviter la pose de PIV douloureuse et parfois difficile chez l’enfant déshydraté(5,7). L’échec de cette méthode doit être considéré comme identique par rapport à la perfusion intraveineuse(7). Le principal risque est l’arrachement de la sonde.
Perfusion intraveineuse
L’ indication de la PIV en première intention est limitée (encadré 1). Des effets indésirables sont décrits chez 0-2 % des patients(7). Ils sont le plus souvent bénins mais des complications sévères ont été rapportées ( thrombose veineuse superficielle, bactériémie, thrombophlébite septique, etc.).
En France, 35 médecins sur 37 (95 %) déclaraient utiliser comme méthode de réhydratation la PIV en cas d’échec du SRO per os versus aucun (0/31) en Suisse, aux Pays-Bas et en Belgique dans un sondage de 2014(8). Dans une autre étude multicentrique, la prise en charge aux États-Unis (versus au Canada) était associée au recours à une PIV en analyse multivariée (odds ratio ajusté 6,8 ; intervalle de confiance à 95 % : 3,1-14,5), soulignant que le choix du médecin dépend beaucoup des habitudes de pratiques(9).
Les solutés prêts à l’emploi, bien que fréquemment utilisés, ne sont pas conformes aux recommandations européennes de 2014(2). Des recommandations plus récentes soulignent l’intérêt de solutés isotoniques (≥ 8 g/l de NaCl) comme « solution de maintenance », particulièrement dans les 24 premières heures de PIV, en prévention des hyponatrémies iatrogènes(10,11). La manipulation des solutés (en rajoutant du sel, par exemple) expose à un risque d’erreur de reconstitution et met en lumière la nécessité de solutés de perfusion plus adaptés.
Le cas du choc décompensé est décrit dans l’encadré 2.
Troubles ioniques
Les troubles ioniques sont rares. En dehors de l’hypernatrémie, leur prise en charge ne figure pas dans les recommandations et doit reposer sur des protocoles locaux(2). À noter que pour l’hypernatrémie, le SRO (per os ou sur SNG) est efficace et a moins d’effets secondaires que la réhydratation intraveineuse(2).
Ondansétron
De plus en plus d’études rapportent un bénéfice de l’ondansétron(9,12), qui est à discuter au cas par cas selon le Groupe francophone d’hépatologie-gastroentérologie et nutrition pédiatrique (GFHGNP) en cas de vomissement persistants malgré SRO per os(13). En cas de succès, il permettrait d’éviter une hospitalisation. La Société canadienne de pédiatrie détaille son utilisation(12) : une dose unique par voie orale aux urgences, à partir de 6 mois, en cas de GEA avec une déshydratation légère à modérée ou un échec du SRO per os. La dose proposée est de 2 mg entre 8 et 15 kg, 4 mg entre 15 à 30 kg et 8 mg au-delà de 30 kg avec un essai de réhydratation per os 15-30 minutes après. L’ondansétron est contre-indiqué en cas de risque d’allongement du QT. L’électrocardiogramme n’est pas recommandé de façon systématique(12).
Ce traitement n’est pas indiqué en ville et ne doit pas être reconduit à la sortie des urgences.
Conclusion
La réhydratation des GEA repose principalement sur le SRO per os (points essentiels dans l’encadré 3). Dans les rares cas d’échec, le SRO par SNG doit être privilégié par rapport à la PIV. La place de l’ondansétron reste à préciser mais son utilisation en dose unique aux urgences, pourrait éviter certaines hospitalisations.
* 1. Urgences pédiatriques, hôpital Trousseau (AP-HP), Sorbonne Université, Paris
2. ACTIV, Association clinique et thérapeutique infantile du Val-de-Marne, Créteil
3. ECEVE, Épidémiologie clinique et évaluation économique appliquées aux populations vulnérables, UMR S-1123, INSERM, Université Paris Cité
4. Service de nutrition et gastroentérologie pédiatriques, hôpital Trousseau (APHP), Sorbonne Université, Paris
5. UMR1319, Micalis Institute, INRAE, AgroParisTech, Université Paris-Saclay, Jouy-en-Josas
6. Paris Center for Microbiome Medicine (PaCeMM), FHU, Paris
Liens d’intérêt :
• Alexis Rybak déclare une rémunération pour une présentation par MSD Vaccins et un soutien logistique par Pfizer et AstraZeneca.
• Anaïs Lemoine déclare une rémunération par Sodilac, Soredab, Nutricia, Mead Johnson.
Les auteurs ne déclarent pas de lien d’intérêt en rapport avec cet article.
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