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ORL et Stomatologie

Publié le 01 nov 2015Lecture 9 min

Place de la ventilation non invasive dans les pathologies laryngées de l’enfant

B. FAUROUX*,**, N. LEBOULANGER***, *Unité de ventilation non invasive et du sommeil de l’enfant, hôpital universitaire Enfants-Malades, AP-HP, Paris ; **Inserm U955, Créteil ; ***Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital universitaire Enfants

Les pathologies laryngées de l’enfant sont fréquentes, surtout chez le jeune nourrisson. Ces pathologies peuvent bénéficier d’une pression positive continue (PPC) lorsqu’elles sont responsables d’une fermeture excessive des voies aériennes et compromettent les échanges gazeux après échec de toutes les autres thérapeutiques, en particulier chirurgicales(1,2). La PPC doit être discutée avant la trachéotomie.

La pression positive continue (PPC) consiste en la délivrance d’une pression positive continue par l’intermédiaire d’une interface non invasive (masque nasal, masque bucconasal ou embouts narinaires). Elle fait appel à des appareils simples, comparables à ceux utilisés pour l’adulte, qui délivrent une pression positive continue tout au long du cycle respiratoire. C’est l’interface qui représente la limite technique la plus importante de la PPC, surtout chez le nourrisson pour lequel il existe peu de matériels industriels adaptés. La PPC est utilisée préférentiellement pendant le sommeil, qui est la période du nycthémère pendant laquelle l’obstruction est la plus importante. Une étude du sommeil est ainsi nécessaire avant et après sa mise en route, suivie de contrôles réguliers, pour vérifier la normalisation des échanges gazeux et la qualité du sommeil sous PPC (figure 1). Enfin, la PPC doit être réalisée dans un centre pédiatrique spécialisé ayant une expertise spécifique dans ce domaine.   Figure 1. Enregistrement gazométrique nocturne chez un nourrisson ayant une paralysie laryngée bilatérale montrant des désaturations (SpO2 –) associées à une augmentation de la PCO2 transcutanée (PtcCO2 –) et de la fréquence cardiaque (–) survenant pendant les phases de sommeil paradoxal.   Quelles sont les pathologies laryngées qui peuvent bénéficier d’une PPC ? Les pathologies laryngées pouvant bénéficier d’un traitement par PPC sont les pathologies sévères, responsables d’une obstruction importante malgré les autres thérapeutiques médicales (traitement anti-reflux) et/ou chirurgicales, ou lorsque le traitement chirurgical n’est pas indiqué. De plus, l’obstruction ne doit pas être « fixée », la délivrance d’une PPC doit être capable de maintenir une ouverture minimale des voies aériennes, ne serait-ce que de quelques millimètres. En effet, les résistances des voies aériennes sont inversement proportionnelles à la puissance quatrième du rayon. Une augmentation très minime du calibre des voies aériennes est ainsi responsable d’une chute importante des résistances des voies aériennes. Les pathologies laryngées, qui peuvent éventuellement bénéficier d’une PPC, sont celles rencontrées préférentiellement chez le nourrisson. Elles comprennent le stridor laryngé congénital essentiel ou laryngomalacie, les paralysies et les sténoses laryngées, les lymphangiomes laryngées et, plus rarement, les kystes laryngés et juxta-laryngés. Depuis l’utilisation des bêtabloquants, la PPC est devenue exceptionnellement nécessaire dans les angiomes sous-glottiques.   En quoi consiste la PPC ? La PPC non invasive est une technique d’assistance respiratoire qui respecte les voies aériennes du patient, par opposition à l’intubation endotrachéale et à la trachéotomie. Elle consiste en la délivrance d’une PPC pendant toute la durée du cycle respiratoire par un masque nasal, bucco nasal ou par des embouts narinaires (figure 2). Les appareils de PPC fonctionnent avec un circuit à simple branche, l’épuration du gaz carbonique s’effectuant au cours de l’expiration par un système de fuite calibrée, intégré soit dans l’interface, soit dans le circuit du ventilateur. De nombreux appareils – petits, légers et peu onéreux – sont disponibles pour le domicile. Ces appareils n’ont pas de batterie et des alarmes limitées, mais comme il ne s’agit pas en général d’une « ventilation de survie », ces options ne sont pas indispensables. La ventilation à deux niveaux de pression (bilevel positive airway pressure [BiPAP]) consiste en la délivrance d’une pression plus importante à l’inspiration. Le bénéfice de cette ventilation à deux niveaux de pression par rapport à la PPC n’a pas été démontré en termes d’efficacité ou de confort chez les enfants. Figure 2. Garçon de  8 ans avec une paralysie laryngée congénitale qui a une trachéotomie depuis l'âge de 1 mois. La décanulation a été possible grâce à la PPC avec un masque nasal.   De plus, la délivrance de cette pression plus importante à l’inspiration sous-entend que le ventilateur détecte l’appel inspiratoire du patient, ce qui peut être très difficile chez le jeune enfant en raison des très petits débits et volumes mis en jeu, que la machine ne peut détecter(2). L’air délivré par l’appareil de PPC est humidifié et réchauffé par les fosses nasales, mais chez les plus jeunes enfants l’adjonction d’un humidificateur chauffant peut améliorer la tolérance et le confort de la PPC, surtout lors d’un usage prolongé pendant la nuit et la sieste. Le choix de l’interface est fonction de l’âge, de la morphologie faciale, et du confort et de la tolérance du patient(3).   Quand faut-il débuter une PPC ? Il n’existe pas de critères validés pour débuter une PPC chez l’enfant présentant une pathologie laryngée. L’indication d’une PPC est généralement posée devant : – la présence d’apnées et/ou d’hypopnées obstructives du sommeil sur la polysomnographie (PSG) ; – des anomalies gazométriques nocturnes avec une hypoxémie, une hypercapnie nocturne (figure 1) et des signes cliniques témoignant d’une obstruction importante des voies aériennes supérieuresavec un stridor persistant important; – des apnées constatées par l’entourage, un sommeil agité de mauvaise qualité avec des réveils fréquents, une fatigue au réveil et pendant la journée ainsi que, chez l’enfant plus grand, une énurésie, une irritabilité et des difficultés de concentration et de mémoire. Chez le jeune nourrisson, le signe principal est une difficulté à la prise des biberons, une mauvaise prise de poids ou une stagnation pondérale.   Comment mettre en route et régler une PPC ? Dans le cadre d’une obstruction laryngée, le but de la PPC est de maintenir une ouverture suffisante des voies aériennes tout au long du cycle respiratoire pour normaliser les échanges gazeux et la qualité du sommeil. Le niveau de PPC doit donc être adapté individuellement au degré d’obstruction laryngée du patient. Nous avons démontré récemment qu'un réglage cli- nique, basé sur la disparition du stridor et des signes de lutte, et la normalisation des échanges gazeux nocturnes, sous-estimait d’environ 2 cm H2O le niveau optimal de la PPC, c’est-à-dire celui capable de normaliser ou d’améliorer au mieux l’augmentation du travail respiratoire(4). En pratique, il est donc important de régler la PPC au niveau maximal toléré par l’enfant. Le choix de l’interface représente la limite technique la plus importante de la ventilation non invasive (VNI) chez le petit enfant(3). Alors que de nombreux masques nasaux et faciaux sont conçus pour le grand enfant, très peu de masques industriels sont conçus pour le jeune enfant et le nourrisson. Pour les plus jeunes nourrissons, il est nécessaire de fabriquer des masques sur mesure, ce qui ne peut se faire que dans des centres spécialisés (figure 3). Les embouts narinaires sont des interfaces très intéressantes pour les enfants qui ne supportent pas un masque nasal ou nasobuccal, ventalition non invasive ou qui présentent une déformation faciale.   Figure 3. Nourrisson avec une laryngomalacie sévère ventilé avec un masque moulé.   La PPC de l’enfant doit être réalisée dans un centre multidisciplinaire spécialisé ayant une expertise spécifique afin d’assurer en quelques jours l’éducation des parents et de l’enfant, et même des plus jeunes. La PPC est débutée pendant la journée, de préférence pendant la sieste, puis pendant le sommeil la nuit. L’adaptation à la PPC se fait en général en 2 à 15 jours, avec une moyenne de 3 à 5 jours selon l’âge de l’enfant et son acceptation. Une utilisation minimale continue de 6 heures est requise pour un retour à domicile. Des enregistrements de sommeil sont réalisés au cours de l’adaptation initiale, et une normalisation complète de la gazométrie et de la qualité du sommeil est impérative avant la sortie. La surveillance à domicile est réalisée par le prestataire à domicile, dont le technicien et/ou l’infirmière doivent être formés à la pédiatrie.   Comment surveiller une PPC chez l’enfant ? Les objectifs de la surveillance sont le contrôle de l’efficacité et de la bonne tolérance de la PPC. Les complications de la PPC chez l’enfant sont rares et peu sévères. Les principaux incidents sont d’ordre technique : désadaptation ou malposition du circuit, dysfonctionnement du ventilateur, interface défectueuse. Ces incidents sont rares avec un équipement de PPC. Elles sont surtout liées à l’interface et correspondents à des lésions cutanées et des déformations faciales(5). Les complications cutanées sont prévenues ou traitées par un changement régulier d’interface et/ou l’utilisation d’un masque moulé, dont la tolérance doit être régulièrement vérifiée. Les masques sur mesure entraînent moins de complications cutanées que les interfaces industrielles. Les déformations faciales à type d’aplatissement facial ou de rétromaxillie sont plus difficiles à prévenir ou traiter, mais la PPC n’est souvent qu’un traitement transitoire dans les pathologies obstructives des voies aériennes supérieures, les patients pouvant le plus souvent être sevrés au bout de quelques mois ou quelques années. Les déformations faciales peuvent régresser après l’arrêt de la PPC. Un suivi maxillo-facial pédiatrique est donc systématiquement recommandé avant l’initiation de la PPC et pendant toute la durée de celle-ci. En cas de nécessité de la poursuite de la PPC, on peut proposer d’alterner différentes interfaces ou d’utiliser des embouts narinaires, qui ont l’avantage de ne pas avoir d’appui frontal. L’apparition prochaine de nouveaux embouts narinaires pour le très jeune enfant devrait permettre de réduire sensiblement les complications cutanées et les déformations faciales.   Conclusion La PPC est le traitement de choix des pathologies laryngées responsables d’une obstruction sévères des voies aériennes de l’enfant après échec ou impossibilité du traitement chirurgical. Elle concerne une minorité des enfants présentant une pathologie laryngée, mais les services rendus chez ces patients sont très importants. Elle permet de réduire la fréquence de réalisation et/ou la durée de port d’une trachéotomie chez l’enfant(6). Bien que ses effets secondaires soient peu importants et malgré sa relative simplicité, elle doit être réalisée et surveillée dans un centre pédiatrique spécialisé.

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