Pneumologie
Publié le 23 mai 2024Lecture 4 min
Le vent souffle sur la bronchiolite aiguë grave
Guillaume MORTAMET, service de réanimation pédiatrique, CHU Grenoble-Alpes
La bronchiolite aiguë est une bronchopneumopathie aiguë d’origine virale, responsable d’un nombre conséquent d’hospitalisations chaque année. Les patients présentant les formes les plus graves sont orientés vers des secteurs de soins critiques. Contrairement aux formes de gravité légère à modérée, la prise en charge de ce sous-groupe de patients est mal définie par les recommandations nationales et internationales. Récemment, un groupe d’experts francophones sous l’égide du Groupe francophone de réanimation et urgences pédiatriques (GFRUP) a rédigé un ensemble de recommandations pour la population de nourrissons de moins de 12 mois hospitalisés en unité de soins critiques pour bronchiolite aiguë grave. Pour élaborer ce travail, une méthodologie stricte a été appliquée, permettant d’aboutir à un ensemble de recommandations, dont le niveau de preuve est variable en fonction des données existantes dans la littérature.
Nous présentons dans cet article les principaux messages véhiculés dans ces recommandations.
Un diagnostic clinique
Le diagnostic de bronchiolite aiguë est clinique et la place des examens complémentaire est très limitée, y compris dans les formes graves. L’enjeu de sa prise en charge est d’éliminer les diagnostics différentiels, que sont essentiellement la cardiopathie congénitale ou acquise et l’infection néonatale bactérienne précoce. En pratique, il existe plusieurs phénotypes cliniques de bronchiolite :
- la forme apnéisante, typique du nourrisson de moins d’1 mois, souvent prématuré ;
- la forme « classique », crépitante et sécrétante, plus fréquente chez les moins de 6 mois ;
- et la forme asthmatiforme, plus fréquente après 6 mois, pour laquelle l’application des recommandations est plus discutable.
Critères de gravité de la bronchiolite aiguë
On distingue les critères de gravité clinique des critères de vulnérabilité (tableau 1). L’utilisation des scores de gravité respiratoire comme le score de Wang ou le score de Wood modifié est utile pour évaluer objectivement la détresse respiratoire. À noter que les gaz du sang ne sont pas indispensables pour définir la gravité de l’enfant, étant donné qu’ils sont le reflet de l’état respiratoire à un instant t et qu’ils peuvent être normaux y compris dans les formes graves, ou anormaux dans les formes plus modérées.
Surveillance, installation, alimentation
La surveillance est avant tout clinique (intérêt des scores) et aucun examen paraclinique n’est systématique. Le patient est installé en décubitus dorsal à plat strict en 1re intention. L’alimentation entérale gastrique non épaissie est à privilégier, y compris dans les formes les plus graves, en continu ou en discontinu. La mise à jeun doit être réservée aux patients les plus à risque d’intubation imminente. Par conséquent, la pose de voie veineuse périphérique n’est pas systématique.
Support ventilatoire
Le support ventilatoire mis en place dépendra de la gravité du patient. De manière générale, les supports non invasifs (oxygénothérapie à haut débit, pression positive continue ou ventilation non invasive à 2 niveaux de pression) sont privilégiés et l’intubation est devenue rare. Physiologiquement, une pression positive réglée à +7 cm H2O permettra de soulager au mieux le travail respiratoire du patient. Bien que l’oxygénothérapie à haut débit ait montré un bénéfice sur l’amélioration du travail respiratoire, il a aussi été rapporté que la surutilisation de cette technique pouvait aboutir non seulement à des admissions en soins critiques non justifiées, mais aussi à des durées de séjour plus longues. En cas d’utilisation de l’oxygénothérapie à haut débit, il faut probablement envisager un sevrage assez rapide.
Place des autres traitements
La place des aérosols de bêta-2-mimétiques en première intention est très limitée. Un test est néanmoins possible (à l’hôpital) dans les formes asthmatiformes les plus graves de plus de 6 mois.
L’indication du traitement antibiotiques est limitée et repose sur un faisceau d’arguments incluant : la gravité clinique (hypoxie ++), la présence de fièvre et/ou d’un syndrome inflammatoire biologique et la découverte d’un foyer radiologique. À noter que la plupart des foyers radiologiques constatés à la radiographie correspondent à un foyer de pneumopathie virale.
La kinésithérapie respiratoire n’est pas systématique et la corticothérapie n’a pas sa place dans la bronchiolite.
Conclusion
Contrairement à d’autres pathologies respiratoires graves responsables d’admission en soins critiques pédiatriques, la bronchiolite aiguë, une fois les diagnostics différentiels éliminés, est associée à un très bon devenir à court terme des patients. Pour cette raison, notre travail original propose une approche globalement moins invasive en termes de surveillance et de traitement. En pratique, la place des examens complémentaires est limitée, l’alimentation entérale privilégiée, de même que les supports respiratoires non invasifs.
Figure 1. Proposition d’algorithme de prise en charge des bronchiolites aiguës graves.
Pour en savoir plus :
• Mortamet G, Milesi C, Emeriaud G. Severe acute bronchiolitis or the new “Lernaean Hydra”: one body and many faces. Intens Care Med 2023 ; 1 : 2.
• Deshpande SA, Northern V. The clinical and health economic burden of respiratory syncytial virus disease among children under 2 years of age in a defined geographical area. Arch Dis Child 2003 ; 88(12) : 1065-9.
• Hasegawa K, Tsugawa Y, Brown DF, Mansbach JM, Camargo CA Jr. Trends in bronchiolitis hospitalizations in the United States, 2000-2009. Pediatrics 2013 ; 132(1) : 28-36.
• Santé HAS. Prise en charge du premier épisode de bronchiolite aiguë chez le nourrisson de moins de 12 mois. 2018.
• Ricci V, Delgado Nunes V, Murphy MS, Cunningham S, Guideline Development G, Technical T. Bronchiolitis in children: summary of NICE guidance. BMJ 2015 ; 350 : h2305.
• O’Brien S, Borland ML, Oakley E, Dalziel SR, Babl FE. National guidelines for bronchiolitis. J Paediatr Child Health 2019 ; 55(6) : 728.
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