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Gastro-entérologie

Publié le 08 déc 2008Lecture 6 min

Immunothérapie et allergie alimentaire : les différents protocoles et résultats

Dr P.Molkhou
L' allergie alimentaire correspond à la perte de la tolérance immunologique vis-àvis d’un aliment. Elle s’acquiert au cours des premiers mois de vie sous l’influence de facteurs génétiques et environnementaux (1).
Dans la population générale, 5 % des enfants d’âge scolaire souffrent d’une allergie alimentaire, alors que les adultes seraient moins concernés avec 2 % seulement, selon une récente métaanalyse (2). Les traitements préconisés sont avant tout les régimes d’éviction, mais ils sont contraignants et peuvent être la source de difficultés psychologiques. En dehors de thérapeutiques futuristes proposées et faisant appel à des injections d’IgE, à des antagonistes du récepteur de l’IL-4 ou du PAF (3), on pourrait espérer une guérison des allergies alimentaires par immunothérapie comme cela a été démontré en allergie respiratoire, et en particulier pour les pollens. Pour mieux saisir le problème de l’immunothérapie en allergie alimentaire, rappelons le premier essai de Schloss(4), qui dès 1912 avait mené avec succès une désensibilisation orale à l’oeuf. En 1956, une équipe française avec Pasteur Vallery Radot et P. Blamoutier( 5) obtient une guérison chez un adulte allergique aux protéines du lait de vache par une désensibilisation par voie orale. Les indications varient selon les auteurs. Néanmoins, ce sont les allergies alimentaires IgE-dépendantes et persistantes ainsi que les allergies alimentaires persistantes au-delà de l’âge habituel de guérison (l’âge allant de quelques mois chez le nourrisson ou années jusqu’à l’âge adulte), qui sont retenues pour discuter une immunothérapie par voie orale.   Quels sont les protocoles d’immunothérapie ? Le principe de l’utilisation de l’immunothérapie repose sur une confirmation du diagnostic d’allergie alimentaire par test de provocation par voie orale, mais les études en double aveugle, peu nombreuses, rendent les conclusions incertaines. Les différents protocoles proposés sont : – la méthode rapide par ingestion dans la journée de doses croissantes d’aliment initialement dilué (6) ; – la méthode plus lente avec un aliment dilué ou non et aboutissant à une dose complète en quelques mois. L’efficacité des protocoles est jugée d’après les résultats souvent positifs pour différents aliments comme le lait de vache, l’oeuf de poule, les poissons et aussi l’orange, la pomme, les haricots, la pêche et la farine de blé. Néanmoins, les protocoles utilisant une méthodologie en double insu font apparaître seulement 36 % de résultats favorables. De toute façon, si la tolérance est acquise, l’ingestion régulière de l’aliment est nécessaire pour maintenir cette tolérance (7). Les effets secondaires existent au cours des protocoles d’immunothérapie ; on peut observer des poussées d’eczéma, d’urticaire, d’oedème, de douleurs abdominales, de rhino-conjonctivite ou d’asthme. Ces réactions doivent conduire à un palier dans la progression, à un retour en arrière avant de reprendre la progression et parfois à un arrêt du protocole. Les différentes techniques d’immunothérapie utilisées  La voie injectable Elle a été utilisée pour la première fois en 1992 pour l’arachide, mais cette méthode a été abandonnée à la suite d’un décès dû à une erreur accidentelle de formulation pharmaceutique(8). Une autre tentative a été effectuée en 1997 avec de nombreux incidents qui rendent l’immunothérapie spécifique non recommandée (9). Dans le cas de sujets allergiques à certains pneumallergènes et présentant un syndrome « bouleaupomme », une immunothérapie aux pollens de bouleau pendant 3 ans améliore, voire guérit, les symptômes liés à la pomme dans près de 80 % des cas.    La voie orale Elle a été employée avec le lait de vache chez 21 enfants âgés de 6 ans ayant une forme IgE-dépendante d’allergie aux protéines du lait de vache. À l’aide d’un protocole très lent, des résultats très encourageants ont été obtenus : 75 % environ des enfants supportaient une dose de 200 ml à 6 mois. Les échecs, de l’ordre de 15 %, apparaissaient dès les premières gouttes de lait de vache dilué (10). Une immunothérapie a été également utilisée chez des enfants allergiques à l’oeuf (urticaire), avec des résultats positifs après 24 mois d’immunothérapie chez 7 enfants âgés de 14 mois à 7 ans, mais des effets secondaires sont apparus lorsque l’étude a été poursuivie chez 21 patients (prurit, urticaire et douleurs abdominales). Une immunothérapie orale a également été menée avec l’arachide par quelques auteurs, avec des techniques différentes : – rapide : on donne une demicacahuète 3 fois par jour, puis 2 graines d’arachide 2 fois par jour pendant un an, avec un résultat positif et une diminution des IgE sériques de 100 kU/L à 42 kU/L au terme de 12 mois de traitement ; – lente, marquée par des dilutions des extraits (0,5 mg de protéines d’arachide). Des essais récents ont été menés chez 42 enfants allergiques avec d’autres aliments (lait de vache, oeuf de poule, poisson farine de blé, pomme et haricot). Les résultats ont été considérés comme excellents, avec diminution des IgE sériques spécifiques et augmentation des IgG4 spécifiques, malgré quelques effets secondaires (urticaire, poussée d’eczéma, vomissements ou crise d’asthme)(11). Récemment, une étude a comparé l’immunothérapie orale à un régime d’éviction stricte. Elle a permis de conclure que si l’immunothérapie par voie orale ne semble pas plus efficace qu’un régime d’éviction classique, elle a au moins l’avantage de permettre une augmentation progressive des doses en réduisant les risques de réaction sévères (12).    La voie sublinguale Elle a été utilisée la première fois en 2003 chez une adulte allergique au kiwi IgE-dépendante avec un succès complet sur le plan clinique et biologique au bout de trois ans (13). Des essais avec le lait de vache ont été rapportés chez 8 enfants présentant une allergie IgE dépendante aux protéines du lait de vache par l’équipe du Pr Dupont à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul de Paris. La dose quotidienne par voie sublinguale était de 0,1ml pendant 6 mois. Les résultats ont montré après 6 mois une guérison chez 4 enfants après tests de provocation, 2 tolérances partielles et 2 sorties d’étude pour mauvaise compliance(14). Enfin, une seule étude en double aveugle en 2005 a été rapportée chez 23 adultes allergiques à la noisette, avec des résultats positifs, une excellente tolérance et une élévation des IgG-4 spécifiques ainsi que de l’IL-10(15).   Conclusion On peut conclure que l’immunothérapie pourrait représenter un nouvel aspect du traitement des allergies alimentaires en tenant compte de l’histoire naturelle de l’allergie alimentaire. Dans l’état actuel de nos connaissances, il n’est pas encore possible d’établir si les effets de l’immunothérapie correspondent à une guérison définitive ou à une seule augmentation des doses tolérées. D'aprés une communication du Dr F.Rancé.3ème Congrès Francophone d’Allergologie (Paris) : 9-11 avril 2008.

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