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Allergologie - Immunologie

Publié le 23 juin 2013Lecture 14 min

Opinions et pratiques des jeunes parents concernant la primo-vaccination contre l’hépatite B chez le nourrisson. Étude réalisée sur 100 couples interrogés à La Rochelle

I. AVISSE, D. LAPEYRE, La Rochelle
Le taux de vaccination contre le virus de l’hépatite B chez le nourrisson est toujours resté inférieur à 30 % (et ce jusqu’en 2008), avant même la polémique très médiatisée sur un lien possible avec l’apparition d’affections démyélinisantes centrales. Nous avons recherché les raisons liées à ce frein vaccinal ; nous voulions aussi connaître l’opinion et les pratiques actuelles des jeunes parents concernant cette vaccination.
  Contexte épidémiologique et vaccinal   Avec plus de 350 millions de porteurs chroniques du virus de l’hépatite B et 2 millions de morts par an(1), l’hépatite B représente l’un des principaux problèmes de santé publique dans le monde. Pourtant, elle est accessible depuis plus de vingt ans à une prophylaxie efficace par la vaccination. En effet, c’est en France qu’a été mis au point un des premiers vaccins contre l’hépatite B, en 1976(2). Dès 1982, les professionnels de santé ont été vaccinés. En 1995, la vaccination fut recommandée chez les nourrissons et les préadolescents. Chez ces derniers, la campagne a été bien suivie ; 75 % d’entre eux ont été vaccinés dans les années 1994-1998. En parallèle, le taux de vaccination des nourrissons n’a jamais dépassé les 30 %. Le 1er octobre 1998, le ministre de la Santé décida de suspendre la vaccination en milieu scolaire en raison du risque allégué d’affections démyélinisantes centrales et en attendant le résultat d’enquêtes épidémiologiques. Cette attitude a été immédiatement condamnée par l’OMS qui considéra qu’il y avait un grand danger à jeter l’opprobre sur un vaccin sans se fonder sur des arguments scientifiques(3). En date du mois d’octobre 2008, quatorze études épidémiologiques, dont quatre chez l’enfant(4-7), ont été réalisées(8). Les résultats n’ont pas remis en question le rapport bénéfice/risque de la vaccination contre le VHB. Ainsi, le 2 octobre 2008, le Haut Conseil de la santé publique recommandait le maintien de la politique de vaccination vis-à-vis de l’hépatite B chez l’enfant et son renforcement, compte tenu des faibles couvertures vaccinales(9). Les éventuels freins à son application ne semblent pas liés à la seule perception négative de la sécurité du produit, résultat de la polémique de ces dernières années. En effet, même dans les années 1995-1996, alors que la vaccination de l’adulte rencontrait un succès massif et que la question de l’innocuité du vaccin n’avait pas été médiatisée, la couverture vaccinale du nourrisson est toujours restée faible (à près de 30 %)(10).   Une enquête pour connaître la perception de la vaccination Nous nous sommes demandés quelle était actuellement la perception de la maladie et de sa vaccination par la population, après la diffusion de ces différents messages. Notre projet s’intéressait à l’opinion et aux pratiques des jeunes parents vis-à-vis de la primo-vaccination contre le VHB. Cette étude a été réalisée entre 2009-2010 dans les deux maternités de La Rochelle. Nous avons recherché des éléments susceptibles de faire varier l’adhésion des familles, dans le cadre de cette vaccination des nourrissons. Nous espérions identifier les informations, les messages et les assurances que cette population attendait des autorités de santé afin de renforcer la proposition et l’acceptation de cette vaccination.   Matériel et méthode Entre le 2 février 2009 et le 17 février 2010, des couples de jeunes parents ont été interrogés dans les deux maternités de La Rochelle : la maternité de l’hôpital public et celle de la Clinique privée du Mail. Ces mêmes couples ont été recontactés par téléphone entre juillet 2009 et août 2010. Le choix des couples était fait au hasard à partir des plans de répartition des services. Aucune donnée concernant leurs antécédents ou leur situation familiale n’était communiquée. Les mères qui nécessitaient un repos sur prescription médicale ont été exclues de l’interrogatoire. Aucun autre critère de non-inclusion n’a été appliqué. Les cas des mères célibataires ont été inclus dans l’étude. La taille de l’échantillon a été déterminée à partir du nombre de naissances dans les centres respectifs durant l’année précédente et du taux de vaccination des enfants de moins de 2 ans en France en 2008(11). Cette année là, il y a eu 1 520 enfants nés à la maternité publique contre 968 dans le privé. Les parents ont été vus à des moments variables, durant les 5 jours réglementaires d’hospitalisation suivant un accouchement. Volontairement, chacune des rencontres était comprise dans les créneaux horaires de 15 et 17 h afin d’éviter les visites médicales et les différents soins. Si le père était absent, la visite était reportée à un horaire convenu afin d’obtenir la présence des deux parents. Le thème du questionnaire n’était évoqué qu’à ce moment-là. La présence d’amis ou de famille dans la chambre n’a pas été notée ; leur non-participation a toujours pu être respectée (sortie de la chambre).   Première évaluation À chaque entrevue, un questionnaire a été proposé aux parents, de façon simultanée. Les réponses de chaque membre du couple étaient prises en compte dans les questions à choix multiples. Lorsqu’elles s’opposaient, un temps de concertation leur était laissé, puis une seule réponse était notée avec la qualité (père ou mère) de la personne dont l’avis avait convaincu l’autre. Cette première recherche a permis de déterminer le contexte socio-économique des parents interrogés ; leur opinion antérieure et l’évolution de cette opinion ; leur connaissance concernant l’hépatite B ; leurs raisons actuelles pour et contre cette vaccination ; ainsi que la raison principale ayant guidée leur choix ; les éléments susceptibles de modifier leur décision ; leurs liens avec certaines pathologies (les atteintes hépatiques, les pathologies démyélinisantes). Deuxième évaluation Avec l’accord des familles, cellesci étaient recontactées, par téléphone, dans les 5 à 6 mois suivant la première rencontre. Seuls les numéros donnés par les couples étaient utilisés. Ont été notés les changements d’avis et leurs raisons ; les justifications évoquées pour les opinions actuelles ; l’état vaccinal des enfants ; l’intervention médicale durant les 6 premiers mois de vie du nourrisson. Résultats Au total, 100 couples (soit 199 personnes, dont une mère célibataire) ont été inclus dans l’étude entre février 2009 et février 2010, et répartis en proportion de la natalité dans chacune des structures et réadaptée avec les nouvelles données en fin d’année 2009 : 60 à la maternité du centre hospitalier (soit 3,8 % des naissances annuelles) et 40 à la clinique du Mail (soit 4,1 % des naissances annuelles). Les réponses étant communes, le terme de « couple » a toujours été employé ; ainsi N total = 100.  Facteurs propres aux couples interrogés Un avis favorable à la vaccination était noté chez 84,5 % des 18-24 ans avaient, 60,5 % des 25-34 ans et 52 % des plus de 35 ans. L’opinion des parents était majoritairement favorable à la vaccination contre l’hépatite B dans toutes les catégories socioprofessionnelles, sauf pour celle des cadres et professions intellectuelles supérieures. Dans celle-ci, 11 étaient « pour », 12 « contre ». Il n’a été retrouvé aucune différence significative entre la population rurale et urbaine (61 % vs 59 %), ainsi qu’entre les réponses des primipares et des multipares (63 % vs 55 %). Les antécédents de cas de sclérose en plaques ou d’atteintes démyélinisantes constituaient un frein significatif à la vaccination (p = 0,02). Par contre, il n’y avait pas de lien statistique entre l’attitude vaccinale et les antécédents d’hépatite B ou d’atteintes hépatiques non précises.  Opinions des parents concernant la primo-vaccination contre le virus de l’hépatite B (VHB) chez le nourrisson Lors du premier questionnaire, il y a eu 58 réponses « pour », 29 « contre », 11 qui « ne savaient pas », 2 « refus de répondre ». Il n’y avait pas de différence entre la maternité de l’hôpital et celle de la clinique privée. Lors du deuxième questionnaire, 63 personnes se déclaraient « pour », 23 « contre », 1 « ne savait pas », 2 avaient « refusé de répondre », et 11 ont été « perdus de vue ». Entre les deux évaluations, 67 % ont gardé le même avis ; parmi eux, on retrouvait 84 % des couples « pour » la vaccination anti- VHB au premier questionnaire et 65 % des couples « contre » ; 11 % des couples ont changé d’avis, dont 8 % initialement « pour » la vaccination et 24 % initialement « contre » (changement d’avis significativement plus important, p = 0,048) ; 8 % se sont faits une opinion, dont 100 % se sont déclarés être désormais « pour » cette vaccination chez le nourrisson.  Raisons guidant la décision des couples • Les conseils du médecin traitant ou du pédiatre en faveur de la primo-vaccination des nourrissons anti-VHB étaient évoqués par 54 couples lors du premier questionnaire et par 57 lors du second. • Le fait qu’eux-mêmes ou leurs autres enfants soient vaccinés, était cité par 42 couples au premier recueil et par 51 au deuxième temps. • Lors de la première rencontre, l’existence du vaccin hexavalent était une raison importante de vacciner pour 34 couples, pour 40 ensuite. • Contre la primo-vaccination anti-VHB des nourrissons, l’existence d’un risque à la vaccination était avancée par 21 couples, contre 23 par la suite. • Le fait de penser que leur enfant n’est pas ou pas encore concerné, était évoqué par 16 puis par 13 couples lors du rappel téléphonique. Cette dernière raison constituait l’argument principal des familles pour être contre cette vaccination, lors des deux recueils. • Notons que certains éléments pouvaient les faire changer d’avis : l'existence du vaccin hexavalent, mais surtout l'avis de leur médecin traitant ou pédiatre en faveur de cette injection.  Évaluation de l’intervention médicale durant les 6 premiers mois de vie (tableau). Au total, au rappel à 6 mois, chez les couples « pour » la vaccination, 57 % des enfants ont été vaccinés, 35 % ont été déclarés trop jeunes (dont 68 % par les médecins eux-mêmes, soit 24 % de l’effectif total des « pour » à 6 mois), 8 % n’ont pas été vaccinés, la discussion n’ayant pas été abordée. À 6 mois, le taux vaccinal était de 41,3 %.   Discussion Dans cette étude, nous avons retrouvé que l’opinion majoritaire des parents était favorable à la primo-vaccination contre le VHB chez le nourrisson. Les conseils de leurs praticiens étaient principalement responsables de cette prise de décision. Dans l’échantillon des parents ayant changé d’avis pour une opinion favorable, les recommandations de leur médecin généraliste ou pédiatre et l’existence du vaccin hexavalent étaient les deux éléments responsables de leurs décisions. Autre résultat important, la raison principale pour être contre la primo-vaccination était que l’enfant n’était pas ou pas encore considéré par le couple comme concerné par cette vaccination. Cette place de premier ordre était notée au moment du premier questionnaire, et se démarquait 6 mois plus tard. De plus, les parents évoquaient encore dans une grande proportion l’existence d’un risque lié à ce vaccin, notamment vis-à-vis des affections démyélinisantes. Cela résulte des anciennes polémiques, toujours bien présentes dans les mémoires collectives. Aussi, nous avons retrouvé que des antécédents de sclérose en plaques (et affections apparentées) constituaient un frein significatif, alors que des antécédents d’hépatite B ne modifiaient pas l’attitude vaccinale. On peut émettre l’hypothèse que les parents associent l’hépatite B à une pathologie de l’adulte, en lien avec une transmission notamment sexuelle. Il n’y a donc pas d’intérêt à vacciner un nouveau-né, qui dans leurs esprits ne semble courir aucun risque de contracter la maladie. Ces personnes ne connaissent pas l’épidémiologie de la maladie et les campagnes d’information ont eu probablement peu d’impact. La faible couverture des jeunes enfants (33,5 % en grande section maternelle)(12) reflète probablement une difficulté d’adhésion à une vaccination lorsque le risque lié à la maladie semble éloigné. D’autres études retrouvent des résultats similaires. Dans l’enquête Nicolle 2006(12), la vaccination contre l’hépatite B bénéficie d’une opinion favorable : 54 % des personnes interrogées la juge « tout à fait justifiée » ou « plutôt justifiée » chez le nourrisson, contre 37 % qui la considère comme « plutôt non justifiée » ou « pas du tout justifiée ». L’étude « Vaccinoscopie 2008 »(13) trouve que le médecin joue un rôle primordial dans la décision, les mères suivent son avis dans près de 90 % des cas. Nos résultats sont en accord avec ceux de ces deux enquêtes réalisées à l’échelle nationale. Mais ils sont à mettre en balance avec les limites de notre étude. La principale est la faible taille de notre échantillon, d’une part, par rapport au nombre total de naissances (3,8 % et 4,1 %) et, d’autre part, liée au fait que nous tenions à étudier les raisons des changements d’opinion des parents entre les deux questionnaires. Les sous-populations sont composées d’un trop petit nombre de patients pour permettre une puissance statistique suffisante. Le fait d’avoir rencontré directement tous les parents lors du premier questionnaire, constitue en lui-même un biais vraisemblable. Les couples interrogés dans les maternités ont peut-être eu des difficultés, voire des réticences à exprimer une opinion allant contre la vaccination. En outre, cette première visite se situait, pour les parents, à un moment de grand changement dans leur vie, de grande émotion, et donc peu propice à ce type d’enquête. Nous avons opté pour un rappel téléphonique 6 mois plus tard afin d’obtenir des réponses moins subjectives. Différents points doivent être signalés. Tout d’abord, nous avons réussi à toujours obtenir une opinion commune, parfois après un délai de réflexion. Nous pouvons ainsi espérer que les décisions prises au cabinet médical seraient cohérentes avec les opinions exprimées lors de l’enquête. Par ailleurs, nous nous sommes attachés à collecter l’avis des deux membres du couple afin d’éviter de ne prendre en compte que la réponse de la mère (toujours présente à la maternité, et souvent interlocutrice au téléphone). Nous avons aussi évité le biais d’information pouvant résulter des réponses des primipares. En effet, ces couples peuvent sembler plus disposés à répondre en notre faveur lors d’un questionnaire avec rencontre directe. De plus, ils ont moins reçu de conseils médicaux pédiatriques et peuvent avoir une réflexion moins aboutie. Ainsi, nous ne retrouvons aucune différence statistiquement significative entre les réponses des primipares et des multipares. Ajoutons que le choix des couples a été effectué au hasard, sans aucun tri et l’étude a couvert une longue durée (un an et demi au total). Le fait de rappeler les parents après quelques mois, leur laissait un laps de temps suffisant à la réflexion. Ils avaient ainsi pu se consulter et rencontrer leur praticien. Leurs opinions étaient, à ce deuxième moment, moins empreintes d’émotion, consécutives à un vrai questionnement, liées à des arguments les ayant touchés. Les réponses relevées à deux temps différents, nous permettaient aussi de renforcer l’importance de leurs concordances.   Conclusion Au final, nous croyons que les couples attendent de leurs médecins une réassurance de la légitimité de cette vaccination chez le nourrisson. Par ailleurs, les facilités d’inclusion de cette dernière dans le schéma vaccinal, peuvent être mises en exergue ; les jeunes parents semblant y être particulièrement sensibles. Ainsi, nous sommes enclins à penser que si tous les praticiens mettaient en évidence les différents avantages de la pratique du vaccin hexavalent, nous pourrions augmenter de façon sensible le taux vaccinal contre le VHB chez le nourrisson.   Remerciements pour sa relecture à Mme le Professeur Christine Silvain, PU-PH Hépato-Gastro-Entérologie, CHU de Poitiers.

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