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Rhumatologie - Os - Orthopédie - Traumatologie

Publié le 29 sep 2020Lecture 9 min

Traitement ambulatoire de l’ostéomyélite aiguë de l’enfant

Mathie LORROT *,**, Emmanuel GRIMPREL*,**, Frank FITOUSSI ***, Raphaël VIALLE***
ostéomyélite aiguë

Les infections ostéo-articulaires (IOA) (arthrite septique, ostéomyélite et spondylodiscite) sont des infections communautaires touchant très majoritairement l’enfant sain sans pathologie(1,2) sous-jacente. Selon des données PMSI récentes, l’incidence nationale des infections ostéo-articulaires (IOA) est évaluée à 22 pour 100 000 enfants en France et, chaque année, environ 3 000 enfants sont hospitalisés pour une IOA en France, avec une durée d’hospitalisation(3) de 7,5 jours en 2013 .

Bactéries responsables des IOA Les IOA de l’enfant surviennent par voie hématogène. Les bactéries diffèrent en fonction de l’âge de l’enfant. Staphylococcus aureus est responsable d’IOA à tout âge et reste la bactérie majoritaire chez l’enfant âgé de plus de 5 ans alors que Kingella kingae est la plus fréquente chez l’enfant entre l’âge de 6 mois à 5 ans. Les autres bactéries sont plus rares : le streptocoque de groupe A est responsable d’IOA chez des enfants de tout âge, et le pneumocoque d’IOA chez ceux de moins de 2ans(1,2). Des tableaux cliniques de gravité variable en fonction de la bactérie responsable de l’IOA Les tableaux cliniques des IOA de l’enfant sont variés, la sévérité initiale et l’évolution sous traitement sont en lien avec la virulence de la bactérie responsable de l’infection et le terrain médical sous-jacent. Certaines IOA, dues à des bactéries très invasives comme S. aureus, le Streptocoque de groupe A ou le pneumocoque (Streptococcus pneumoniae) peuvent être graves soit parce qu’elles sont associées à un sepsis (frissons, tachycardie) ou à des complications suppuratives (abcès sous-périosté, abcès musculaires, arthrite septique de contiguïté). Ces complications peuvent être présentes au diagnostic ou survenir dans les premiers jours de traitement. Certaines souches de S. aureus produisant une toxine, la leucocidine de Panton et Valentine (LPV), sont associées à des IOA extrêmement sévères, caractérisées par un choc septique initial, une atteinte osseuse plurifocale, une fasciite ou une myosite nécrosante, une thrombose septique profonde ou une pneumonie associée. Ces infections sévères sont associées à une CRP élevée(4). Dans l’étude réalisée récemment en France sur les données du PMSI, le staphylocoque et le streptocoque étaient associés à des séjours hospitaliers plus longs, témoignant très probablement de la gravité initiale de ces infections et de la survenue fréquente de complications suppuratives dans les premiers jours de prise en charge(3). Les IOA du jeune enfant, entre l’âge de 6 mois et jusqu’à 5 ans, sont majoritairement dues à Kingella kingae qui est une bactérie commensale de l’oropharynx à cet âge. Les IOA à K. kingae sont souvent favorisées par une infection virale ORL dans les jours précédents. K. kingae est une bactérie de culture difficile, rarement isolée en culture dans le liquide articulaire et dans les hémocultures. Son importance dans les IOA de l’enfant a été mise en évidence ces dernières années grâce aux progrès diagnostiques apportés par la biologie moléculaire, avec la réalisation de PCR universelle ou de PCR spécifique K. kingae dans le liquide articulaire ou dans les ponctions de pus profond. Chez les jeunes enfants, K. kingae est responsable d’arthrites purulentes et d’ostéomyélites aiguës le plus souvent sans documentation bactériologique si la PCR n’est pas effectuée. La fièvre peut être peu élevée ou absente, la CRP initiale est peu ou pas élevée. L’évolution des IOA à K. kingae sous traitement adapté est rapidement favorable sans sepsis, sans complications suppuratives à la phase initiale du traitement et sans séquelles orthopédiques à distance. Des IOA sévères à K. kingae nécessitant parfois plusieurs interventions chirurgicales ont été décrites mais elles sont rarissimes. Les données PMSI françaises retrouvent une durée de séjour pour IOA plus courte chez l’enfant entre l’âge de 1 à 4 ans suggérant une moindre gravité des IOA dans cette tranche d’âge, qui correspond au pic d’incidence des IOA à K. kingae(5-7).  Prise en charge des IOA : une urgence diagnostique et thérapeutique Les IOA constituent des urgences thérapeutiques car leur pronostic dépend de la qualité et de la rapidité de la prise en charge initiale. Ainsi, dès la suspicion clinique d’IOA, tous les moyens sont mis en œuvre afin de débuter le traitement rapidement. Celui-ci est toujours initié en hospitalisation : les collections purulentes (épanchement intra-articulaire, abcès sous-périosté, abcès des parties molles) sont drainées en urgence sous anesthésie générale. Une antibiothérapie probabiliste intraveineuse appropriée est débutée en urgence, après avoir effectué si possible les prélèvements bactériologiques (faire au moins 2 hémocultures rapprochées si fièvre ou sepsis) afin d’éviter un sepsis grave et l’apparition des collections suppuratives (abcès sous-périosté, arthrite septique de contiguïté d’une ostéomyélite)(1,2). À long terme, le risque est l’apparition de séquelles orthopédiques parfois définitives. Le développement d’une ostéomyélite aiguë peut endommager le cartilage de croissance (de conjugaison) des os longs, localisé à la jonction métaphyso-épiphysaire, et entraîner des troubles définitifs de la croissance de l’os atteint. La prise en charge inadaptée d’une arthrite septique peut entraîner des lésions définitives du cartilage articulaire. L’ostéomyélite aiguë Diagnostic clinique, confirmation radiologique et/ou bactériologique Le diagnostic d’ostéomyélite doit être suspecté devant une impotence fonctionnelle fébrile d’apparition récente chez l’enfant. La douleur est spontanée, localisée le plus souvent à un membre (extrémité inférieure du fémur ou supérieure du tibia). La palpation métaphysaire est douloureuse mais la mobilisation douce des articulations est possible. Les radiographies initiales sont normales ou montrent un œdème des parties molles. Le diagnostic sera confirmé par une imagerie évocatrice (IRM ou scintigraphie osseuse) et par l’identification d’une bactérie sur les prélèvements bactériologiques (hémoculture ou pus d’abcès). Physiopathologie de l’ostéomyélite aiguë Le site de l’ostéomyélite aiguë est, le plus souvent, la métaphyse la plus vascularisée des os longs (loin du coude et près du genou) à proximité du cartilage de croissance. Le ralentissement du flux vasculaire à la jonction métaphyso-épiphysaire favorise la fixation des bactéries et la rareté des macrophages dans la métaphyse l’infection. Le stade initial de l’ostéomyélite est caractérisé par un œdème intra-osseux du tissu spongieux. Si l’infection progresse, elle diffuse à travers les canaux vasculaires de Havers et de Volkmann vers la partie distale de la diaphyse (risque de diaphysite, d’abcès intramédullaire), la corticale externe et le périoste (risque d’abcès sous-périosté et d’extension de l’infection aux parties molles). À la phase tardive, le périoste réagit en s’épaississant et un abcès sous-périosté se constitue. L’augmentation de la pression intra-osseuse peut diminuer la vascularisation de la corticale osseuse par les artères périostées. Dans les formes évoluées, l’os avasculaire devient nécrotique avec la formation d’un séquestre (os nécrotique et avasculaire), responsable de la chronicisation de l’infection. Complications initiales et à long terme Ainsi, les complications initiales d’une ostéomyélite aiguë sont le sepsis, les complications suppuratives (abcès sous-périosté, arthrite de contiguïté), une thrombose veineuse profonde de contiguïté d’un foyer osseux. Les complications à long terme sont l’altération de la croissance de l’os secondaire et du cartilage de croissance (épiphysiodèse) ou, rarement, l’évolution vers un abcès intraosseux de type abcès de Brodie. Conditions de guérison : diagnostic et prise en charge rapides La guérison d’une ostéomyélite aiguë sera d’autant plus rapide que l’infection aura été diagnostiquée et traitée rapidement et correctement à sa phase aiguë. Dans les données récentes françaises, les ostéomyélites aiguës représentaient 40 % des IOA et la moitié des ostéomyélites aiguës surviennent avant l’âge de 5 ans. Dans 70 à 80 % des cas, le traitement des ostéomyélites aiguës reposait sur l’antibiothérapie sans procédure chirurgicale. En effet, l’os de l’enfant est très vascularisé et a une bonne réponse immunologique à l’infection. Ainsi, sous traitement adapté, le pronostic de l’ostéomyélite aiguë à la phase débutante œdémateuse est bon à court et à long terme(3). Antibiothérapie des IOA : les recommandations du GPIP et de l’ESPID Le traitement des IOA a beaucoup évolué ces dernières années. L’antibiothérapie standard des IOA de l’enfant comporte une phase initiale débutée par voie intraveineuse durant une hospitalisation, suivie d’un relais oral, permettant la sortie et un suivi ambulatoire. Le Groupe de pathologie infec- tieuse pédiatrique (GPIP) de la Société française de pédiatrie, a publié en 2008 des recommandations simplifiant et raccourcissant considérablement le traitement antibiotique des IOA communautaires de l’enfant. Ces propositions recommandent, pour l’antibiothérapie intraveineuse probabiliste, l’utilisation préférentielle d’une monothérapie (céfazoline ou amoxicilline-acide clavulanique) ciblant S. aureus chez le grand enfant et S. aureus et K. kingae chez l’enfant entre l’âge de 6 mois et 4 ans. Lorsque l’IOA est prise en charge à sa phase aiguë avec un traitement adapté (antibiothérapie et chirurgie si nécessaire), si les radiographies sont normales et l’évolution favorable (disparition de la fièvre et des douleurs), le relais par voie orale pourra être effectué après 3 jours de traitement intraveineux permettant la sortie de l’enfant de l’hôpital et un suivi ambulatoire. Dans les IOA d’évolution favorable, la durée totale de l’antibiothérapie (IV et PO) est de 2 semaines pour les arthrites septiques et de 3 semaines pour les ostéomyélites. Les recommandations de la Société européenne d’infectiologie pédiatrique (ESPID) publiées en 2017 vont également dans le sens d’une simplification et d’un raccourcissement de l’antibiothérapie des IOA de l’enfant(2-8).  Vers un traitement moins invasif des ostéomyélites sans critères de gravité ? Quelques équipes ont cherché à définir des critères de sévérité des ostéomyélites de l’enfant permettant de prévoir les cas les plus à risque de complications. Les éléments intéressants sont la fièvre, la CRP initiale, l’âge de l’enfant, qui, s’ils sont élevés sont des éléments péjoratifs sans qu’il ait été possible de déterminer de seuil particulier. L’étude de L.A. Copley retient aussi comme élément péjoratif la détresse respiratoire initiale et l’infection disséminée. Dans l’étude de A.C. Martin et coll., les critères prédictifs de complications étaient l’âge élevé, une température de plus de 38,5 °C et une CRP élevée à l’admission avec, respectivement, une valeur médiane de 42,6 mg/L versus 95,3 mg/L et un âge médian de 6,2 ans versus 9,1 ans dans les groupes sans complications versus avec complications(9). Une étude pilote récemment conduite par les orthopédistes de l’hôpital Armand Trousseau (AP- HP) sur un nombre restreint de jeunes enfants présentant une ostéomyélite aiguë peu sévère a montré : CRP < 50 mg/ml, fièvre < 39 °C, absence de sepsis, de troubles respiratoires, de trouble de conscience, absence d’abcès ou d’arthrite associée, radiographie osseuse initiale normale. Au total, 19 enfants (âge médian de 1,92 ans ; de 1,17 à 6,6 ans) ont reçu une antibiothérapie orale par amoxicilline-acide clavulanique d’emblée et 25 autres (âge médian de 1,5 ans ; 1,14 à 2,23 ans) une antibiothérapie intraveineuse initiale pendant 3 jours relayée par une antibiothérapie orale selon les recommandations en vigueur. Le nombre d’échec thérapeutique n’était pas significativement différent entre des enfants ayant reçu une antibiothérapie orale d’emblée (n = 1/19) et ceux traités selon les recommandations (n=3/25)(10). L’étude POOMA (Per Os Ostéo Myélite Aiguë) a débuté à l’automne 2019 dans le cadre d’un protocole de recherche clinique (PHRC régional) réalisé majoritairement en Ile-de-France. Nous souhaitons démontrer, dans une étude randomisée effectuée à grande échelle dans de nombreux centres prenant en charge ces infections, la non-infériorité d’un traitement antibiotique oral ambulatoire (3 semaines per os) versus un traitement standard débuté en hospitalisation (3 jours IV puis relais oral 3 semaines) sur la guérison complète sans rechute à 6 mois après un épisode d’ostéomyélite aiguë peu sévère chez des enfants de 1 à 5 ans. Conclusion Les protocoles d’antibiothérapie des IOA ont beaucoup évolué ces dernières années allant vers un raccourcissement considérable de la durée de l’antibiothérapie intraveineuse initiale et de l’antibiothérapie totale (IV + per os) de ces infections. À l’heure actuelle, le traitement antibiotique est toujours initié par voie IV durant une hospitalisation quelle que soit la gravité de l’IOA, il est relayé par une antibiothérapie orale au bout de quelques jours lorsque l’infection est contrôlée. La poursuite de l’antibiothérapie par voie orale et le suivi sont alors effectués en ambulatoire. La prise en charge de l’ostéomyélite aiguë de l’enfant va vraisemblablement encore évoluer dans les prochaines années vers une prise en charge moins invasive et un traitement entièrement ambulatoire de ceux présentant les infections les moins graves.

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