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Néonatologie

Publié le 27 nov 2017Lecture 7 min

Le syndrome de Zika congénital : la fœtopathie du XXIe siècle ?

Marianne BESNARD, Papeete (Polynésie française)

Le virus Zika (ZIKV) est un pathogène réémergent découvert en Ouganda, en 1947 chez le macaque, puis chez l’homme en 1954. Depuis 2007, plusieurs épidémies à ZIKV ont permis de mettre en évidence une fœtopathie sévère, plus grave que celle liée au cytomégalovirus (CMV) à la toxoplasmose et à la rubéole. Elle est associée à une infection maternelle du premier semestre de la grossesse et entraîne des conséquences cliniques catastrophiques, voire une mort in utero. La gravité de ces lésions neurologiques avait poussé l’OMS à déclarer des mesures d’urgence de santé publique en février 2016 et avait fait classer cette infection d’allure bénigne en virose potentiellement grave pour la femme enceinte. Cet article décrit les conséquences de ce nouveau syndrome du Zika virus congénital.

Historique En 2007, dans l’île de Yap, en Micronésie, 73 % des 7 400 habitants ont été touchés par le ZIKV et ont guéri sans séquelles. Cette première épidémie a permis de décrire un tableau clinique bénin du ZIKV. En septembre 2013, 11 % (32 000 patients) de la population de la Polynésie française (PF) avait été frappé par une virose dengue-like séronégative. La PCR ZIKV s’était avérée positive pour une souche cambodgienne issue de la lignée asiatique. Cette épidémie avait été marquée par la survenue d’un pic de syndromes de Guillain-Barré, qui avait fait trembler les autorités de santé locales devant l’accroissement rapide du nombre de cas en peu de temps et face à une infrastructure sanitaire inextensible(1). Le neurotropisme de ce virus avait été également suspecté devant une recrudescence anormale d’atteintes cérébrales fœtales sévères ayant donné lieu à plus d’interruptions de grossesse sur cette période précise(2) : on avait noté 14 fois plus de microcéphalie et 31 fois plus de dysfonctionnement du tronc cérébral. En novembre 2015, le Brésil a vu son taux de microcéphalies multiplié par 20 au moment de l’épidémie de ZIKV et des PCR ZIKV avaient été positives dans le liquide amniotique des fœtus atteints(3). Le Brésil a donc confirmé la tératogénicité du ZIKV par la multiplication des cas de microcéphalies et anomalies neuro-ophtalmiques congénitales(4). Fin 2016, plus de 80 pays étaient atteints, notamment dans le continent latino-américain, avec plus de 1 750 cas de microcéphalies au Brésil. Épidémiologie Le ZIKV est un virus à ARN enveloppé, de la famille des Flavivirus, responsables d’arboviroses comme la dengue ou la fièvre jaune. La transmission à l’homme se fait par piqûre de moustique : l’Aedes aegypti, mais aussi l’Aedes polynesiensis dans les zones tropicales et l’Aedes albopictus dans les zones tempérées. D’autres voies de transmission interhumaine directe ont été rapportées : sexuelle, transfusionnelle, salivaire, maternofœtale(2) et périnatale(5). Clinique L’incubation est de 2 à 12 jours. Ainsi, 20 % des sujets sont symptomatiques pendant 6 jours (3-7), avec une éruption maculo-papuleuse, parfois prurigineuse, pendant une semaine (2-14 jours), une fatigue, une fièvre à 38 °C (2 jours), des myalgies-arthralgies durant 3 jours (1-14 jours), une conjonctivite, des œdèmes des extrémités, des troubles digestifs et une irido-cyclite. Exceptionnellement, un syndrome de Guillain Barré peut se voir une semaine après, mais elle prédomine chez l’adulte(1). Diagnostic positif Cas suspect : rash fébrile et deux critères (myalgies, arthralgies, conjonctivite, œdème). Cas clinique : cas suspect avec IgM positifs et un lien épidémiologique 12 jours avant les symptômes. Cas confirmé : cas clinique avec RT-PCR positif dans le sang ou la salive ou IgM positifs, IgG multipliés par 4 avec des sérologies dengue et chikungunya négatives. Tests diagnostiques La RT-PCR ZIKV : test de référence très sensible et spécifique, il se recherche dans le sang, la salive, le lait maternel, les urines, le sperme et dans les tissus. La sérologie ZIKV après J4, mais les faux positifs sont fréquents en raison d’arboviroses croisées, demander alors une séroneutralisation. La durée de l’immunité post-Zika est inconnue. Le génotypage : souches de lignées asiatique et africaine. Le syndrome de Zika congénital Le lien entre la microcéphalie et le ZIKV a été clairement prouvé sur des prélèvements biologiques et tissulaires fœtaux(3). Par ailleurs, le taux de microcéphalies est corrélé à une virémie du 1er trimestre, plus rarement du 2e et exceptionnellement du 3e(6). Cliniquement, on peut voir une séquence de « fetal brain disruption »(7) qui associe une microcéphalie sévère (< 3 DS), un chevauchement des sûtures, un occiput proéminent, un scalp redondant, une disproportion crânio-faciale et des lésions cérébrales graves (figures 1 à 3) : – dilatation des ventricules et des espaces péri-cérébraux ; – agénésie du corps calleux, agénésie septale ; – hypoplasie du vermis et du tronc cérébral ; – retard de gyration, polymicrogyrie ; – pseudo-kystes occipitaux ; – calcifications cérébrales diffuses, surtout sous-corticales.   Figure 1. IRM de cerveau fœtale, coupe sagittale en T2 : front court et absence de voûte crânienne ; diminution du volume cérébral, élargissement des espaces péri-cérébraux et ventriculomégalie ; atrophie corticale du vermis et du tronc. Figure 2. IRM T2, coupe coronale : polymicrogyrie. Figure 3. Échographie, coupe coronale : calcifications sous-corticales. On peut aussi observer une atteinte extracérébrale : calcifications péritonéales et placentaires, hydramnios, retard de croissance, neuropathie avec arthrogrypose, atteinte ophtalmique (rétinopathie, maculopathie, chorio-rétinite, atrophie optique) et surdité. Le syndrome de Zika congénital(7) comporte 5 critères majeurs : microcéphalie sévère avec collapsus cérébral, cortex épais avec calcifications souscorticales, cicatrice maculaire avec tache pigmentaire focale, contractures et hypertonie extrapyramidale. Le spectre clinique peut être très large, allant de la forme majeure (microcéphalie sévère, retard psycho-moteur, épilepsie) à des formes plus modérées(8) non microcéphales à la naissance, mais évoluant après 6 mois vers un retard psycho-moteur, une épilepsie, une atteinte oculaire, une arthrogrypose, une disproportion crânio-faciale et une microcéphalie. L’atteinte virale anténatale(9) aboutit à une atrophie cérébrale secondaire à une perturbation de la migration neuronale et de la formation du tube neural, surtout lorsque le virus est contracté précocement, au 1er trimestre de grossesse. Dans les formes modérées, on suspecte une cytotoxicité virale directe avec destruction des neuroprogéniteurs ou une inflammation persistante(8). Lorsqu’une infection à ZIKV est suspectée chez une femme enceinte exposée, le suivi échographique est capital à la recherche des anomalies fœtales cérébrales et extracérébrales. En cas de positivité, en plus de la PCR sanguine et de la sérologie maternelle, une amniocentèse est réalisée (caryotype, PCR CMV et PCR ZKV) et l’avis d’un Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) est sollicité(10). Si la femme enceinte exposée au ZIKV durant sa grossesse n’a pas d’anomalie fœtale, un bilan doit être réalisé à la naissance à l’enfant : – mesure du périmètre crânien ; – recherche de malformations associées ; – PCR ZIKV sang et/ou LCR ; – sérologie ZIKV avec IgM ; – fond d’œil et potentiels évoqués auditifs ; – imagerie cérébrale (ETF, IRM cérébrale). Cet enfant devra être suivi les premières années afin de dépister toute anomalie neuro-développementale et sensorielle. L’allaitement maternel reste conseillé car ses bénéfices sont supérieurs au risque de contamination post-natale(5). L’évolution clinique post-natale du syndrome de Zika congénital(11) est marquée par : – un retard psycho-moteur majeur ; – une hypertonie, une spasticité, une irritabilité ; – une absence de contact ; – des troubles de la déglutition avec retard de croissance ; – une épilepsie ; – une surdité et une malvoyance. La prise en charge est palliative et l’interruption de grossesse recevable après avis du CPDPN. Toute lésion cérébrale fœtale, dans un contexte d’exposition maternelle au ZIKV doit faire évoquer le syndrome de Zika congénital et justifier une prise en charge spécifique de la grossesse. Traitement Il est surtout préventif avec la lutte anti-vectorielle, la protection des femmes enceintes (report des voyages en pays endémiques), la prévention de la transmission sexuelle pendant six mois au retour du conjoint d’une zone endémique. En pratique, on retiendra Dans les pays où sévit le ZIKV, initialement considéré comme une arbovirose émergente bénigne, le risque majeur est la fœtopathie ou syndrome de Zika congénital(12), associée à une infection de la mère au 1er semestre de grossesse surtout. Les lésions cérébrales fœtales vont de l’atrophie cérébrale avec microcéphalie sévère et pronostic neuro-développemental catastrophique à des formes modérées ou mineures, sans microcéphalie, mais des trou bles cognitifs ou neuro-sensoriels probables à long terme. D’où les objectifs prioritaires de l’OMS de limiter l’extension de l’épidémie par une lutte anti-vectorielle drastique et une protection accrue des femmes en âge de procréer ou enceintes en attendant la disponibilité d’un vaccin ou d’un antiviral efficace. Des inconnues persistent au niveau de la pathogénie de la transmission materno-fœtale et l’évolutivité post-natale des nouveau-nés infectés asymptomatiques.

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