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Nutrition

Publié le 07 sep 2010Lecture 6 min

Quand introduire le gluten dans l’alimentation du nourrisson ?

P. MOLKHOU, Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris

Le gluten est un élément universel constitutif de l’alimentation qui peut poser des problèmes d’intolérance au moment de son introduction dans l’alimentation de l’enfant. L’étude de la physiopathologie de la maladie coeliaque nous aide à mieux comprendre les mécanismes de cette intolérance et finalement nous mène à énoncer des recommandations pour l’éviter.

Ce que nous enseigne la maladie coeliaque La maladie coeliaque (MC) est une maladie générale due à l’intolérance à la gliadine du blé et aux prolamines, qui associe une entéropathie, une atrophie villositaire et des manifestations autoimmunes. Le principal antigène en cause est un autoantigène, la transglutaminase tissulaire. Cette intolérance, dont le caractère définitif ou permanent n’est pas totalement établi, survient chez des sujets génétiquement déterminés, notamment porteurs des gènes HLADQ2 ou HLADQ8, qui développent diverses réactions si leur alimentation comprend des céréales contenant du gluten ou des prolamines. Cependant, seul un nombre relativement faible d’individus porteurs de ces gènes développent une intolérance au gluten, ce qui suggère que la survenue d’une MC n’est pas uniquement liée à des facteurs génétiques, mais aussi à des facteurs environnementaux. Les premières manifestations de la maladie se produisent entre 4 et 18 mois, souvent après le sevrage, lorsque les céréales sont introduites pour la première fois dans l’alimentation du nourrisson, ce qui a fait suspecter qu’une alimentation précoce contenant du gluten joue un rôle majeur dans le développement de la MC. L’arrêt de l’allaitement maternel conduit à la diversification alimentaire avec notamment l’introduction du gluten et d’autres allergènes alimentaires (protéines lactées bovines). La période où a lieu la diversification correspond par ailleurs à la survenue fréquente d’infections virales.   Des facteurs protecteurs ? H. Ascher et coll. (Suède) (1) ont montré en 1997 que la quantité de gluten ingérée a une influence sur la prévalence de la MC dans quatre populations (suédoise, finlandaise, danoise et italienne). Les auteurs ont observé une augmentation de la prévalence de l’intolérance du gluten (x 3 en 15 ans) pour une augmentation d’environ 4 fois de la quantité de céréales dans l’alimentation. La diminution des quantités de gluten ingérées se traduit par un retour à la prévalence observée avant l’enrichissement du régime en gluten (2). Toutefois, le lait maternel contient lui aussi du gluten (5 à 1 200 ng/ ml dans le lait mature d’une femme qui allaite ; et concentrations 6 fois plus élevées dans le colostrum) et des complexes gliadine-antigliadine. Le transfert de gliadine et de complexes immuns de la mère à l’enfant via le lait maternel joue un rôle déterminant dans le développement d’une réponse immune adaptée au moment de l’introduction du gluten dans l’alimentation de l’enfant. Le rôle protecteur de l’allaitement maternel à l’égard de la maladie coeliaque a été montré par plusieurs études suédoises. Cette protection dépend de la durée de l’allaitement (7 mois pour les nonintolérants au gluten et 5 mois pour les nourrissons avec maladie coeliaque), et de la date d’introduction des aliments non lactés (elle est un peu plus tardive chez les enfants non intolérants (à 4 mois) que chez les enfants intolérants (à 3 mois). Une métaanalyse a confirmé que l’allaitement maternel a un rôle protecteur contre la MC, surtout s’il est prolongé et s’il est associé à l’introduction du gluten. D’autres études sont cependant nécessaires pour confirmer ces données, et il reste à savoir si l’allaitement maternel ne fait que retarder l’apparition des symptômes ou s’il a un véritable effet protecteur permanent.   Quand introduire idéalement le gluten ? La date d’introduction du gluten dans l’alimentation de l’enfant dépend de la génétique et de l’environnement, mais aussi de l’enfant lui-même, notamment de la maturité de sa muqueuse intestinale et de sa maturité digestive.   ● Maturité de la muqueuse intestinale Il faut que la muqueuse intestinale de l’enfant soit suffisamment mature, c’est-à-dire vers l’âge de 3 mois, pour les amino-peptidases des entérocytes soient capables d’hydrolyser les protéines et les peptides « toxiques » censés jouer un rôle dans les mécanismes d’apparition de la MC. Interviennent des modifications de la trophicité et de la perméabilité de la muqueuse intestinale, qui permettent le passage d’un plus grand nombre de molécules, telle la gliadine, à travers les espaces intercellulaires puis la lamina propria, pour ensuite atteindre le plasma(2). Différentes pathologies, comme la malnutrition, avec atrophie villositaire, les infections virales (adénovirus 12, rotavirus) fréquentes chez les enfants jusqu’à 2 ans, ou encore l’allergie aux protéines du lait de vache, peuvent augmenter la perméabilité de la muqueuse intestinale.   ● La maturité digestive semble elle aussi jouer un rôle pour déterminer la date d’introduction du gluten. En effet, introduit trop tôt, avant 3 mois, le risque d’intolérance est multiplié par 3 et introduit trop tard, après 7 mois, le risque est multiplié par 4 comparativement à une introduction entre 4 et 6 mois.   Recommandations de l’ESPGHAN Ainsi, il semble exister une fenêtre idéale comprise entre 4 et 6 mois pour introduire le gluten dans l’alimentation du nourrisson, période confirmée récemment par une étude suédoise qui propose l’introduction du gluten en petites quantités et à doses progressives à partir de 4 mois. Le Comité nutrition de l’ESPGHAN (European Society for Paediatric Gastroenterology Hepatology and Nutrition) insiste sur le fait que l’allaitement maternel doit être fortement conseillé et encouragé pour tous les enfants, et en particulier chez ceux à risque d’intolérance au gluten, et qu’il soit poursuivi pendant la diversification. Il recommande par ailleurs que le gluten soit idéalement introduit entre 4 et 6 mois en commençant avec des quantités modérées et augmentées progressivement.   En pratique, on retiendra   Un enfant nourri au sein reçoit quotidiennement des complexe gliadine-antigliadine qui favorisent une réponse immune adaptée au moment de l’introduction du gluten dans son alimentation.   L’allaitement maternel doit être conseillé et encouragé, encore plus pour les enfants à risque d’intolérance.   Il existe une fenêtre au moment de la diversification alimentaire où le gluten doit être introduit, entre 4 et 6 mois.

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