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Rhumatologie - Os - Orthopédie - Traumatologie

Publié le 25 avr 2024Lecture 5 min

Une fracture très spontanée chez un adolescent en bonne santé

Pierre FRANCES1*, Vlada LIASCHENKO2*, Inès JOSE3*, Cécilia D’ANDREA4*

La rubrique « En direct des staffs » est ouverte à tout médecin d’un service de pédiatrie souhaitant partager avec les lecteurs de Pédiatrie Pratique les cas discutés dans son service et qu’il estime suffisamment intéressants et édifiants pour être portés à la connaissance de ses confrères.

Nous sommes appelés au chevet du jeune Thomas, 17 ans, qui présente une impotence fonctionnelle quasi totale au niveau de sa hanche droite. Ce dernier s’est réceptionné à très petite vitesse sur le mur de sa maison avec sa trottinette. Cliniquement, nous constatons une déformation de son membre inférieur droit qui est très algique. De ce fait, nous l’orientons directement, après lui avoir administré un antalgique, vers l’unité des urgences pédiatriques proche. Une radiographie est alors effectuée qui objective une fracture déplacée sous-trochantérienne droite avec une lacune osseuse (figure 1). Figure 1. Radiographie du fémur droit avec fracture déplacée et lésion ostéolytique ovalaire (flèche verte).   Compte tenu de la disproportion entre l’importance du traumatisme et les images radiographiques (lacune et fracture déplacée), le chirurgien orthopédique a demandé la réalisation d’autres examens paracliniques : - un scanner de la cuisse droite qui a montré une bascule vers le haut de la diaphyse fémorale distale, des esquilles corticales périfracturaires, mais surtout une lésion ostéolytique bien limitée de 5 cm (figure 2) ; - une IRM du bassin qui met en évidence une fracture sous-trochantérienne droite avec déplacement et une infiltration liquidienne diffuse des parties molles périfracturaires (figure 3) . Figure 2. Scanner de la hanche avec fragments osseux et plage d’ostéolyse. Figure 3. IRM du fémur avec présence de fragments osseux et d’une plage liquidienne diffuse au niveau des parties molles.   Compte tenu de ces éléments objectivés, le chirurgien orthopédique a effectué une prise en charge en deux volets : traitement chirurgical par ostéosynthèse de la fracture (figure 4), et en parallèle réalisation d’une biopsie au niveau de la zone ostéolytique du fémur. Figure 4. Ostéosynthèse au niveau de la fracture fémorale.   L’examen anatomopathologique, réalisé au décours de ce geste, a permis de poser le diagnostic de fracture secondaire à un kyste osseux anévrismal (KOA).   Le KOA   • Préambule(1,5) Cette anomalie dans la formation osseuse a été décrite pour la première fois par Jaffe et Lichtenstein en 1942. On observe rarement cette entité (0,14 cas/100 000 patients), et il semble que les patients de sexe féminin soient plus concernés par cette affection. On met en évidence le KOA chez les enfants ou les adolescents de moins de 20 ans. Des cas peuvent être décrits au-delà de 30 ans mais ils restent exceptionnels. On objective cette entité le plus souvent au niveau des métaphyses des os longs (dans plus de 40 % des cas). Le KOA est observé le plus souvent au niveau des membres inférieurs (fémur, tibia). Il peut également être objectivé au niveau des vertèbres (arc vertébral postérieur) ou au niveau de l’humérus et du bassin. Classiquement, deux types de KOA sont décrits : - le KOA primitif solitaire qui représente 70 % des cas ; - le KOA secondaire à une pathologie préexistante ou maligne (dans 30 % des cas). L’origine reste encore controversée. Il semble qu’un problème hémodynamique soit la clé du développement de cette entité (communication artérioveineuse, thrombose veineuse), problème à l’origine d’une majoration de la pression du flux sanguin. Par voie de conséquence, ce phénomène favoriserait une réaction tissulaire avec une hémorragie, mais également une résorption osseuse. Il est également possible que ces variations de flux puissent être secondaires à un traumatisme survenu à moyen ou long terme.   • Description clinique(1,4) Dans la très grande majorité des cas, cette entité est asymptomatique et le diagnostic est effectué tardivement (cas de fracture induite du fait de la fragilité osseuse). Dans ce cas de figure, le patient souffre d’une douleur favorisée par la fracture.   • Diagnostic(1,3,5) Deux examens paracliniques permettent la réalisation du diagnostic : • l’imagerie : - la radiographie permet d’objectiver la lésion lytique caractéristique du KOA qui est ovalaire ou arrondie (figure 1). Cette formation souffle le périoste et érode la corticale. Trois formes sont classiquement décrites suivant l’évolutivité de cette formation : la forme inactive bien limitée avec des cloisons et une ossification sous-périostée ; la forme active avec une ossification sous-périostée qui n’est pas continue en superficie ; la forme agressive avec ostéolyse mal définie en profondeur et en superficie, - le scanner qui objective un niveau liquidien qui est en fait une interface entre sang frais et plus ancien, - l’IRM met en évidence des images avec une densité qui n’est pas uniforme, mais aussi des logettes en T2 qui sont entourées par des septa ; • l’examen anatomopathologique : il doit être effectué pour déterminer avec exactitude l’origine primitive ou secondaire du KOA. Cet examen met en évidence un tissu spongieux avec des lacunes bordées par des septa. On objective également des cellules géantes, dont les noyaux sont assez volumineux et dont le nombre est assez limité (cela permet une différenciation avec une lésion maligne comme l’ostéosarcome télangiectasique).   • Les diagnostics différentiels(6,7,8) Deux doivent être abordés : - l’ostéosarcome télangiectasique, même s’il survient également chez des jeunes, présente des caractéristiques similaires en ce qui concerne les examens radiologiques. Par contre, au niveau histologique, on met en évidence un tissu nodulaire avec des septa plus épais et des cellules géantes nombreuses avec des noyaux de petite taille ; - le kyste osseux essentiel ou simple qui se caractérise par une localisation préférentielle similaire (fémur ou humérus), mais qui ne présente pas de cloisons ni de niveaux liquidiens lors de la réalisation d’examens d’imagerie.   • La prise en charge(2,3,4) Pour les formes non agressives, on se contente d’un suivi régulier afin d’évaluer un caractère agressif secondaire. Pour les autres formes, plusieurs types de traitement peuvent être proposés : - l’embolisation au moyen du N-2 butyl cyanoacrylate, mais qui est à l’origine de récidives (près de 40 % des cas) ; - la chirurgie (curetage simple) ; - la sclérothérapie par polidocanol ; - les traitements par voie générale comme les biphosphonates, certaines biothérapies (cas du dénosumab). En parallèle, comme dans notre cas clinique, il est nécessaire en cas de fracture déplacée d’intervenir en réduisant et en effectuant un traitement par ostéosynthèse.   Conclusion(7)   Ce cas clinique met en évidence une pathologie peu fréquente, mais qui peut être secondaire à un processus tumoral. Aussi est-il nécessaire pour tout professionnel en charge des enfants et des adolescents de ne pas méconnaître cette entité. En parallèle, cet article est l’occasion de parler d’une autre entité plus fréquente (1 cas/10 000 patients) qui est le kyste osseux solitaire. Cette anomalie du métabolisme osseux doit également être connue car elle survient, tout comme le KOA, chez les enfants ou les adolescents.    *1 Médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer 2 Externe, Montpellier 3 Interne en médecine générale, Montpellier 4 Médecin généraliste, Théza

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