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Allergologie - Immunologie

Publié le 05 juil 2023Lecture 4 min

CFA 2023 | Fréquence exponentielle des syndromes pollen-aliment

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

Il existe deux phénotypes de polysensibilisations polyallergies : l’un précoce, sévère, à prédominance génétique et l’autre à début retardé, réputé moins grave, mais qui, très dépendant des facteurs environnementaux, est devenu, depuis le début des années 2000, de plus en plus fréquent et parfois sévère.

Un début précoce et des comorbidités allergiques multiples sont un facteur de sévérité. Une étude de cohortes néonatales (en population générale) qui a colligé près de 1 500 enfants (680 pour l’étude MAS et 766 pour la cohorte PASTURE), a analysé quel avait été le devenir des nouveau-nés à l’âge de 6 ans sur le plan de l’allergie (dosage des IgE totales et IgE spécifiques). Les auteurs ont identifié quatre clusters : un groupe sensibilisé aux aliments, un autre avec une sensibilisation saisonnière, le troisième sensibilisé aux acariens et un cluster avec une sensibilisation multiple. Les patients de ce dernier sous-groupe étaient moins nombreux (22 sur 485), mais présentaient une maladie plus sévère, avec davantage d’asthme, de rhume de foin et d’eczéma, une fonction respiratoire plus altérée, des taux d’IgE totales plus élevés et une inflammation plus importante(1). De même, trois sous-groupes ont été identifiés parmi les patients allergiques à l’arachide de la cohorte européenne MIRABEL : un cluster de patients avec une allergie sévère et de nombreuses comorbidités (asthme, dermatite atopique, multiples allergies alimentaires), un cluster de patients avec une allergie sévère, mais peu de comorbidités et un cluster de patients avec une allergie légère. Le risque d’anaphylaxie était le plus élevé dans le groupe polycomorbidités(2). Le lien entre risque d’anaphylaxie et nombre de maladies allergiques est également retrouvé dans un autre travail portant sur 164 anaphylaxies auto-déclarées par 1319 adultes allergiques. Les patients avec 5 allergies avaient un risque d’anaphylaxie multiplié par 13,5 par rapport à ceux avec une seule allergie(3). Chez l’adulte, le score moyen de qualité de vie est significativement corrélé au nombre d’allergies alimentaires(4). L’autre phénotype à début retardé concerne le syndrome pollen-aliment. Autrefois dénommé syndrome oral, il s’est profondément transformé depuis les années 2000 ; très lié aux facteurs environnementaux, sa fréquence a explosé et il peut désormais être à l’origine de formes sévères. En comparant les dossiers des patients vus entre 2012-2018 à ceux des années 1993-1999, Jocelyne Just a mis en évidence que la fréquence des rhinites allergiques et des allergies alimentaires avait été multipliée par trois entre les deux périodes. Le pollen de bouleau était le premier responsable. Toutefois selon les régions il y a une grande diversité moléculaire des allergènes incriminés : Ole e1, Bet v1, Art v1, Amb a1, Phl p1, etc.(5).   Trois allergènes émergents à redouter Au sein de cette importante diversité d’allergènes impliqués dans le syndrome pollen-aliment, il convient de s’arrêter sur trois d’entre eux qui font nouvellement parler d’eux. Ce sont : nPru p7, Apig7 et les profilines. L’implication de nPru p7 a été mise en évidence par les Japonais qui avaient identifié des personnes allergiques aux fruits, avec des tests négatifs à Pr10 et à la profiline, mais positifs à nPru p7. Chez ces patients les fruits en cause étaient : les pêches (92,3 %), les abricots (61,5 %), les oranges (46,2 %) et les pommes (30,8 %). La plupart du temps ces sujets avaient une atteinte sévère avec un oedème facial (92,3 %) et des signes laryngés (66,7 %)(6). D’une façon générale, les sensibilisations à Pru p1 et Pru p4 ne donnent que des symptômes locaux, alors que celles à Pru p7 sont responsables de formes sévères avec un risque d’anaphylaxie(7). Un autre nouveau venu, l’Apig7 est à l’origine d’un syndrome céleri-armoise (du fait d’une communauté moléculaire entre Apig7 et Ar v1). Thermorésistant, il est lui aussi à l’origine de formes sévères(8). Troisième allergène émergent, les profilines (thermolabiles), qui étaient autrefois considérées comme sans gravité, peuvent aujourd’hui engendrer un syndrome pollen-aliment sévère. En effet, classée en fonction des symptômes cliniques et de la dose réactogène, la moitié des 26 patients d’une petite cohorte avec des taux élevés de profiline, avaient une forme légère, l’autre moitié une forme sévère. Dans ce groupe le rapport IgG4/IgE vis-à-vis des allergènes de graminées était plus bas que dans celui des formes non graves. Les auteurs en déduisent que la profiline est un allergène alimentaire dangereux chez les patients allergiques surexposés au pollen d’herbe(9).   Des facteurs de gravité La multiplicité moléculaire augmente le risque de sévérité du syndrome pollen-aliment. Ainsi, parmi une population d’enfants âgés de 4 à 18 ans souffrant d’une rhino-conjonctivite, ceux avec plus de deux panallergènes avaient une forme plus grave et plus de comorbidités allergiques (asthme, angio-œdème, dermatite atopique) que les enfants sensibilisés à un seul allergène(10). Enfin, certains cofacteurs augmentent le risque de formes graves. Parmi des patients atteints d’un syndrome pollen-fruit, on retrouve davantage de prise d’anti-acide, de pratique du jeûne, d’une consommation importante de liquides, d’exercice physique et d’AINS chez les patients qui ont fait une anaphylaxie que chez ceux sans cet antécédent(11). Enfin la concentration en pollen est un facteur aggravant. Il y a plus d’anaphylaxies en mai-juin qu’en janvier(12). Face à l’augmentation de fréquence et de gravité de ces tableaux de polysensibilisations polyallergies, on ne peut éluder la question des causes de cette évolution péjorative. Plusieurs pistes sont explorées : la perte de biodiversité qui désorganise le microbiome (digestif, cutané et respiratoire)(13), le réchauffement climatique qui modifie la nature des pollens ainsi que l’intensité et la durée des pics de pollinisation(14) et le régime occidental riche en produits finaux de glycation avancée qui favorisent un profil inflammatoire Th2(15).

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