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Allergologie - Immunologie

Publié le 19 nov 2021Lecture 17 min

L’immunothérapie curative en allergie alimentaire

Étienne BIDAT, Paris & Grégoire BENOIST, hôpital de jour asthme et allergies, service de pédiatrie générale, CHU Ambroise-Paré (AP-HP), Boulogne-Billancourt
L’immunothérapie curative en allergie alimentaire

Chez l’enfant présentant une allergie alimentaire persistante, les expositions alimentaires accidentelles sont à l’origine de réactions, parfois anaphylactiques. Le régime d’éviction peut être difficile à suivre, responsable de carences et de marginalisation. Les seules mesures de prise en charge étaient jusqu’à récemment le régime d’éviction couplé à l’apprentissage de la gestion d’une réaction allergique, idéalement dans le cadre d’une éducation thérapeutique. L’immunothérapie (IT) aux aliments modifie radicalement le traitement et le suivi de ces patients. L’IT est possible par voie orale (ITO), plus accessoirement par voie sublinguale (ITSL) et épicutanée (EPIT). L’ITO est la plus étudiée. Nous envisagerons dans cet article l’état des lieux actuel, sans occulter les questions non résolues, puis nous envisagerons les perspectives. L’ITO préventive ne sera pas abordée.

Depuis une vingtaine d’années, de grands progrès ont été faits dans l’immunothérapie aux aliments (IT). C’est un énorme espoir. L’IT modifie radicalement la prise en charge de l’allergie alimentaire. Dans les années 1990, l’IT a été essayée par voie sous-cutanée pour l’arachide. Cette voie d’administration a été abandonnée en raison d’un taux élevé de réactions systémiques. Actuellement, l’immunothérapie aux aliments par voie orale (ITO) est la plus documentée et utilisée. L’IT épicutanée (EPIT) est en cours d’étude. Les travaux sur l’IT par voie sublinguale (ITSL) sont marginaux. À ce jour, en raison du risque de réactions indésirables, y compris anaphylactique, l’ITO alimentaire n’est pas recommandée dans une pratique clinique de routine. En 2018, les recommandations européennes précisaient que « l’ITO pourrait être réalisée dans des centres de recherche ou dans des centres cliniques spécialisés pour l’immunothérapie contre les allergies alimentaires ». Ces recommandations de 2018 ne concernent pas les allergies alimentaires non IgE-médiées. Certains phénotypes d’allergies alimentaires pourraient peut-être s’affranchir des dernières recommandations européennes, avant tout certaines allergies à l’œuf et au lait de vache. Afin de faciliter et « baliser » le travail des médecins s’occupant d’allergies alimentaires chez l’enfant, avec un groupe d’allergologues-pédiatres, gastro-pédiatres, pédiatres, diététiciennes, nous avons proposé un « Guide pratique de la réintroduction des protéines du lait de vache ». L’ITO y était abordée de manière très pratique, avec une échelle d’aliments du commerce. Si initialement, l’objectif de l’IT était d’obtenir une guérison, le plus souvent on se limite à une augmentation du seuil de tolérance de l’aliment. Ceci améliore déjà considérablement la qualité de vie du patient. Historique L’ITO est la voie la plus ancienne et la plus étudiée. Le premier cas d’ITO est rapporté dans le Lancet en 1908. Un enfant présentant une allergie à l’œuf avec antécédent d’anaphylaxie a toléré cet aliment après introduction progressive de doses croissantes d’œuf. En France, l’ITO aux aliments est une pratique ancienne avec une première observation en 1956. En Italie, à partir des années 1980, Patriarca a publié de nombreuses observations. Plus récemment des petites séries, puis des essais ouverts puis randomisés confirment son intérêt. L’ITSL a été largement étudiée à partir des années 1980 pour les pneumallergènes. En reproduisant la même voie d’administration pour la noisette, une étude a été publiée en 2005 puis d’autres ont suivi pour l’arachide et le lait de vache. L’IT par voie épicutanée a été décrite par Vallery-Radot en 1921 pour les pneumallergènes. Cette technique a ensuite été utilisée empiriquement pour les allergènes respiratoires. Le terme EPIT a été introduit par le groupe de Gabriela Senti en 2009 lors de la première publication d’une étude contrôlée contre placebo pour les pollens. Cette technique a ensuite été appliquée pour le lait de vache et l’arachide par le biais d’un patch breveté, le Viaskin®. Objectifs de l’IT : désensibilisation ou tolérance L’ITO consiste en l’administration quotidienne par voie orale de l’allergène alimentaire, le plus souvent mélangé à un véhicule alimentaire. Par voie sublinguale, la technique est identique à celle utilisée lors des immunothérapies aux pneumallergènes, mais ici l’allergène est un aliment (ITSL). Par voie épicutanée, l’aliment est déposé sur la peau, à très petite dose, quelques microgrammes, par le biais d’un patch. Dans l’ITO et l’ITSL, les doses sont progressivement augmentées au cours des mois, voire des années. L’objectif est d’induire des changements de réactivité cellulaire et humorale vers une tolérance immunologique. Deux états immunitaires peuvent être obtenus, quelle que soit la voie d’administration, grâce à l’IT : désensibilisation ou tolérance. La désensibilisation se produit lorsque l’exposition quotidienne à l’allergène augmente le seuil de réactivité clinique. Les patients tolèrent plus de protéines alimentaires lors d’un test de provocation par voie orale (TPO), mais à l’arrêt ou interruption de la prise de l’aliment, la protection est perdue ou réduite. Pour la tolérance, l’aliment reste toléré, même après un arrêt prolongé des prises alimentaires. L’ITO recouvre des situations hétérogènes. L’ITO au lait de vache cuit et à l’œuf cuit doit être individualisée, car elle est déjà entrée dans la pratique courante. Pour l’ITO aux autres aliments, il persiste beaucoup d’interrogations. La question du maintien des résultats par l’entretien de la consommation ne se pose pas pour des aliments facilement ingérés plusieurs fois par semaine, comme pour le lait de vache et pour l’œuf. Un effet secondaire souligné est l’œsophagite à éosinophiles et l’anaphylaxie induite par l’aliment couplée à l’exercice. ITO au lait de vache et à l’œuf dans les allergies IgEmédiées ITO au lait de vache cuit L’ITO avec le lait de vache cuit dans l’allergie IgE-médiée a débuté à la suite des travaux de Nowak-Wegrzyn et coll. en 2008 puis de nombreuses autres publications ont permis d’affiner la pratique. Tous ces travaux montrent que dans les APLV IgE-médiées persistantes au-delà de l’âge habituel de guérison, certains enfants toléraient le lait cuit avant de tolérer le lait cru. En cas de tolérance du lait cuit, prouvée par TPO ou par l’histoire clinique, son introduction et sa consommation régulière accélèrent la guérison naturelle de l’APLV avec une tolérance pour toutes les formes de lait, cuite et crue. Ces données sont confirmées en 2015 par Leonard et coll. Pour l’ITO au lait cuit, nous renvoyons le lecteur au « Guide pratique de la réintroduction des protéines du lait de vache » publié dans la Revue française d’allergologie et perfectionnement en pédiatrie. Les différentes modalités de réintroductions et d’ITO, en fonction des phénotypes et endotypes, sont précisées. Un suivi est indispensable. Une tolérance pour le lait cuit en fin de protocole ne garantit ni la tolérance des autres formes ni des réactions ultérieures même à des doses de lait cuit précédemment tolérées. ITO à l’œuf cuit L’équipe de New York a reproduit en 2012 un protocole identique au lait cuit avec l’œuf cuit et montré des résultats comparables. Quand le patient tolère l’œuf cuit, la poursuite de la consommation d’œuf cuit facilite l’acquisition de la tolérance pour des formes d’œuf moins cuit. En 2018, une analyse Cochrane retrouve qu’une introduction progressive de l’œuf cuit sur 1 ou 2 ans chez les patients allergiques à l’œuf facilite l’acquisition de la tolérance. La majorité d’entre eux devient plus tolérante, alors que dans le groupe contrôle seule une minorité y parvient. Une tolérance complète est acquise chez 50 % du groupe traité contre 10 % dans le groupe éviction. Pour ceux recevant l’ITO, il est noté des effets indésirables, certains nécessitant une injection d’adrénaline, tandis que des patients arrêtent l’ITO. Chez des patients sélectionnés, il est donc possible de pratiquer une ITO à l’œuf cuit. Il est intéressant de noter qu’au cours de l’ITO, environ 10 % des patients préfèrent revenir à un régime d’exclusion. La tolérance acquise est parfois partielle pour l’aliment, ce qui est souvent bien suffisant pour les patients. Pour débuter une ITO à l’œuf cuit, si les parents ne peuvent pas rapporter un niveau de tolérance pour cet aliment en « vraie vie », un TPO est indispensable. Il permet de retenir pour l’ITO les patients qui ne réagissent pas à des doses infimes. Comme pour chaque ITO, il faut écarter des facteurs de risque (comorbidités telles qu’un asthme non contrôlé), s’être assuré d’un environnement familial propice à cette proposition et être certain de la capacité de l’entourage à gérer une réaction allergique (prescription d’un auto-injecteur d’adrénaline). Aucun seuil de test cutané ou d’IgE spécifiques ne permet d’éviter la pratique d’un TPO avec l’aliment cuit avant de débuter une ITO avec cet aliment. Dans certains cas, la probabilité de tolérance de l’œuf cuit est au mieux évaluée par l’histoire clinique (prise accidentelle) et le dosage des IgE spécifiques pour l’ovomucoïde (F233) qui peuvent assurer la tolérance de l’œuf cuit en petites quantités, comme dans les biscuits industriels. Comme pour le lait, nous nous aidons d’une échelle d’œuf qui prend en considération la quantité d’œufs, mais aussi son degré de cuisson. TO autre que lait et œuf cuit dans l’allergie IgE médiée De notre point de vue, il existe actuellement dans cette situation beaucoup d’incertitudes, avec les protocoles et produits actuellement disponibles (tableau). Âge de début de l’ITO Il est probable que l’ITO doit débuter chez le jeune enfant. Brian Vickery intitule un article : « L’immunothérapie orale précoce chez les enfants d’âge préscolaire allergiques à l’arachide est sûre et hautement efficace ». Les patients bénéficiant d’une ITO arachide étaient 19 fois plus susceptibles de consommer avec succès de l’arachide que des témoins appariés. Les effets secondaires au cours de l’ITO étaient fréquents, mais tous étaient légers à modérés. Ces résultats préliminaires, sur l’effet bénéfique d’une ITO précoce à l’arachide, chez des petits enfants, vont dans le sens d’études sur l’ITO par voie orale avec des gélules au contenu précis en allergènes d’arachide ; l’ITO est plus efficace chez les sujets jeunes, plus que chez l’adulte. Le succès du traitement par voie épicutanée est plus élevé chez les enfants plus jeunes (âge 4-11 ans vs > 11 ans). Une ITO précoce, voire très précoce, pose toutefois le problème de l’acceptation par l’enfant et la famille. Souhaits, motivation des patients… L’ITO n’est pas le plus souvent « un long fleuve tranquille ». Un suivi rigoureux est indispensable, des effets secondaires et accidents parfois anaphylactiques sont possibles. Lors du suivi d’un patient présentant une ou des allergies alimentaires, le choix de l’ITO doit lui revenir, ou à sa famille, après une information honnête. Dans notre pratique, une question est systématique lors du suivi d’un patient présentant des allergies alimentaires : « Que souhaites-tu voir évoluer dans tes allergies alimentaires ? ». Si un désir de « guérison » ou de consommation même partielle de l’aliment exclu est émis, une information de « l’état de l’art » sur l’ITO pour l’allergie spécifique que présente l’enfant est fournie. Un papier présentant le déroulement de l’ITO est remis. Dans le « Guide pratique de la réintroduction des protéines du lait de vache », nous proposons un document à remettre aux parents, avant de débuter l’ITO au lait de vache (LV), informant sur les contraintes, incidents et accidents. Phénotypage IgE, IgG4, TABH (et évolution) afin de cibler les patients Une question majeure est chez qui proposer une ITO. Elle a d’autant plus de chance d’être tolérée que l’enfant est jeune, n’a pas d’asthme, n’a pas présenté de réaction anaphylactique suite à la consommation de l’aliment, et que sa sensibilisation IgE évaluée par tests cutanés et IgE spécifiques est faible. Dans l’endotypage prédictif du succès d’une ITO, d’autres paramètres sont à considérer. Mindy Tsai et coll. ont mesuré longitudinalement, avant, pendant et après une ITO arachide, l’activation des basophiles dans le sang total ex vivo en réponse à une stimulation par l’arachide. Ils ont mesuré aussi les IgE et IgG4 spécifiques à l’arachide. Les participants débutant dans l’étude avec une faible réactivité des basophiles étaient plus susceptibles de réussir le traitement. Une suppression substantielle de l’activation des basophiles était nécessaire pour maintenir la tolérance clinique à long terme après l’arrêt de la prise d’arachide (acquisition d’une tolérance et non simple désensibilisation). Dans le futur, la biologie devrait aider à anticiper sur les résultats de l’ITO en termes de désensibilisation transitoire ou acquisition de la tolérance. Donc à mieux cibler les patients pouvant en bénéficier. Quels objectifs ? Guérison ou prévention des accidents par prise accidentelle Si initialement, l’objectif de l’IT était d’obtenir une guérison, le but souvent recherché est d’éviter les accidents par prise accidentelle en augmentant le seuil de tolérance de l’aliment. Ceci sécurise et améliore déjà considérablement la qualité de vie du patient. L’ITO avec des petites doses d’allergènes est efficace, elle permet d’obtenir dans un premier temps une désensibilisation pour ces doses, puis à terme une tolérance. Cette technique d’ITO à petites doses est bien tolérée chez les enfants qui présentent une allergie alimentaire sévère avec anaphylaxie. Elle a actuellement la préférence de nombreuses équipes, car il apparaît important de mettre le patient à l’abri de l’accident anaphylactique plus que d’obtenir une guérison, et de ne pas imposer un traitement trop contraignant. Quels protocoles ? Une ITO à faible dose apparaît donc comme une option de traitement prometteuse, efficace et sans danger pour les enfants allergiques notamment à l’arachide, entraînant une amélioration de la qualité de vie, un faible taux d’effets secondaires et des modifications immunologiques montrant un développement de la tolérance. Un dégoût peut parfois s’installer, responsable d’un arrêt de l’ITO par le patient. La dose d’entretien d’arachide n’est pas encore fixée. Plus elle est élevée, plus les effets secondaires sont importants. Pour obtenir une protection vis-à-vis des prises accidentelles, Blumchen et coll. montrent qu’une dose d’entretien faible peut être suffisante. Une question majeure est de savoir pendant combien de temps il faut poursuivre la prise quotidienne d’arachide, et à quelle dose. Dans une étude de méthodologie exemplaire avec un suivi de 24 mois, chez les participants qui avaient reçu des quantités croissantes d’arachide, 83 % passaient le TPO arachide à 4 000 mg de protéines d’arachide sans réaction contre seulement 4 % dans le groupe placebo. Les patients sous ITO qui ont réussi le TPO ont ensuite été randomisés pour recevoir soit un placebo, soit une dose quotidienne de 300 mg de protéines d’arachide. Un an plus tard, uniquement 37 % de ceux recevant 300 mg de protéines d’arachide toléraient 4 000 mg de protéines d’arachide contre 13 % de ceux dans le groupe placebo. Les marqueurs biologiques (IgE spécifiques, IgG4, test d’activation des basophiles) en cours d’ITO permettent de prévoir les patients qui vont maintenir leur tolérance. Il est donc possible de désensibiliser les personnes allergiques à l’arachide à 4 000 mg de protéines d’arachide, avec un bon taux de succès, mais l’abandon, voire la réduction à 300 mg par jour de protéines d’arachide, s’accompagne souvent d’une nouvelle réactivité à des doses élevées d’arachide. Quel risque légal ? À ce jour, en raison du risque de réactions indésirables, y compris anaphylactique, l’ITO alimentaire n’est pas recommandée dans une utilisation clinique de routine. En 2018, les recommandations européennes précisent « qu’en tenant compte à la fois des problèmes actuels et des lacunes, l’ITO pourrait être réalisée dans des centres de recherche ou dans des centres cliniques spécialisés pour l’immunothérapie contre les allergies alimentaires ». Le médecin isolé, ou le service hospitalier non spécialisé qui pratiquent des ITO le font sous leur responsabilité, en dehors des recommandations… avec un risque potentiel de condamnation en cas d’accident. De notre point de vue, à ce jour, l’ITO, en dehors de celle au lait et à l’œuf cuit, pose de nombreuses questions et ne peut pas être banalisée. Elle doit être réservée aux centres cliniques spécialisés pour l’im-munothérapie contre les allergies alimentaires. L’avenir à court terme ITO sous omalizumab L’ITO sous omalizumab est actuellement rapportée dans des petites séries. Elle pourrait prendre une place plus importante dans l’avenir. L’intérêt de l’omalizumab chez les poly-allergiques alimentaires est probable, surtout pour éviter les réactions sévères lors des prises accidentelles. Une étude américaine vient de démarrer : OUtMATCH pour Omalizumab as Monotherapy and as Adjunct Therapy to Multi-Allergen Oral Immunotherapy in Food Allergic Children and Adults (communiqué NIH août 2019). Elle testera l’intérêt d’injections mensuelles ou bimensuelles d’omalizumab, seul ou associé à une immunothérapie orale multi-allergènes, pour augmenter la tolérance des aliments auxquels le patient est allergique. L’ITO se fera avec des petites quantités de plusieurs aliments avec un accroissement progressif des doses dans un environnement contrôlé. Le but est de voir si les schémas thérapeutiques testés préviennent les réactions allergiques à de petites quantités d’aliments qui peuvent être consommées de manière non intentionnelle, atténuant ainsi le danger de réaction sévère des poly-allergiques alimentaires. L’étude vise à recruter 225 participants âgés de 2 ans à moins de 56 ans présentant une allergie à l’arachide et à au moins deux autres aliments, tels que le lait de vache, le blanc d’œuf, le blé, la noix de cajou, la noisette ou la noix. Dans cette étude, l’objectif est de prévenir les accidents lors des prises accidentelles, et non d’obtenir une guérison. L’immunothérapie par voie épicutanée L’IT par voie épicutanée (EPIT) consiste à déposer l’allergène alimentaire sur la peau par un patch. L’épiderme n’étant pas vascularisé, les risques d’effets secondaires notamment systémiques sont limités. Actuellement, dans les études publiées, les effets secondaires sont uniquement locaux. L’essai PEPITES (Peanut EPIT Efficacy and Safety Study), étude contrôlée randomisée de 12 mois chez des enfants allergiques à l’arachide, a rapporté l’efficacité et l’innocuité de l’EPIT pour l’allergie à l’arachide (250 g par jour de protéine d’arachide par voie épicutanée) tout spécialement chez les enfants âgés de 4 à 11 ans. L’efficacité et la sécurité de deux années supplémentaires ont été étudiées dans l’étude PEOPLE (PEPITES Open-Label Extension). Avec la prolongation du traitement, il y a une amélioration des résultats. Au 36e mois, 51,8 % des sujets ont toléré une dose de plus de 1 000 mg de protéines d’arachide (environ 4 cacahuètes), contre 40,4 % au 12e mois ; 75,9 % ont eu une augmentation de la dose de déclenchement ; 13,5 % ont toléré un TPO de 5 444 mg de protéines d’arachide. La dose réactive cumulative médiane est passée de 144 à 944 mg de protéines d’arachide. Les réactions cutanées locales au site du patch étaient fréquentes, mais ont diminué avec le temps. Il n’y a pas eu d’utilisation d’adrénaline liée au traitement au cours des années 2 ou 3. L’observance était élevée (96,9 %) et les abandons en raison d’événements indésirables liés au traitement étaient faibles (1 %). Des études avec ce dispositif sont en cours pour d’autres aliments. L’EPIT, traitement bien toléré, pourrait être un premier palier chez les allergiques très réactifs, avant d’envisager une ITO. Le PalforziaTM premier traitement commercialisé pour l’allergie à l’arachide Il est commercialisé depuis peu aux États-Unis. Les règles de prescription sont strictes. Le PalforziaTM est réservé à des structures « référencées » qui peuvent initier et suivre le traitement, donc prendre en charge des anaphylaxies. Le PalforziaTM se présente sous forme de gélules au contenu précis en allergènes d’arachide. Le premier jour, sous contrôle médical, des doses croissantes sont administrées, puis elles sont augmentées tous les 15 jours, toujours sous contrôle médical. En quelques mois, la dose d’entretien est atteinte et maintenue tous les jours. Dans l’essai pivot de phase 3, les résultats sont probants chez les enfants de 4 à 17 ans. Ces enfants ont une allergie alimentaire à l’arachide le plus souvent sévère. Seulement 4,0 % des enfants ayant reçu le placebo ont pu ingérer une dose de 600 mg ou plus de protéines d’arachide sans symptôme (soit deux grosses cacahuètes), comparé à 67,2 % de ceux ayant reçu le PalforziaTM. Lors du TPO de fin d’études, les symptômes étaient modérés chez 25 % des participants du groupe PalforziaTM contre 59 % chez ceux du groupe placebo et sévère dans 5 % et 11 %, respectivement. Les événements indésirables pendant la période d’étude ont été observés chez plus de 95 % des participants âgés de 4 à 17 ans : 34,7 % des participants du groupe de médicaments actifs ont eu des événements bénins, contre 50,0 % dans le groupe placebo ; 59,7 % versus 44,4 % ont eu des événements classés comme modérés, et 4,3 % versus 0,8 % ont eu des événements classés comme graves. Les questions encore sans réponse sont : la du rée optimale de traitement et sur quels critères sera-t-il possible de l’arrêter ? On peut aussi espérer qu’un phénotypage et un endotypage plus précis des patients permettront de mieux identifier la population et d’améliorer les résultats, qui sont déjà très satisfaisants. Le PalforziaTM devrait être commercialisé prochainement en Europe. Il est probable que l’initiation du traitement sera également réservée aux structures habituées à prendre en charge les allergies alimentaires de l’enfant. Conclusion L’IT est un important changement dans le paradigme du traitement de l’allergie alimentaire. Néanmoins, à ce jour, les recommandations européennes conseillent de ne pas pratiquer l’ITO en ville et en pratique courante en raison d’un rapport bénéfice/risque encore incertain. Ces recommandations semblent éloignées de la pratique de terrain. Cette discordance est toutefois à rattacher à l’hétérogénéité des situations. Il serait souhaitable que les recommandations soient modulées en fonction de nombreux facteurs : mécanisme de l’allergie (IgEmédiée ou non IgE-médiée) ; aliment en cause ; phénotype de l’allergie alimentaire. Deux spécificités sont à souligner : l’ITO au lait et à l’œuf cuits qui est déjà entrée dans la pratique courante des allergologues rompus à l’allergie alimentaire. Dans tous les cas, l’IT ne peut être proposée qu’à des familles motivées, ayant eu une éducation thérapeutique solide, et qui ont compris les enjeux et les risques. Si l’objectif de l’IT est d’améliorer la qualité de vie du patient et de sa famille, il ne faut pas, dans une approche pragmatique, chercher obligatoirement la guérison, mais plutôt obtenir un seuil de tolérance de l’aliment qui facilitera la vie sociale. C’est d’ailleurs ce que les patients font d’eux-mêmes au fil des années. Les effets secondaires observés lors de l’ITO nécessitent un accompagnement régulier du patient et de sa famille, y compris à très long terme.  

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