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Dermatologie

Publié le 21 oct 2020Lecture 9 min

Pathologie vulvaire pédiatrique

Clarence de BELILOVSKY, Consultation dermatologie-pathologie vulvaire, Institut Alfred Fournier, Paris
Pathologie vulvaire pédiatrique

Chez la petite fille et l’adolescente la vulve présente des particularités et des pathologies spécifiques que détaillent Clarence de Belilovsky (dermatologue, Paris) dans cet article.

Particularités de la vulve en pédiatrie L’anatomie vulvaire La vulve de la petite fille est très différente de celle de l’adulte. Le clitoris est moins développé et par conséquent le capuchon clitoridien moins proéminent, de même que les grandes lèvres, les petites le sont peu ou pas, la distance entre l’orifice vaginal et anal est plus courte que celle de l’adulte et la fourchette postérieure très fragile. Le vestibule apparaît souvent rouge et l’hymen est visible sous la forme d’un anneau plus ou moins large. Les poils pubiens sont absents et la muqueuse vulvaire est dans son ensemble plus fine et fragile que celle de l’adulte, du fait d’un manque d’œstrogènes. Ce manque est également responsable d’une flore vaginale différente : chez l’adulte, ce sont les lactobacilles qui prédominent, avec la présence de germes anaérobies et parfois de Candida albicans, et le pH est acide alors que chez l’enfant ce sont schématiquement les bactéries gram positif et négatif qui prévalent avec moins de sécrétions et un pH alcalin. L’examen Effectué en position de la grenouille, le maître-mot est de rassurer les parents et l’enfant, de ne pas « écarter » les lèvres latéralement pour ne pas créer de tension sur la fourchette, ce qui risque de provoquer une forte douleur, voire une fissure. La pression voire la légère extension des grandes lèvres ouvre naturellement le vestibule. Les principales pathologies à l’âge prépubère Une revue publiée en 2000 et concernant 130 petites filles prépubères a comptabilisé : 33 % de dermites de contact allergiques, irritantes ; 18 % de lichen scléreux ; 21 % de psoriasis ; 12 % de lésions de type hémangiome ou nævi ; 10 % de vulvites streptococciques. Les autres étiologies étaient : folliculite staphyloccique, fusion petites lèvres, condylomes, molluscum contagiosum, gale, dermatophyte et vitiligo. Les dermites du siège du nourrisson Classiquement, l’érythème fessier est une dermite irritative liée au contact prolongé avec les urines et les selles, à la macération et aux couches. Il siège le plus souvent sur les convexités et réalise une image en W, épargnant initialement les plis. En cas d’atteinte des plis, il faut évoquer une candidose, une anite streptococcique ou une autre infection. En cas d’atteinte diffuse du siège, des dermatoses telles que le psoriasis et l’eczéma de contact sont possibles. Le psoriasis des langes ou « napkin psoriasis » peut réaliser une rougeur diffuse, homogène, très bien limitée sur les zones convexes, avec une atteinte caractéristique du pli interfessier centrée par une fissure. Les squames blanches typiquement visibles sur la peau sont ici absentes en raison de la macération. Il existe une forme des plis appelée « psoriasis inversé » qu’il est souvent dif- ficile de différencier d’un intertrigo candidosique et qui nécessite un prélèvement mycologique pour confirmer le diagnostic. Le traitement repose sur des crèmes protectrices, des crèmes « barrière » avec un recours le plus court possible à des corticoïdes légers si besoin. Ce psoriasis vulvaire peut surgir à n’im- porte quel âge et en particulier à l’adolescence (figure 1). L’aspect cli- nique est identique et les poussées souvent induites par le stress. La recherche d’un psoriasis du cuir chevelu, des oreilles, des coudes et des genoux aide au diagnostic.   Un eczéma de contact est également à envisager en cas d’érythème fessier résistant aux traitements simples. Ce peut être une allergie à un des constituants des couches, et en particulier aux élastiques, réalisant une image de dermite en « Lucky Luke ». Les lavants et topiques peuvent éga- lement être en cause. En présence d’autres lésions cutanées, des diagnostics plus rares tels que l’acrodermatite entéropathique (atteinte péribuccale), l’histiocytose langerhansienne (papules érosives dans d’autres plis et sur le cuir chevelu), etc. doivent être évoqués. Chez les enfants atopiques, la localisation sous les couches est rare en raison du caractère humide de la zone. Figure 1. Psoriasis. Les vulvo-vaginites de la petite fille C’est le plus fréquent des problèmes gynécologiques chez l’enfant, responsable de 75 % des causes de prurit vulvaire. Ces vulvo-vaginites apparaissent entre 2 et 9 ans (maximum 3-5 ans) lorsqu’à l’école maternelle, les enfants font l’apprentissage de la propreté. Ces vulvites sont liées à un contact des urines avec la peau, aux germes fécaux qui colonisent vulve et vagin, à l’abus de substances chimiques (savons, bains moussants, shampoing), aux sous-vêtements synthétiques (discuté), aux vêtements serrés... à la mauvaise hygiène des mains. Les symptômes sont le prurit (50 %), les sensations de brûlure (75 %), des douleurs (25 %), et/ou une dysurie (20-30 %), avec ou sans perte vaginale. Ces vulvo-vaginites sont le plus souvent non spécifiques (85 %) : germes d’origine fécale non pathogènes, streptocoque, Haemophilus influenzae, anaérobies. Ainsi, un prélèvement mycobactériologique locale est inutile dans la plupart des cas. On ne retrouve de germes pathogènes que dans 16 % des cas : Steptocoques pyogènes.   Ce ne sont pas des candidoses. En effet, en raison de son microbiote vaginal particulier, l’enfant ne développe pas de candidose, lesquelles apparaissent à la puberté avec la poussée d’œstrogènes. Ces vulvo-vaginites de la petite fille peuvent cacher des problèmes dermatologiques (adhésion des petites lèvres, lichen scléreux, eczéma ou psoriasis), mais ce sont surtout les oxyures, la présence d’un corps étranger intravaginal, des infections urinaires et/ou un reflux-vésico-urétral qu’il faudra rechercher en cas de résistance à un traitement simple. En effet, les simples conseils d’hygiène sont efficaces dans 75 % des cas avec des lavants à base de cuivre et zinc, ayant des propriétés apaisantes, cicatrisantes et respectant la flore bactérienne. Des crèmes ou lotions apaisantes, protectrices peuvent être recommandées. Un élément majeur du traitement est de rassurer les mamans. Le lichen scléreux (LS) Quinze pour cent des LS sont diagnostiqués avant la puberté (moyenne 7 ans). Il atteint 1/900 petites filles. Le symptôme d’appel classique est le prurit présent dans 78 % des cas, mais donc absent dans près de 20 % des cas ce qui n’élimine pas le diagnostic. La présence de symptômes gastrointestinaux est une particularité pédiatrique (89 %), avec une constipation sévère dans 67 % des cas. Cliniquement, c’est la seule dermatose à réaliser des plaques blanches, brillantes, nacrées et porcelainées des espaces interlabiaux principalement, mais aussi du capuchon clitoridien, du périnée et de la région périanale (image en 8 de chiffre) (figure 2). La fragilité du derme provoque souvent de petites hémorragies sous-épithéliales et des fissures dans les plis, signes cliniques qui ne doivent pas faire affirmer un abus sexuel si d’autres signes cliniques de LS sont présents. Figure 2. Lichen scléreux chez un enfant. Le LS peut débuter à l’adolescence et le diagnostic parfois tardif amène à voir des jeunes filles avec un LS à un stade avancé avec une synéchie partielle, voire totale, du capuchon clitoridien et/ou des petites lèvres, ce qui peut donner un aspect atrophique (figure 3). La présence de zones sombres correspond à une pigmentation post-inflammatoire sans danger. Une biopsie n’est pas indispensable au diagnostic, mais utile en cas de doute. Figure 3. Lichen scléreux chez une adolescente avec atrophie des petites lèvres. Contrairement à ce qui a été longtemps cru, le LS de la petite fille n’a pas tendance à disparaître à la puberté et est tout aussi chronique que celui débutant à l’âge adulte : persistance dans 75-80 % des cas avec risque d’atrophie des reliefs irréversible. Ainsi, une surveillance à vie est recommandée. Le LS est une maladie auto-immune avec présence d’anticorps anti matrice extracellulaire dermique (auto-anticorps anti- ECM-1). Il existe des formes génétiques : 12 % des cas. Ainsi, une information et un dépistage à d’autres membres de la famille peuvent permettre un diagnostic plus précoce. Il semble que ces formes familiales aient un risque carcinologique plus élevé que les formes classiques (2 fois). Le traitement du LS pédiatrique repose sur les corticoïdes locaux « puissants » à « très puissants » : une application par jour pendant 1 à 2 mois, puis 2 fois par semaine en continu pendant 6 à 12 mois et souvent plus longtemps. Un traitement d’entretien durant plusieurs années est souvent recommandé. Une surveillance régulière est indispensable pour évaluer la qualité d’application des topiques, baisser la force du corticoïde si besoin, éventuellement introduire le tacrolimus. En effet, une résistance au traitement correspond le plus souvent à un traitement mal appliqué. Diagnostics différentiels Le vitiligo représente le principal diagnostic différentiel du LS. La dépigmentation n’y altère pas la qualité de la peau et est globalement asymptomatique (figure 4). Une repigmentation partielle ou totale peut être obtenue avec des applications prolongées de corticoïdes locaux, mais surtout de tacro- limus qui évite les risques d’amincis- sement cutané et de vergetures.   La coalescence de petites lèvres peut également être confondue avec un LS. Elle survient chez 0,6 à 3 % des petites filles, entre 3 mois et 3 ans. Elle peut être asymptomatique ou provoquer irritation, douleur, infection urinaire. On observe 80 % de résolution spontanée en un an. Ainsi, le traitement n’est pas indispensable, mais peut comporter des œstrogènes topiques (50 % résolution 3 semaines), des corticoïdes locaux, des crèmes barrières. La chirurgie doit rester exceptionnelle en raison de la fréquence très élevée des récidives. Figure 4. Vitiligo. Les lésions viro-induites Les condylomes soulèvent souvent la question de la contamination, du risque d’infection sexuellement transmissible (IST) et donc d’abus sexuel. Leur transmission est parfois périnatale et plus souvent par hétéro- ou auto-inoculation. Ils sont liés à HPV6, 11 et 2 et le typage viral n’est pas la solution pour savoir s’il existe la possibilité d’un abus sexuel. Un argument en faveur d’un tel abus est l’âge : un abus est soupçonné si les condylomes apparaissent après l’âge de 4 ans et commun après l’âge de 8 ans. Il faut alors chercher des traumatismes, faire une évaluation psychologique, et au besoin, hospitaliser l’enfant. Cliniquement, les condylomes siègent le plus souvent en région périanale (65 %) et ano-génitale (25 %) (figure 5). Une résolution spontanée s’observe le plus souvent dans les 3 ans suivant la naissance. Si un traitement est nécessaire, imiquimod, podophyllotoxine, laser et chirurgie peuvent être utilisés. Le principal diagnostic différentiel est représenté par les molluscum contagiosum. Banale chez l’enfant, cette infection virale est considérée comme une IST chez l’adolescente ayant eu des rapports sexuels. Le traitement repose sur l’azote liquide ou la curette. Figure 5. Condylomes. Ulcération aiguë non vénérienne de la vulve de Lipschutz Il s’agit d’une ulcération vulvaire non vénérienne qu’il convient de distinguer de la primo-infection herpétique. Elle atteint de jeunes adolescentes, vierges dans la majorité des cas. Elle s’accompagne dans 9 cas sur 10 de prodromes : gastriques, respiratoires avec fièvre. Le début est brutal avec une douleur extrêmement intense. L’ulcération est très large et profonde, unique ou multiple (figure 6). L’étiologie la plus souvent identifiée est la primoinfection à Epstein-Barr virus (EBV), mais d’autres virus sont possibles. Le bilan recommandé comporte : NFS, sérologies EBV et CMV avec IgM, Mycoplasma pneumoniae, toxoplasmose, VIH, syphilis et prélèvement local bactérien, viral (herpès), mycologique. Il ne doit pas retarder le traitement dont le but principal est de soulager ces jeunes patientes. Il faut avant tout nommer la maladie, expliquer que ce n’est pas une IST (en particulier pas de l’herpès) et rassurer. Pourront être recommandés des anesthésiques locaux, des corticoïdes locaux, des opioïdes contre la douleur, des antibiotiques en cas de nécrose, voire une hospitalisation. Des récidives sont possibles. Figure 6. Ulcération aiguë non vénérienne de Lipschutz. Les causes les plus rares Parmi ces causes, on peut citer : – le « perineal groove » du nourrisson, ou rainure périnéale congénitale, qui est une anomalie raphé médian se présentant sous la forme d’une lésion érythémateuse suintante et fissuraire du périnée, le plus souvent de résolution spontanée, mais nécessitant parfois une chirurgie ; – la protrusion périnéale infantile, souvent liée à la constipation, de résolution spontanée, mais certains cas ont été décrits au cours du LS ; – la maladie de Crohn vulvaire, qu’il faut suspecter devant une ulcération ou un œdème isolé des grandes lèvres, un abcès marge anale (25 %). Elle précède souvent l’atteinte digestive et nécessite une biopsie à visée diagnostique ; – le fibrome vulvaire prépubertaire, qui apparaît comme une voussure assez ferme d’une grande lèvre et dont le diagnostic repose sur biopsie, échographie et IRM. La chirurgie est discutée en raison du fort taux de récurrences (50 %) ; – le rhabdomyosarcome vaginal, qui représente 3 à 4 % des cancers pédiatriques, se manifeste par un saignement et une masse vaginale polypoïde.

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