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ORL et Stomatologie

Publié le 22 mar 2022Lecture 5 min

Pose d’aérateurs transtympaniques : suivi à 25 ans

Alain LONDERO, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris

L’otite séro-muqueuse (OSM) est une pathologie pédiatrique fréquente qui est favorisée par l’immaturité immunitaire, la survenue d’otites moyennes aiguës (OMA) et les conditions anatomiques locales. Sa détection et sa prise en charge sont bien standardisées dans les pays nordiques, en particulier au Danemark où a été réalisée cette étude de suivi longitudinal à très long terme.

Au Danemark, le diagnostic d’OSM est généralement porté par les médecins généralistes qui réalisent une tympanométrie (sensibilité du test 97 %) de façon systématique lors des 7 examens de surveillance pédiatrique obligatoires (1, 5 et 12 mois puis 2, 3, 4 et 5 ans). En l’absence de complication, l’attitude préconisée en première intention est la surveillance sur une période de 3 mois. En cas de persistance de l’OSM, un traitement est proposé : soit une antibiothérapie, soit la pose d’aérateurs trans-tympaniques (ATT) après avis spécialisé ORL. Les avantages à court terme de la pose d’ATT, en particulier en ce qui concerne les capacités auditives des enfants traités, ne portent pas à discussion. Il n’en est pas de même pour les risques iatrogènes des ATT à longue échéance qui restent quant à eux encore débattus. L’objet de cette étude est de rendre compte des résultats de la surveillance durant 25 ans de patients ayant bénéficié de la pose d’ATT dans leur enfance. Matériels et méthodes Deux cent soixante-deux enfants âgés de 0 à 9 ans ont pu bénéficier de la pose d’ATT (sous anesthésie locale dans la grande majorité des cas) durant la période 1975 à 1978. Les enfants ont ensuite été suivis tous les 3 mois pendant la période de port des ATT et ce jusqu’à leur extrusion. Si besoin, les épisodes d’otorrhée ont été traités par soins locaux sous microscope et éventuellement antibiothérapie. Les enfants ont été systématiquement revus 3 mois et un an après l’expulsion des ATT. En cas de récidive de l’OSM, des ATT ont été reposés selon le même protocole. En 1986-1987, 191 patients (73 % de la population initiale) ont été évalués, puis 164 patients (63 % de la population initiale) en 1990-1991. Ces données ont fait l’objet de publications antérieures. En 2003-2004, sur les 164 sujets contactés, 58 n’ont pas répondu à la lettre de relance et 14 ne se sont pas présentés à la convocation. Ce sont donc les données concernant les 92 patients ayant été évalués en 2003-2004, avec 25 ans de recul, qui sont analysées dans cet article : soit 35 % de la population initiale. Il s’agissait de 171 oreilles traitées, avec des ATT posés une fois (44 %), deux fois (31 %), trois fois (12 %) et quatre fois ou plus (13 %). Les données démographiques et les données concernant la sévérité initiale de l’OSM ne montrent pas de différence significative entre les populations étudiées en 1986-1987 et en 1990-1991, et celle étudiée en 2003-2004. Malgré un taux non négligeable de perdus de vue, cette dernière reste donc représentative de la population initiale. Après un interrogatoire permettant d’évaluer la survenue d’épisodes otologiques dans les 13 années venant de s’écouler, les 92 sujets ont pu bénéficier d’un bilan ORL. Celui-ci comprenait examen otoscopique au microscope pour évaluer l’aspect du tympan et le degré de rétraction tympanique, une tympanométrie et une audiométrie tonale (toute altération supérieure à 10 dB de perte moyenne était considérée comme significative). Résultats • Épisodes ORL : durant la période de surveillance de 13 ans, 92,5 % des sujets n’ont pas eu d’épisode aigu otologique, alors que 3,5 % d’entre eux ont eu un seul épisode d’OMA et 4 % plusieurs et/ou une paracentèse et/ou une pose d’ATT. • Pathologie de la pars flaccida : aucune rétraction de la pars flaccida, selon la classification Tos, n’était notée dans 131 oreilles (76,6 %). Elle était légère (types I et II) dans 36 oreilles (21,1 %), plus sévère de type III (aucun type IV) dans 4 oreilles (2,3 %). Ces données étaient équivalentes à celles de 1990-1991. • Pathologie de la pars tensa : aucune atrophie n’était notée dans 117 oreilles (68,4 %) et une atrophie mineure dans 23 oreilles (16 %). Une atrophie plus diffuse avec incudopexie était retrouvée dans 31 oreilles (18,1 %), ce qui est significativement plus fréquent que lors des évaluations antérieures. Une seule oreille présentait une perforation paracentrale (0,6 %). Il n’était pas visualisé de myringosclérose pour 95 oreilles (55,9 %), elle était partielle pour 55 oreilles (32,4 %). Elle était plus diffuse, en fer à cheval, dans 21 oreilles (12,4 %). Une oreille a été exclue car présentant un cholestéatome iatrogène secondaire à une tentative de myringoplastie. Le risque de survenue de pathologie tympanique séquellaire semblait plus important plus les enfants traités tardivement après 2 ans. • Audiométrie : les seuils audiométriques étaient normaux (> 20 dB HL) pour 152 oreilles (89 %), sans modification significative en moyenne par rapport aux valeurs retrouvées en 1990-1991. • Tympanométrie : des courbes A ou C1 étaient présentes pour 164 oreilles (95,9 %). Seules 5 oreilles (2,9 %) montraient des courbes aplaties de type B ou C2. Quant aux courbes de type D, qui constituent une mesure objective de l’atrophie tympanique, elles étaient présentes 59 oreilles (34,7 %). Les auteurs ont noté une corrélation entre présence d’une atrophie tympanique et d’une dysfonction tubaire et la détérioration des seuils auditifs. Discussion Les auteurs ont conclu que la prise en charge protocolisée de l’OSM au Danemark permet de préserver l’audition avec un risque mineur de survenue de per foration séquellaire malgré la pose d’ATT souvent itérative. Ils ont signalé cependant qu’une surveillance s’avère nécessaire car l’évolution vers une rétraction et une sclérose tympanique sont possibles même à très long terme. Et que ce risque, et le déficit auditif afférent, est plus important pour les sujets ayant été traités tardivement initialement, après l’âge de 2 ans. On retiendra également quelques différences avec le diagnostic et la prise en charge en France, en particulier en ce qui concerne le rôle essentiel joué par les médecins généralistes au Danemark dans le dépistage précoce de l’OSM et la préférence donnée, même dans la population pédiatrique, à la pose d’ATT sous anesthésie locale, ce qui n’est pas la règle en France. On regrettera également qu’aucune information ne soit donnée sur le type d’aérateur mis en place (de type yoyo ou de type T-Tube) et sur les différences d’évolution de l’aspect tympanique à long terme qui pourraient en résulter.

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