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ORL et Stomatologie

Publié le 19 juin 2018Lecture 7 min

Rhinosinusites aiguës de l’enfant

François SIMON, service d’ORL pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants malades, Paris

La rhinosinusite aiguë de l’enfant est très fréquente et le plus souvent banale avec une rhinorrhée, de la toux, une douleur peu importante et peu ou pas de fièvre. Il existe cependant plusieurs cas sévères, avec une présentation clinique typique, qui peuvent nécessiter une prise en charge spécialisée, voire un drainage chirurgical en urgence. L’enjeu est donc d’avoir un cadre thérapeutique clair pour la rhinosinusite aiguë banale (conférence de consensus(1)) et de savoir rechercher les complications pour orienter vers le spécialiste.

Définition et symptômes La rhinosinusite aiguë pédiatrique correspond à un large éventail de pathologies de la muqueuse nasale pouvant aller du simple rhume à la rhinosinusite sévère nécessitant un drainage chirurgical. Les symptômes sont aspécifiques avec une rhinorrhée (claire ou purulente), une congestion turbinale et une œdème/érythème de la muqueuse nasale. Il peut être en effet difficile de différencier cliniquement une rhinosinusite aiguë non compliquée d’une rhinite aiguë simple. La principale différence est la durée moyenne des symptômes : la rhinite guérit généralement en 7-10 jours alors que la rhinosinusite aiguë dure plus de 10 jours. Les symptômes de la rhinosinusite sont également habituellement plus lourds que la rhinite simple, avec une fièvre plus élevée, une congestion nasale plus importante et une rhinorrhée d’avantage purulente(2). Par rapport aux adultes, les enfants se plaignent souvent moins de céphalées, de fatigue ou d’hyposmie, et présentent davantage de modification du comportement ou d’irritabilité. Il y a trois modes d’entrée ty - piques : persistance de symptômes d’une rhinite aiguë, une atteinte d’emblée plus sévère ou une dégradation secondaire (tableau 1). En l’absence de signes de complications (œdème de la face, céphalées importantes, symptômes neurologiques), aucun bilan complémentaire n’est nécessaire. Par définition, la rhinosinusite aiguë s’installe en moins de trois jours et doit être résolue en moins de 3-4 semaines (au-delà il s’agit d’une forme sub-aiguë et après 3 mois d’une forme chronique). Physiopathologie Les sinus para-nasaux sont des espaces aériens qui sont situés autour des fosses nasales et dont l’aération se fait par des ostiums. La muqueuse des sinus nasaux con tient un épithélium cilié qui fonctionnent de manière coordonnée pour évacuer les sécrétions et maintenir un environnement stérile(3). Les sinus se dé veloppent de façon symétrique et progressive, avec les sinus maxillaires et ethmoïdaux présents dès la naissance (même si de taille très réduite). Le sinus maxillaire prend la forme d’une véritable cavité vers 3 ans. Les sinus sphénoïdaux se développent à partir de l’âge de 9 mois, mais ne deviennent de véritables cavités que vers 6 ans. Les sinus frontaux sont les derniers à se développer à partir de l’âge de 8-9 ans pour atteindre une taille adulte au cours de l’adolescence(4) . Le terme de sinusite ne soustend pas une infection et peut être secondaire à une pathologie inflammatoire de la muqueuse. Cependant, les rhinosinusites aiguës sont majoritairement infectieuses et dans plus de 90 % des cas d’origine vira le. Lors d’une infection bactérienne, les souches suivantes sont retrouvées par ordre de fréquence : Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Moraxella catarrhalis, Staphyococcus aureus(5). Les sinusites bactériennes suivent habituellement le même processus physiopathologique : suite à une agression de la muqueuse nasale (le plus souvent virale), l’œdème de la muqueuse va obstruer l’ostium des sinus et favoriser la pullulation microbienne (figure 1). Ainsi, les bactéries naturellement présentes dans les fosses nasales et le nasopharynx colonisent les sinus habituellement stériles. Figure 1. Cycle favorisant la sinusite bactérienne : une agression de la muqueuse nasale initiale (le plus souvent une infection virale) entraîne un œdème de la muqueuse et dons une obstruction de l'ostium des sinus, favorisant une pullulation microbienne, une diminution de la clairance par les cellules ciliées, une stase des sécrétions et une hypoxie. À son tour, cette inflammation locale entretient et amplifie l’œdème. Prise en charge de la rhinosinusite aiguë non compliquée La Société française d’oto-rhinolaryngologie (SFORL) a publié des recommandations sur le traitement des rhinosinusites de l’enfant en 2009(1). Le traitement symptomatique (détaillé dans le tableau 2) est la base de la prise en charge, et repose sur le mouchage, des lavages de nez au sérum physiologique (isotonique) et des antalgiques (antipyrétiques). Un vasoconstricteur local peut être prescrit si l’enfant a plus de 15 ans. L’antibiothérapie n’est pas indiquée dans la grande majorité des cas (rhinosinusites maxillaires virales). Ce point doit être expliqué aux parents qui sont souvent demandeurs d’un traitement antibiotique : l’éducation sur quelques points de base de physiopathologie et d’épidémiologie permet une meilleure adhérence à la prise en charge. Les indications d’antibiothérapie, ainsi que le choix des molécules en première intention sont détaillées dans le tableau 3. Succinctement, en dehors du cas le plus fréquent de rhinosinusite maxillaire bien tolérée, un traitement par amoxicilline-acide clavulanique peut être prescrit pendant 7-10 jours. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire (les radiographies simples n’apportent aucune information, le bilan sanguin et le prélèvement local ne sont pas nécessaires). Un scanner injecté des sinus doit être proposé uniquement en cas de suspicion de sinusite compliquée, souvent avant d’orienter vers un spécialiste. Tableaux cliniques typiques des formes sévères Les sinusites bactériennes éthmoïdales, et plus rarement frontales et sphénoïdales, représentent la majorité des rhinosinusites sévères ou compliquées. Quatre-vingt-dix pour cent des complications con cernent l’orbite mais il peut aussi y avoir des abcès sous-cutanés ou des empyèmes sous-périostés intracrâniens. Ces trois localisations doivent être traitées systématiquement par antibiotique(1) et peuvent nécessiter un drainage chirurgical en urgence en cas de mauvaise évolution. Il est important de savoir les dépister pour faire faire un scanner injecté des sinus et adresser pour avis à un spécialiste. La prise en charge de l’éthmoïdite a été bien codifiée(6,7). L’éthmoïdite simple non extériorisée correspond à une accumulation de pus dans les cavités éthmoïdales (généralement unilatérale) et entraîne un œdème de la paupière unilatéral. En cas d’aggravation et passage à une forme extériorisée qui dépasse les limites anatomiques de l’éthmoïde, un abcès sous-périosté orbitaire peut se former (figure 2) qui évolue, en l’absence de traitement, vers un abcès intra-orbitaire et une thrombose du sinus caverneux. Figure 2. Scanner des sinus injectés : les flèches montrent un abcès sous-périosté orbitaire gauche. Indication de drainage chirurgical (voie paracanthale interne ou par voie endonasale. Les premiers signes de gravité à rechercher sont oculaires : exophtalmie, ophtalmoplégie, baisse de l’acuité visuelle ou diminution du réflexe photomoteur. La réalisation d’un scanner injecté est également nécessaire pour objectiver la présence d’un abcès sous-périosté. Tout signe de gravité ou scanner anormal nécessitent un avis spé- cialisé pour discuter de l’hospitalisation et d’un drainage chirurgical (par voie canthale interne ou par voie endonasale). Les sinusites sphénoïdales ou frontales sont moins fréquentes et surviennent surtout chez le grand enfant et l’adolescent, puisque la croissance des sinus est plus tardive. Le sinus frontal peut également se compliquer avec un abcès sous-périosté orbitaire et des symptômes identiques à une éthmoïdite aiguë. Les deux autres locations d’abcès moins fréquentes sont en avant dans les tissus sous-cutanés (connu sous le nom de « Pott’s puffy tumor », car se pré- sente cliniquement comme une tuméfaction molle frontale – figure 3) et en arrière pour former un abcès sous-périosté intracrânien. Le sinus sphénoïdal peut se compliquer d’empyème intracrânien ou de thrombose du sinus caverneux (figure 4). Figure 3. Scanner des sinus injectés : la flèche montre un abcès des tissus mous en avant d'un sinus frontal gauche infecté. C'est le « Pott’s puffy tumor ». Dans ce cas et lorsqu'une collection est présente, un drainage est nécessaire (un traitement antibiotique peut suffire en cas de cellulite sans collection). Figure 4. Scanner des sinus injectés : sinusite sphénoïdale. Le sphénoïde droit est plus gros que le gauche anatomiquement et est le siège de l'infection. La flèche bleue montre une thrombose du sinus caverneux (absence de rehaussement du sang veineux dans le sinus) et la flèche rouge montre un empyème cérébral. Conclusion La rhinosinusite est une infection fréquente chez l’enfant qui se présente le plus souvent comme une rhinite avec des symptômes un peu plus sévères et qui dépasse 10 jours. Principalement d’origine virale, le traitement est symptomatique. Le texte court des recommandations de 2009 de la SFORL résume les indications et le choix du traitement antibiotique(1). Le plus important est de savoir reconnaître les formes compliquées, le plus souvent des sinusites bactériennes éthmoïdales et rarement frontales ou sphénoïdales. Ces sinusites nécessitent un scanner injecté en urgence et un avis spécialisé pour discuter une hospitalisation ou un drainage chirurgical.

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