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Comportement

Publié le 12 avr 2017Lecture 9 min

Le droit des jeunes filles à la sécurité et au choix de leur sexualité

Ghada HATEM, Maison des femmes, maternité Angélique Du Coudray, Centre hospitalier de Saint-Denis

Le premier droit des jeunes filles et des adolescentes est celui d’être protégées. Protégées contre les risques d’agressions sexuelles (viols, incestes), contre les mariages forcés, les crimes d’honneur, les grossesses non désirées, les mutilations sexuelles, les conséquences de la perte de la virginité avant le mariage, et bien sûr les maladies sexuellement transmissibles. Le droit également d’être protégées avant leur naissance contre le fœticide lorsque l’enfant à naître est une fille, voire même l’infanticide féminin dans les pays où règne la politique de l’enfant unique. Enfin, il s’agit également de les protéger d’une vision pornographique de la sexualité telle que diffusée et banalisée par internet et les réseaux sociaux.

Certains de ces événements dramatiques sont la conséquence de la persistance de traditions culturelles néfastes pour les femmes, d’autres sont liées à la résurgence des conservatismes politiques et religieux qui viennent entraver le libre exercice des droits sexuels et reproductifs pour les femmes tous âges confondus. Si les situations ne sont pas comparables entre les jeunes filles occidentales et le reste du monde, les problématiques liées à la santé sexuelle et aux droits humains sont parfois de même nature. Les étapes de l’autonomie des femmes La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges de 1791 représente un moment clé sur le chemin de l’émancipation des femmes. Voici quelques autres événements notables : – la création obligatoire d’écoles de filles dans les communes de plus de 800 habitants dès 1850 (loi Falloux) ; – l’uniformisation des programmes scolaires masculins et féminins, avec un baccalauréat unique en 1924 ; – le droit de vote et l’éligibilité pour les femmes en 1944 ; – le droit pour les femmes d’ouvrir un compte en banque et d’exercer une profession sans le consentement de leurs maris en 1965 ; – l’accès à la contraception en 1967 (loi Neuwirth) ; – l’autorisation de l’IVG en 1975 (loi Veil) ; – la définition légale du viol en 1980 ; – l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes en 1983 (loi Roudy) ; – la condamnation de l’entrave à l’IVG en 1993 (loi Neiertz) ; – l’introduction de la notion de respect dans les obligations du mariage en 2006 ; – l’alignement de l’âge légal du mariage pour les garçons et les filles à 18 ans en 2006 ; – la loi pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes en 2014. L’article 19.1 de la Charte des droits de l’enfant (1989) stipule que « les États prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités phy siques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle ». Les 20 dernières années ont permis des avancées législatives décisives dans les droits des femmes, avec une accélération historique du processus. Pour autant, le travail quotidien sur le terrain montre que les mentalités évoluent plus lentement que les lois, et que dans de nombreux groupes humains ces lois sont inopérantes. Les obstacles qui entravent l’accès universel à la santé et aux droits sexuels sont parfois financiers, mais sont très souvent liés à l’ignorance et à la peur. Quelques observations issues des consultations • Les demandes d’IVG chez les adolescentes ont augmenté entre 1990 et 2011 où elles concernaient environ 13 500 jeunes filles de moins de 18 ans. Or ces dernières sont supposées être informées et avoir un accès aisé à la contraception, ainsi qu’à la contraception d’urgence. Délivrée gratuitement dans les centres de planification familiale, la pilule l’est également dans les pharmacies depuis 2013 sur présentation d’une ordonnance et de la carte vitale de leurs parents. Un dispositif prévoit même le respect de l’anonymat si elles le souhaitent. Et pourtant, ces jeunes filles connaissent souvent très peu leur corps et leurs droits, et ont du mal à appréhender le risque de grossesse dès le premier rapport. • Les prescriptions de contraception se heurtent parfois à des préjugés tenaces sur les risques de la pilule, « les hormones, c’est pas naturel », brandis par des gamines qui n’hésitent pas à fumer plus d’un paquet de cigarettes par jour, certes issues de l’agriculture. • Depuis quelques années, les demandes de réfection hyménéale et les certificats de virginité redeviennent un motif de consultation pour des jeunes filles nées et éduquées en France mais vivant dans des communautés où l’honneur de la famille et du clan est un frein à leur souhait légitime d’émancipation. • Certaines consultations, y compris pour IVG, sont l’occasion de dépister un risque de mariage forcé, des antécédents de viols et d’inceste, ou des excisions. Elles sont également l’occasion pour les médecins, sages-femmes et conseillères conjugales, d’appréhender l’absence totale d’information et de discussion autour de la santé sexuelle dont elles auraient pu bénéficier à l’école, voire au sein de leurs familles où malheureusement ces sujets ne sont jamais abordés, et représenteraient parfois de l’aveu même des jeunes filles « un manque de respect dû aux anciens ». Deux situations particulièrement néfastes pour les jeunes filles et encadrées par la loi Mariage sans consentement Selon le droit civil français, il ne peut y avoir de mariage sans consentement, et les filles et les jeunes femmes sont les principales victimes des mariages forcés. Au total, 4 % des femmes immigrées vivant en France et 2 % des filles d’immigrés nées en France âgées de 26 à 50 ans ont subi un mariage non consenti. Les mariages forcés s’accompagnent de violences multiples avant le mariage (violences physiques, psychologiques, sexuelles, éco nomiques, etc.) et après (violences conjugales, viol conjugal, etc.). En 2013, le législateur a introduit un nouveau délit punissant de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende « le fait, dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou à conclure une union à l’étranger, d’user à son égard de tromperies afin de la déterminer à quitter le territoire de la République » (article 222-14-4 du Code pénal)*. Repérer et protéger ces jeunes filles est une des missions des Centres de planification familiale.  *Sources : Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF). Mutilations sexuelles Les mutilations sexuelles féminines constituentune atteinte aux droits fondamentaux de la personne, notamment l’intégrité physique et psychologique, avec des conséquences immédiates et durables sur la santé des femmes pour l’accouchement et la sexualité. Bien qu’interdits et punis par la loi, et malgré la protection dont bénéficient en France tous les enfants nés sur son territoire quelle que soit leur nationalité, ces actes sont toujours commis et on estime à 50 000 le nombre de femmes adultes excisées vivant en France. Les suites de couches sont un moment particulièrement adapté à l’information des mères afin qu’elles protègent leurs nouveau-nés filles d’une excision, en général à l’occasion d’un voyage au pays d’origine. Le concept de santé sexuelle Ce concept, apparu au début du XXe siècle est issu du champ de la sexologie. Le droit à la sécurité et au choix de sa sexualité sont des composantes de la santé sexuelle et reproductive qui est une approche positive de la sexualité humaine. Il s’agit d’un processus continu de bien-être physique, mental et socio-culturel, associé à la sexualité. Parmi les huit « objectifs du millénaire pour le développement », trois sont plus directement liés à ces préoccupations : promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, réduire la mortalité infantile et améliorer la santé des femmes. Ils sont loin d’être atteints à ce jour. Ce n’est qu’en 1995 que la Conférence internationale sur les femmes, réunie à Pékin, a reconnu pour la première fois le droit des femmes « à être maîtresses de leur sexualité ». Trente ans après, de nombreuses jeunes femmes ne bénéficient pas des informations nécessaires qui leur permettraient de faire leurs propres choix concernant leur vie, leur corps ou leur santé : décider de se marier et quand le faire ; décider du nombre d’enfants que l’on souhaite et de l’espacement des naissances. À titre d’exemple, 222 millions de femmes et de filles dans le monde n’ont toujours par accès aux contraceptifs qui leur sont nécessaires ; environ 500 000 femmes meurent chaque année des suites de leur grossesse ; et une femme meurt toutes les 9 minutes des suites d’un avortement illégal. Les recommandations semblent pourtant faire consensus : garantir l’accès universel à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, empêcher et éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles, favoriser l’autonomie et le libre choix de sa sexualité, informer, éduquer, accompagner et prévenir ! Les droits sexuels et reproductifs recouvrent : – le droit à la santé, à la santé de la reproduction et à la planification familiale ; – le droit de se marier et de fonder une famille ; – le droit de décider du nombre de ses enfants et de l’espacement de leur naissance ; – le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité ; – le droit de ne pas être soumis à la discrimination fondée sur le genre ; – l’éducation sexuelle ; – la défense et la promotion des droits des femmes ; – l’égalité et l’équité entre les sexes. Les jeunes réfugiés et déplacés sont plus exposés aux risques concernant leur santé sexuelle que les jeunes en situation de stabilité, et devraient faire l’objet d’une vigilance accrue. L’éducation à la santé sexuelle Tous les garçons et les filles doivent recevoir une éducation sexuelle au cours de leur scolarité, obligatoire et respectueuse de la dignité et de l’autonomie des personnes, dans tous les établissements scolaires. Ces cours devraient être adaptés à l’âge des élèves, satisfaire à des critères d’objectivité et de rigueur scientifique, et être exempts de jugements de valeur. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU souligne : « l’importance pour les adolescents de bénéficier d’un accès à des informations appropriées et objectives sur les questions de sexualité et de reproduction, dont la planification des naissances, la contraception et la prévention des maladies sexuellement transmissibles, dans le cadre des programmes scolaires ordinaires et sans discrimination d’aucune sorte ». Ce n’est malheureusement pas le cas, du fait du refus de certains directeurs d’établissements ou de l’hostilité des parents. Il s’agit d’éduquer à tous les aspects de la vie amoureuse, à la sensualité, aux émotions, et pas seulement à l’anatomie et la reproduction, de combattre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Chez les jeunes, l’homophobie est un facteur de risque suicidaire et peut être combattue par une meilleure sensibilisation des personnels de l’Education nationale et par une information éclairée des élèves. La sensibilisation aux risques est essentielle, mais le message ne peut être uniquement sécuritaire. L’importance du respect et la notion de consentement doivent faire l’objet d’une attention particulière. Sur ce sujet, la campagne anglo-saxonne « Tea Consent » est un modèle pédagogique élaboré à partir de la comparaison entre le rituel du thé et les rapports sexuels. À consommer sans modération ! (pour en savoir plus : www.consentiseverything.com). L’ONUSIDA dresse la liste des aptitudes psychosociales importantes pour les jeunes en ce qui concerne le VIH. Elles semblent toutes pertinentes dans les domaines de la santé sexuelle et doivent être intégrées dans les formations : – Comment prendre et défendre de bonnes décisions concernant les relations et les rapports sexuels ? – Comment faire face aux pressions concernant les rapports sexuels non désirés ou les stu péfiants ? – Comment reconnaître une situation potentiellement risquée ou dangereuse ? Comment et où demander de l’aide ou du soutien ? – Quand on est prêt à avoir des rapports sexuels, comment négocier les rapports sexuels protégés ou les autres formes de rapports sexuels sûrs ? – Comment faire preuve de compassion ou de solidarité à l’égard des personnes ? Conclusion Les jeunes sont aujourd’hui davantage exposés aux risques concernant leur santé sexuelle et reproductive, du fait de l’urbanisation croissante, de l’effondrement des structures sociales et économiques, et de la mobilité accrue des populations. Les filles sont les meilleurs vecteurs de changement, et investir dans leur éducation est bénéfique pour l’ensemble des familles, des communautés et des sociétés, y compris dans la lutte contre la pauvreté et l’amélioration du développement économique. À nous de leur donner les moyens d’être actrices de leur santé, d’avoir accès à une éducation et de participer pleinement à la vie sociale et économique.

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